Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Spider-Man Team-up : l’intégrale 1975-1976 » par Sal Buscema, Jim Mooney, Gerry Conway et Bill Mantlo
Parmi les différentes Intégrales proposées par Panini Comics, « Spider-Man Team-up » reste l’une des plus savoureuses… Petit retour sur le dernier volume en date qui contient les épisodes de cette publication où apparut Spider-Man de février 1975 à juin 1976…
Comme je l’avis dit dans ma précédente chronique consacrée à ces Intégrales de « Spider-Man Team-up », cette série reste pour beaucoup de lecteurs français comme l’une des plus appréciées à l’époque bénie de Spécial Strange. Dans les années 70-80, en France, le cÅ“ur de la « génération Strange » oscillait souvent entre Strange et Spécial Strange, certains (souvent les plus vieux lecteurs des publications Lug, ayant découvert l’univers Marvel dans Fantask) restant attachés irrémédiablement à Strange, fidèles à la revue pilier et ses super-héros tout aussi piliers, et d’autres étant totalement enthousiasmés par Spécial Strange qui amenait un vent nouveau, que ce soit avec la série moderne des X-Men ou bien les fameux épisodes de « Marvel Team-up » où apparaissaient respectivement Spider-Man et La Chose en compagnie d’un autre super-héros, le temps d’une aventure. Tout ceci était bien excitant… C’est donc avec délectation que nous retrouvons aujourd’hui ces épisodes au sein d’une Intégrale, véritable voyage proustien. Ah la chouette lecture !
L’album s’ouvre avec deux épisodes dessinés par Jim Mooney, puis c’est Sal Buscema qui prend le relais, encré par Vince Colletta ou Mike Esposito. Quant aux scénarios, c’est Bill Mantlo qui succède à Gerry Conway à l’automne 75. On remarquera une grande différence de ton et d’esprit, entre ces deux scénaristes. Conway s’insère dans la « frange sombre » de l’Âge de Bronze des comics, celle qui rendait de plus en plus compte d’une certaine réalité de l’Amérique d’alors, rongée par des maux sociaux, comme le firent O’Neil et Adams chez DC avec « Green Lantern/Green Arrow ». Dans les épisodes signés Conway, le contexte est lourd : racisme, drogue, secte, criminalité et psychiatrie sont en toile de fond, plongeant notre Tisseur de Toile et ses acolytes successifs dans des aventures assez noires flirtant avec le réel. Confirmation de cet univers plus noir que d’habitude, les deux derniers épisodes de Conway pour la série mettront en scène deux grandes figures de l’horreur : Frankenstein et le loup-garou. Bill Mantlo, lui, va résolument prendre un autre angle, plus proche de ce à quoi nous étions habitués avec Spidey (humour débridé et situations rocambolesques), propulsant ce dernier dans des histoires fantaisistes où le fantastique et la science-fiction sont à l’honneur. Deux facettes de cet Âge de Bronze plus intéressant qu’on ne le dit souvent et qui constitue bien la charnière entre Silver Age et Modern Age, entre classicisme et noirceur.
Les deux épisodes où Spider-Man se retrouve confronté à l’Homme-Météore en compagnie de Nighthawk puis de la Valkyrie sont très réussis, tant pour ce qui est dit de la responsabilité de chacun que pour l’esthétique du super-vilain (sans oublier la beauté farouche de la belle Valkyrie). Ce serait bien qu’un jour Panini Comics pense à éditer « Les Défenseurs », une bonne série malheureusement rarement mise en valeurs… Pendant tout le premier semestre 1976, dans « Spider-Man Team-up », notre héros a été bringuebalé par Mantlo dans différentes époques du passé ou du futur, notamment en 1692 à Salem, dans le contexte des chasses aux sorcières, donc. Ce qui permit de démultiplier le concept de la série, un nouveau coéquipier apparaissant à chaque nouvel épisode, se joignant aux précédents. Ainsi, s’ajoutent à La Sorcière Rouge : La Vision, Fatalis (eh oui !), et Dragon-Lune, tous liés face au même danger. À l’époque, nous nous situions entre les premières super-équipes du Silver Age et les crossovers à venir, les rencontres entre différents super-héros ayant toujours été objet de surexcitation de la part du lectorat. Les deux derniers épisodes de l’album ne sont pas moins intéressants, Spider-Man se retrouvant éjecté en 2019 et 1990, avec les héros très SF Killraven et Deathlock. Vivement la suite, comme on dit…
Cecil McKINLEY
« Spider-Man Team-up : l’intégrale 1975-1976 » par Sal Buscema, Jim Mooney, Gerry Conway et Bill Mantlo Éditions Panini Comics (29,40€) – ISBN : 978-2-8094-2961-9