COMIC BOOK HEBDO n°117 (17/04/2010)

Après une semaine d’absence pour cause de Torino Comics (j’en reviens avec pour vous une belle interview de Scott McCloud, prochainement en ligne), votre chronique préférée revient avec l’un des joyaux des comics de la fin du 20ème siècle : SWAMP THING par Alan Moore.

SWAMP THING vol.1 (Panini Comics, Vertigo Cult)

Je ne pourrai qu’être digressif sur ce sujet, tant l’œuvre fait partie du patrimoine, mais replaçons succinctement les choses… Alec Holland a malheureusement fini ses jours de manière violente en étant projeté dans un marais. Par le truchement du destin et de quelques substances étranges, Holland devint autre. Une créature humanoïde constituée d’humus, de lichens, de mousses, d’herbes et de lianes, de champignons et d’humeurs végétales. Né de l’imagination de Len Wein et sous le dessin de Bernie Wrightson (rien que ça), cette création atypique lorgne plus du côté des récits d’horreur DC que du monde des super-héros. Pourtant, l’univers super-héroïque résonne au loin, mais jamais ne se déverse assez pour briser le cocon, l’univers d’Holland. C’est cette spécificité, mêlée au renouveau qu’apporta Moore à la série, qui fit de celle-ci le premier titre annonçant l’émergence du label Vertigo. Moore arriva sur le titre en janvier 1984, au numéro 20. Anecdote intéressante, c’est en lisant le numéro 26 (présent dans cet album) de The Saga of the Swamp Thing que Neil Gaiman revint à son prime amour des comics et décida de se lancer en tant que scénariste…C’est dire si l’arrivée de Moore sur la série fit date et marqua les esprits !

Et effectivement, lorsqu’on relit l’œuvre, c’est vraiment magnifique. L’esprit avec lequel Moore a abordé le personnage et l’histoire est terriblement sensible, païen, tellurique, poétique. L’horreur est là, oui, bien sûr, mais tel qu’en Shakespeare et Shelley, entre odeur de la pourriture végétale en mouvement et féerie étrange de notre inconscient collectif enfoui dans la nature, les ronces, le salpêtre et la fleur en décomposition. Sous la plume de Moore, Alec, ou plutôt la Créature du Marais, devient l’incarnation de la soif d’être vivant, du détachement de l’humanité vers une notion plus vaste, plus globale de ce qu’est la vie. Dès lors, la charge émotionnelle et sans concession que véhicule le personnage principal transmute et bouleverse tous les codes, le laissant en marge de tout ce qui arrive sans qu’il arrive pour autant à ne pas agir. Mais agir comme on respire. La portée humaniste et intelligente qu’a insufflé Moore dans cette œuvre reste toujours aussi puissante aujourd’hui. Et les dessins de Bissette et Totleben, surtout lorsqu’ils vont dans la précision, s’avèrent souvent fascinants. Voilà, je ne vais pas m’esquinter à vous louer cette œuvre plus longtemps, elle n’a pas besoin de moi pour ça, mais je ne pouvais décemment pas ne pas en parler ici. Et puisque je suis un vilain petit canard, je vais finir cet article plein de louanges par deux points noirs qui vont me permettrent de dire plein de mal. Mais c’est amplement mérité.

1°) Le nom de l’auteur, Alan Moore, écrit en plus gros que le titre sur la couverture, précédé de l’insupportable mention « par le scénariste de Watchmen ». Avez-vous donc tellement peur de ne pas vendre, messieurs les éditeurs, pour que vous deviez à votre tour user de ce procédé abject déjà omniprésent au cinéma ? « Par le réalisateur de… ». POUAH ! Alan Moore c’est Alan Moore, basta. S’il est un si grand scénariste ultra reconnu, pourquoi prendre la peine de nommer son best-seller ? Cette espèce d’effet d’annonce abrutissante sonnant comme de la pub est insupportable. C’est avec ce genre de conneries que les gens savent qui a joué dans un film sans être capable de nommer le réalisateur. Nivellement des esprits par le bas, fainéantise du propos. Beurk.

2°) Certes, mettre en avant que la préface de l’album est signée « par le créateur de The Swamp Thing », le grand Len Wein, est légitime. Surtout, vous serez d’accord, lorsqu’il fut accompagné sur le titre par le génial Bernie Wrightson. Alors, messieurs les éditeurs, si tout ça est aussi génial, pourquoi ne pas éditer The Swamp Thing depuis le début de la série, au lieu de commencer pépère (mais pas tant que ça vu la mention de couverture) par l’épisode 20 réalisé par « le scénariste de Watchmen » ? Je trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie et pas beaucoup de courage, dans tout ce beau mouvement culturel…
Voilà. J’ai fini mon coup de gueule. Vous pouvez courir acheter l’album.

Cecil McKINLEY

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