Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
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Avec ce nouvel album à l’amusant titre à rallonge, réalisé dans la prolongation de son « Lydie » (remarquable one-shot également réalisé avec un autre excellent graphiste espagnol), le brillant scénariste belge immigré en territoire ibérique qu’est Zidrou se focalise, une fois de plus, sur le registre de l’émotion. Capable d’aborder tous les genres, il joue malicieusement avec nos sentiments de lecteurs, que ce soit dans ces récits intimistes destinés prioritairement aux adultes (« Le Beau voyage. », « La Peau de l’ours », « Le Client »…) ou dans ses séries jeunesse (« Boule à zéro », « Tamara » ou même « L’Élève Ducobu »). Cette fois-ci, il aborde, avec pudeur et sincérité, un sujet délicat : la difficulté, pour une personne seule, de s’occuper d’un handicapé.
Une chétive mère septuagénaire élève donc, amoureusement, un gaillard du genre corpulent qui, depuis un terrible accident de voiture, est resté un petit garçon dans sa tête. Comme elle ne veut pas qu’il aille dans une maison adaptée, on assiste alors à ses joies, mais aussi à sa lassitude et sa souffrance : résultats de tant de contraintes qui ne lui laissent jamais un instant de libre. Pour couronner le tout, elle arrive à peine à partager ses doutes et ses inquiétudes avec son autre enfant, une fille qui, elle, refuse de sacrifier son existence pour améliorer celle de son frère qui, il faut bien le reconnaître, accumule les grosses bêtises.
Le petit train-train quotidien de cette vieille maman et de ce colosse à l’âme de gamin qui adore regarder des dessins animés et qui est super fort aux jeux vidéo est tendrement et habilement mis en scène : découpé en une série d’historiettes, le scénariste passe en revue les épreuves endurées par cette personne qui a vraiment l’impression d’être toute seule pour affronter les aléas de ce dur et ingrat labeur.
Quant au trait semi-humoristique et expressif, tout en rondeur et en souplesse, du dessinateur du polar « Jazz Maynard » — lequel change ici totalement de style —, il s’adapte remarquablement à l’humanité et à l’intelligence de ce scénario qui ne tombe jamais dans le pathos : la narration laissant même, très souvent, une grande place au rire et à l’humour.
Gilles RATIER
« Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? » par Roger et Zidrou
Éditions Dargaud Benelux (14,99 €) – ISBN : 978-2-7560-39711-8