Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Kim Thompson (1956-2013)
Le meilleur ambassadeur de la bande dessinée européenne aux USA, notamment par le biais de sa maison d’édition Fantagraphics Books, n’est plus.
Né le 25 septembre 1956 au Danemark d’un père américain, programmeur informatique pour le gouvernement américain et d’une mère danoise, le jeune Kim manifeste très tôt un goût prononcé pour la bande dessinée, tant européenne qu’américaine. Les différentes affectations de son père lui permettront de maîtriser plusieurs langues (danois, allemand, hollandais, espagnol — sa première langue au lycée —, et français puisqu’il effectua l’essentiel de ses études dans des lycées français où il obtint un bac C mention très bien. Les amateurs de BD ne sont pas tous des imbéciles).
Il écrit, est publié dans plusieurs courriers des lecteurs de comics Marvel, tient même la première chronique sur les comics dans Hop !
Aux USA, en 1977, il fait la connaissance de Gary Groth qui vient de se lancer dans l’aventure du Comics Journal et son histoire se confond presque par la suite avec celle de Fantagraphics Books, maison d’édition sans le sou, sans cesse sur la corde raide, qui deviendra le leader de ce que l’on appelle la bande dessinée alternative, à mi-chemin entre un underground agonisant et une nouvelle bande dessinée d’auteur, plus ambitieuse et plus adulte.
Leur premier album est Los Tejanos de Jack Jackson en 1981, et la même année débute le magazine Amazing Heroes, plus grand public, qui connaîtra 204 numéros jusqu’en 1992 et Nemo, plus axé sur la bande dessinée classique, qui ne connaîtra que 31 numéros, mais donnera naissance aux premières grandes rééditions de classiques (« Popeye », « Pogo », « Prince Valiant », « Little Orphan Annie », etc.).
Le premier succès commercial, « Love & Rockets » des frères Hernandez, suit en 1982, à peine freiné par des procès retentissants intentés par des auteurs furieux, Michael Fleischer (insulte, 1980-87), Rich Buckler (plagiat, 1980), Alan Light (insultes, 1982), tous gagnés bien sûr, mais à quel prix !
Par la suite, Fantagraphics fera découvrir presque tous les auteurs importants de ces dernières années : Peter Bagge, Joe Sacco, Daniel Clowes, Charles Burns, Chris Ware, Linda Medley…
Tout en faisant revivre le patrimoine américain dans des intégrales (Crumb, « Krazy Kat », « The Peanuts », « Prince Valiant », « Buzz Sawyer », « Pogo », « Popeye », etc.) plus ou moins rentables, mais superbement éditées.
Dès le début, Kim Thompson essaie de faire partager son goût pour la bande dessinée européenne et fait publier deux volumes du « Jeremiah » d’Hermann (« The Survivors ! ») en 1982. Échec commercial. En 1989, il consacre la presque totalité du n° 160 d’Amazing Heroes à la bande dessinée européenne, interviewe Bernd Metz, éditeur de Catalan, camouflé sous le pseudonyme de Gil Jordan, fait un guide des auteurs, modèle de clarté, et dresse une liste des 10 auteurs à traduire absolument. Ce n’est que dans les années 2000 qu’il arrivera enfin à publier Tardi, Trondheim, Tillieux, Macherot, Peellaert, Mattoti, Swarte, et quelques autres, avec quelque succès.
Fin février 2013, on lui diagnostique un cancer du poumon, lui qui n’avait jamais fumé. Il meurt le 19 juin, à 6 h 30. Il n’avait que 56 ans.
La bande dessinée européenne a perdu son champion, un critique fin et subtil, gros travailleur, ce géant débonnaire travaillait 36h par jour, et un grand bonhomme tout court.
Jacques DUTREY
Je ne connaissais pas cet homme mais son amour de la BD au sens large du terme et sa dévotion envers cet art attirent mon admiration.
Comme on dit la faucheuse emporte toujours les meilleures… Mourir d’un cancer du poumon quand on a jamais fumé c’est « Ironic » comme dirait Alison Morrissette. Le crabe a parfois un humour douteux.
D’après un de ses amis Kim passait beaucoup de temps dans son sous-sol à travailler en écoutant de la musique. Ce sous sol était isolé à l’amiante. Kim ne l’apprit que trop tard.
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