Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Luki Bancher : un prof d’anglais dessinateur de BD…
À quelques jours de la rentrée, nous sommes allés à la rencontre de Luki Bancher, un dessinateur… professeur d’anglais, dont l’ouvrage « En classe with me », adapÂté de son blog à succès, vient d’être publié chez EP Emmanuel Proust Éditions.
Julien Derouet : Des profs de français auteurs de romans ou même scénaristes de bandes dessinées on connaît, des profs de dessins, auteurs de BD, on connaît aussi, en revanche un prof d’anglais, dessinateur de BD… Tu es un précurseur…
Luki Bancher : Et non, même pas ! Chris Malgrain est dessinateur de BD et prof d’anglais au Mans (il a même déjà bossé avec Stan Lee sur une bande dessinée américaine).
J. D. : As-tu hésité, alors que tu étais plus jeune entre la BD et le professorat ?
L. B. : J’ai toujours dessiné, mais j’ai également été très tôt attiré par l’anglais. On peut faire des choix sans forcément tout laisser tomber… Je n’ai pas toujours crayonné autant que je l’aurais voulu au fil des ans et j’ai sans doute mis plus de temps à me faire éditer que si je n’étais pas devenu prof… J’espère cependant que cet exemple pourra contribuer à motiver certains jeunes : faire rimer passion et études/travail, c’est possible… Mais il faut être prêt à passer moins de temps devant sa télé et accepter de troquer sa console pour une guitare, des crampons ou un stylo.
J. D. : Comment tes élèves ont-ils accueilli cet ouvrage ?
L. B. : Difficile à dire : l’album est sorti le 4 juillet, le premier jour des grandes vacances… Mais d’une manière générale, je tiens à distinguer les deux activités et nous ne nous entretenons pas extensivement sur le sujet.
J. D. : Connaissaient-ils tes talents de dessinateur ?
L. B. : Dans la mesure où le dessin me semble être un outil d’enseignement précieux, il serait dommage de s’en priver. Sans nécessairement atteindre des sommets de précision, un simple croquis peut en effet débloquer bien des situations de manière ludique. Oui, mes élèves savent que j’aime dessiner.
J. D. : Et tes collègues, comment ont-ils réagi ?
L. B. : Les collègues qui s’intéressent à mes petits Mickey sont habituellement enthousiastes et les retours plutôt bienveillants… Je pense qu’ils sont contents de pouvoir se dire « ah tiens, c’est marrant, ce truc-là m’est déjà arrivé ». Et puis il faut bien avouer que le milieu scolaire est plus souvent décrit du point de vue humoristique des élèves… Ça change un peu de désacraliser le point de vue du prof, tout en lui donnant un ton plus décomplexé, peut-être plus humain.
J. D. : Est-ce que ce premier album t’a donné d’autres envies ?
L. B. : Je suis heureux d’avoir pu garder foi et motivation jusqu’au bout de ce projet qui me tenait aux tripes. C’est-à -dire que j’ai toujours eu la BD dans la peau. J’y reviendrai sans doute tôt ou tard. Dans ce domaine, j’ai envie de prendre les choses comme elles viennent sans me prendre la tête.
J. D. : Même si tu dis qu’il s’agit de fiction, je suppose qu’il y a pas mal de réel dans ces pages ?
L. B. : Ce que je dis, c’est qu’à part ma famille et quelques proches, tous les personnages sont bien sûr inventés. Les histoires sont elles, tirées d’anecdotes réelles, effectivement. Ainsi, je peux « piocher » dans ma galerie de personnages selon mes besoins et mes envies, pour raconter les aventures de mon protagoniste principal.
J. D. : Le dessin est-il un défouloir après une journée de travail difficile ?
L. B. : Après une journée de travail particulièrement difficile, je n’ai plus forcément l’énergie ni la concentration nécessaire pour me remettre à ma table à dessin. En revanche, il peut m’arriver de noter des anecdotes après une journée bien remplie, si des choses intéressantes s’y sont produites. De toute façon, j’ai en général besoin de mûrir mes idées et de digérer ce qui m’est arrivé avant de passer à un stade plus poussé de création.
J. D. : Comment Emmanuel Proust en est-il venu à publier ton album ?
L. B. : De la manière la plus classique qui soit : quand le blog s’est mis à bien fonctionner, j’ai envoyé des dossiers à droite à gauche et ce fut le premier à me répondre positivement.
Julien DEROUET