Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Histoires du quartier » par Bartolomé Seguà et Gabi Beltrán
Les Baléares, haut lieu du tourisme de masse et Palma de Majorque, sa capitale, mais dans les années 1980 et vus du côté des habitants : voilà ce que proposent Bartolomé Seguà et Gabi Beltrán dans ces tranches de vie qui ne font pas de quartier et racontent la vraie vie, celle qu’ils ont bien connue car ils sont nés tous deux à Palma…
 En 1980, ils sont alors adolescents. C’est « l’été où on s’est mis à vivre plus vite que la plupart des garçons de notre âge », dit le narrateur, c’est-à -dire l’été où ils découvrent de plus près le quartier des prostituées et ces Américains dont les porte-avions mouillent à quelques encablures. Dollars et petites pépées, mais aussi l’Ailleurs, le voyage : « Je pensais que tout ce qui était bon était au-delà de l’horizon. Que là -bas, après la ligne derrière laquelle disparaissent les bateaux, les mères ne faisaient pas de crises de nerfs et les pères n’étaient pas alcooliques. Que c’était toujours le jour, que l’été habitait là -bas et qu’on pouvait y aller en bateau » ! Tout un programme pour ces petites têtes désœuvrées nées dans des milieux très populaires et qui vont s’essayer à tout : les cigarettes, les bandes de copains, les bagarres, le vol de voitures, la découverte du sexe, la haine ou la loi du plus fort aussi… Autant de saynètes urbaines où les auteurs ne se cachent pas, n’enjolivent pas, bref ne jouent pas les stars : ils se racontent sans complaisance, avec sincérité, quelquefois avec émotion.Actes de délinquance et sentiment de marginalité n’empêchent pas de grandir, quelquefois de comprendre : faut-il fuir ? Faut-il avoir peur ? Comment faire pour changer la vie, de famille, quitter l’univers étriqué de la Plaza Mayor ? Comment s’échapper d’une île ? Peut-être ne pas négliger la vie des humbles qui côtoient les héros, comme ce vieux Paco qui survit seul sur son balcon en observant la place ; comme le père du narrateur, simple ouvrier, dont on raconte la fin au fil d’un texte littéraire égrainé entre les séquences BD.
Bartolomé Seguà croque simplement (son narrateur est un Tintin au visage extrêmement schématisé) mais efficacement (ruelles ou campagnes des Baléares sont joliment rendues). Il avait déjà dessiné (sur scénario de Ramón de España dans « Le Rêve mexicain », chez Paquet, en 2004) l’histoire d’Oscar trafiquant de tableaux qui, pour échapper à des gangsters auxquels il devait de l’argent, embarquait pour… les Baléares ! À Minorque, il retrouvait sa femme Lucia, qui ne vivait plus seule, et sa fille. Encore des personnages en souffrance et des situations conflictuelles d’une Espagne inhabituelle, et d’îles méditerranéennes qui ont bien changé depuis, ce qu’appuie l’éditeur préfacier en signalant que le parfum du melon et de la pastèque ont bien disparu des rues de Palma. Pourtant, dit-il « on a beau s’éloigner, le quartier perdure »…
Alors bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Histoires du quartier » par Bartolomé Seguà et Gabi Beltrán
Éditions Gallimard, collection Bayou (18 €) – ISBN : 978-2-07-065019-4