COMIC BOOK HEBDO n°110 (20/02/2010)

Cette semaine, le phénix renaît de ses cendres?

L’ENVOL DU PHÉNIX (Panini Comics, Best of Marvel)

Si comme moi vous avez découvert les comics avec les publications Lug et que tous vos sens adolescents ont été tourneboulés par une Jean Grey totalement sublimée, magnifiée, par les dessins de John Byrne et l’encrage de Terry Austin, alors le Spécial Strange n°33 d’août 1983 doit rester pour vous comme une pierre noire dans votre mémoire de lecteur transi… Fébrilement, nous avions dévoré ce terrible récit, le cÅ“ur en arrêt, espérant à chaque page que le pire n’arrive pas. Mais ce fut pire que pire, car contrairement à ce que semblait sous-entendre la couverture (trompeuse puisqu’elle reprenait en fait celle de l’épisode précédent en vo) nous n’aurions même pas le corps de la victime à sanctifier à l’issue de l’épisode fatidique… De Jean Grey et de Phénix il ne resterait rien, l’héroïne s’étant littéralement atomisée. Horreur intégrale. J’imagine que les lecteurs américains avaient dû souffrir le martyre de devoir attendre un long mois pour lire la suite des événements, et voir ce que la mort de Jean Grey allait changer dans l’existence des X-Men, si elle resterait présente dans la série par des flash back et autres trouvailles narratives… Pour nous, pauvres lecteurs français, l’attente fut tout simplement intolérable puisque Spécial Strange était trimestriel !!! Argh !
Et puis, au-delà de la fiction, la mort de Phénix fut annonciatrice d’une autre fin : celle du duo Claremont/Byrne sur le titre, les deux compères arrêtant leur brillantissime collaboration seulement six numéros après le drame. Dur !

La mort de Phénix était survenue dans Uncanny X-Men #137, daté de septembre 1980. Un peu plus de cinq ans après, en janvier 1986 très précisément, ce ne fut pas le Phénix qui allait renaître de ses cendres, mais bien Jean Grey. Jean, tout simplement. Telle qu’elle était avant la rencontre cosmique, en tant que Marvel Girl. Son retour, dans un contexte où les X-Men avaient comme chef non plus Cyclope (retranché en ermite) mais Magneto, allait amorcer la naissance d’une « nouvelle » équipe nommée X-Factor et constituée des membres originaux des X-Men : Cyclope, Marvel Girl, le Fauve, Iceberg et Angel. C’était bon, de se retrouver… Mais quelque chose avait été cassé, qu’on le veuille ou non. Le coup des super-héros qui meurent puis reviennent à la vie par quelque truchement scénaristique, on connaît, on a toujours connu, et ce n’est pas près de s’arrêter. Les cas récents de Captain America et de Batman en disent long à ce sujet, déclenchant toujours autant les passions et les interrogations sur le bien-fondé de ce genre de coup de théâtre qui perd son sens par un certain galvaudage. Mais contrairement à d’autres personnages, Phénix avait cette aura si particulière, une place si unique et grandissante dans l’univers Marvel, (et une personnalité si touchante, femme aussi forte que fragile, archétype de la belle amoureuse, comme un idéal) que sa mort semblait plus inacceptable que d’autres. La faute à Claremont pour avoir à ce point travaillé la psychologie du personnage et lui avoir donné pareille destinée, et à Byrne, pour avoir dessiné Jean de manière si ensorcelante. La qualité du personnage avait atteint un tel degré que l’affect du lectorat en fut fortement touché. Il suffit d’écouter l’équipe éditoriale et artistique de l’époque (Claremont, Byrne, Austin, Shooter, Salicrup et Jones) parler ensemble du « problème Phénix » pour comprendre à quel point la mort de ce personnage semblait éthiquement inéluctable tout autant qu’acceptée avec une triste résignation… Jean Grey pouvait-elle définitivement disparaître de l’univers Marvel ? Il faut croire à juste titre que non, puisque la belle réapparut donc au début de l’année 1986 par le biais de différents titres. Ce fut non seulement une renaissance, mais aussi le moment des explications. Le présent album est un recueil des épisodes afférents à cette renaissance.

Cela se passa dans Avengers #263 et Fantastic Four #286. Un étrange cocon retrouvé au fond de la baie Jamaica, pris en charge par les Vengeurs et les FF, et qui se révèle être la chrysalide de Jean Grey. Bien évidemment, après avoir compris ce qui lui était arrivé, elle n’eut qu’une idée en tête : revoir Scott. Ce sont ces retrouvailles qui vont engendrer une nouvelle équipe et un nouveau titre Marvel : X-Factor. Étrange renouveau que cette résurgence du passé par la réunion des premiers X-Men, encore plus clandestins qu’à leurs débuts… Après ces trois premiers épisodes, deux courts récits issus de Classic X-Men apportent des éclairages sur ce qui s’est passé à l’insu de tous. Le premier, signé par l’excellent John Bolton, est issu de Vignettes, récemment édité par Panini. Un doublon tout excusé et même nécessaire puisqu’il exprime d’une autre manière – beaucoup plus réaliste, métaphysique, cruelle – la « mort » de Jean Grey racontée dans l’épisode des FF. Un regard moins mainstream, résolument plus adulte, qu’il est particulièrement judicieux d’avoir inséré dans le présent ouvrage. Le second récit issu de Classic X-Men est un peu plus anecdotique et bavard, mais il complète néanmoins le sujet. Et puis l’album se finit sur le fameux épisode #137 d’Uncanny X-Men, celui-là même où Jean se donna la mort devant nos yeux pétrifiés. Vous pourrez me traiter de chochotte, de petite nature, de tout ce que vous voulez, mais je n’ai pas eu le courage de relire ce récit, refermant l’album avant d’en lire la première bulle. Bah ouais, et alors ? Alors, un album indispensable à tout fan de Jean Grey, porté par des auteurs et des artistes costauds: outre Claremont, Byrne et Austin (n’oublions jamais Austin), nous retrouverons ici Roger Stern, Bob Layton, John Buscema, Tom Palmer, John Bolton, et quelques très beaux dessins de Mike Collins. We love you, Jean.

Cecil McKINLEY

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