Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...MICHAEL EST DE RETOUR !!!
Non vous ne rêvez pas, c’est bien MICHAEL, LE CHAT QUI DANSE de Makoto Kobayashi qui revient en force chez Glénat ! Un événement tellement tourneboulant que mon article s’en scinde en deux parties. Si vous ne voulez lire que la critique pure de cette ?uvre absolument formidable, allez directement à la seconde partie. Si vous voulez divaguer un peu avec moi autour de Michael, eh bien lisez tout à partir de? là !
1ère PARTIE : MON P’TIT C?UR BAT FORT POUR MICHAEL.
Depuis 10 ans, voilà à quoi ressemble ma vie…
Entre amis:
- Comment vas-tu?
- Bof… Est-ce que tu sais si quelqu’un va enfin rééditer What’s Michael ? de Makoto Kobayashi? En France, on n’a eu droit qu’à trois petits volumes et puis « Blourf! », plus rien, disparu… C’est horrible…
Au restaurant:
- Et pour Monsieur, ce sera?
- Des croquettes fraîcheur et un verre de lait, s’il vous plaît, et… Savez-vous si quelqu’un va reprendre What’s Michael ? pour l’éditer en intégralité? Il a disparu des librairies, c’est affreux…
À l’entretien d’embauche:
- Vous avez des références, une expérience?
- Oui, je suis un grand fan de Michael le chat qui danse, je peux vous raconter toutes ses aventures par cÅ“ur… Savez-vous s’il va être réédité?
Au contrôle de police:
- Z’avez vos papiers, M’sieur?
- Non, mais j’ai les trois seuls volumes parus en France de What’s Michael ?. Les avez-vous lus? En haut lieu, on sait peut-être s’il va enfin être réédité… vous pourriez me renseigner?
Avec ma chérie:
- Tu m’aimes?
- Miaw.
Bref… Depuis que l’édition de What’s Michael ? s’est brutalement arrêtée en 1998, on me regarde bizarrement, et la vie a pris une drôle de tournure… J’ai beau compenser avec de l’herbe à chats, rien n’y fait… Et puis, il y a peu de temps, alors que j’arpentais les rayons d’une librairie à la recherche d’une couverture d’album qui se démarquerait de la surproduction uniforme qu’on nous jette en pâture et sans vergogne, je l’ai vu. Là . Il était là . Entre deux mangas à succès et un album sans surprise. J’ai tout de suite reconnu sa jolie petite tête ronde et rousse, et le titre qui m’a sauté à la figure, toutes griffes dehors. J’ai mis un petit moment à réaliser, comme si j’avais mal vu, victime d’une hallucination. Mais c’était bien vrai. Oui. Il était là . Enfin. Émotion. CÅ“ur qui s’arrête l’espace d’une seconde. Petite suée interne. Tremblement des mains s’apprêtant à toucher le livre, à le prendre, à l’ouvrir, pour comprendre que tout ceci n’était pas un rêve mais bien la réalité. Et en parlant de réalité, le libraire me confirma bien que Glénat allait éditer l’intégralité de l’Å“uvre, qu’à l’époque ça s’était arrêté car ça n’avait pas marché, c’était trop tôt, les mangas n’avaient pas encore cette popularité permettant une telle édition. Trop tôt? Manga? Tout en comprenant bien cet argument et connaissant l’évolution du marché et des goûts, je n’arrive pas à comprendre ce postulat. Car quoi?!? Qu’est-ce que ça veut dire, trop tôt? Comme s’il a dix ans il n’y avait pas d’amateurs de chats (grosse cible marketing, les minous) ni de fans de bonne bande dessinée… Comme si What’s Michael ? était si avant-gardiste que personne n’y comprendrait rien, bousculant toute logique de cognition et de lecture… Comme si les aventures d’un petit chat, intelligentes, drôles, si simples, évidentes et accessibles, étaient une révolution mettant à mal les sens et la raison des éditeurs et du lectorat… Comment expliquer un tel rendez-vous manqué entre Michael et son public ? J’avoue que cela reste pour moi un mystère. Et cela pose aussi certaines questions, comme de savoir s’il faut qu’une mouvance s’affirme pour qu’une Å“uvre puisse trouver son public, si le lectorat adhère à ces mouvances plus qu’il ne peut où ne veut les créer. Questions peut-être naïves, mais qui soulèvent néanmoins la question du parcours d’une Å“uvre dans notre contexte contemporain. Avant d’être un manga, What’s Michael ? est un petit chef-d’Å“uvre de la bande dessinée tout court qui a toutes les qualités pour être un immense succès. J’avoue que je commence à être assez fatigué de cette spécificité nominative qui sévit dans notre beau pays depuis que les mangas ont débarqué en force – et surtout explosé les ventes. À part évidemment le format de poche qui nécessite une logistique de rayonnage particulier au sein des autres albums au « format occidental », qu’est-ce qui justifie l’existence de ces fameux « rayons mangas » non pas en librairie mais dans les têtes ? Lorsque j’anime des ateliers de bande dessinée pour les gamins et que je leur demande en préambule s’ils lisent des bandes dessinées, j’ai toujours droit à un moment à un ou plusieurs « Non, j’en lis pas, je lis des mangas ». Je trouve ça terrible. Comme si les mangas n’étaient pas de la bande dessinée. Vous imaginez-vous un supermarché avec deux rayons: un rayon « alimentation » et un rayon « bouffe chinoise » ? Comme si les nems n’étaient pas de la nourriture. Car si l’on va par là , pourquoi n’a-t-on pas eu droit à un rayon « fumetti », vu le succès des Å“uvres de Pratt, Manara et consorts? Pourquoi n’a-t-on pas eu droit à un rayon « pebeos », « historiettas »…? Il n’y a guère que les comics qui ont emboîté le pas aux bandes dessinées japonaises. La question du format y joue cette fois-ci encore pour beaucoup, oui, sûrement, mais il semblerait que – de plus en plus alors qu’il semblerait que la bande dessinée s’ouvre au monde comme jamais auparavant – la vision mondiale de la bande dessinée se soit scindée en trois géants : les mangas, les comics, et la bande dessinée européenne, le reste de la production internationale ne semblant pouvoir exister que de manière satellitaire ou épisodique. Faut-il le rappeler, « manga » n’est rien d’autre que le terme désignant la bande dessinée japonaise, avec toutes ses caractéristiques et spécificités culturelles et artistiques, évidemment, mais un terme, et non quelque chose se démarquant de la bande dessinée. Encourager cela, c’est créer des ghettos et des conflits qui n’ont pas lieu d’être. Mais revenons à nos chatons…
2ème PARTIE : UNE ?UVRE MERVEILLEUSE.
Mon dieu, mais que vous dire sur What’s Michael ? ? C’est une bande dessinée absolument formidable, merveilleuse, fantastique, hilarante, talentueuse, géniale, intelligente, réjouissante, tendre, lucide, mordante, délirante… Les adjectifs me manquent. Est-ce parce que je suis un fou intégral des chats que What’s Michael ? est la bande dessinée qui me fait le plus rire au monde, toutes périodes, auteurs et pays confondus ? Peut-être. Mais voilà . Il n’y a pas que ça. Au-delà de l’amour des chats, il y a l’amour de la bande dessinée de qualité, et What’s Michael ? s’avère alors tout simplement redoutable. Makoto Kabayashi est un merveilleux conteur, son découpage et sa narration sont d’une fluidité et d’une efficacité remarquables. Il excelle dans l’art de la séquence, qu’elle soit articulée par le dialogue ou seulement portée par l’action en cours, sans aucun mot. Juste la jouissance du regard et la science narrative en mouvement. Lorsqu’il officie dans le muet, Kobayashi nous entraîne dans le burlesque ou l’émotion par la magie de son « regard dessiné » : chaque élément, chaque personnage, chaque décor semble si justement mis en place, exprimé, mis en mouvement, que le grand talent d’observation de l’auteur fait mouche à tous les coups, et l’on ressort subjugué par tant d’acuité à retranscrire la nature des choses. Lorsqu’il se sert des mots, Koyabashi fait preuve d’un tel humour, d’une telle légèreté (et parfois d’un tel toupet !) qu’on ne peut qu’être ravi par tant de malice intelligente, même lorsqu’il s’agit des détails les plus scabreux de la vie de nos amies les bêtes. Les reparties sont souvent à hurler de rire, l’auteur n’hésitant pas à aller jusqu’au bout de ses délires. Dans tous les cas, la science de la bande dessinée de Kobayashi se déploie naturellement, simplement, avec assez d’évidence pour donner à l’Å“uvre une articulation qui tient dans le temps sans jamais perdre de sa si belle aura. Pourtant, l’exercice est périlleux. Car Makoto Kobayashi fait ici tout autre chose que d’aligner quelques généralités sur les chats qu’il déclinerait à l’infini sous le sceau de l’humour. Non. En plusieurs centaines de chapitres (chacun étant une petite histoire se déroulant sur 6 pages, pas une de plus), il dresse une véritable topologie de cet être appelé « chat ». Une géographie interne, fragmentée en une multitude de facettes complémentaires constituant un portrait complet et fidèle de ce fascinant animal. Celles et ceux qui ont un ou des chats seront ébouriffés par la connaissance extrême (ultime ?) qu’a Kobayashi des minous. On sent qu’il les aime, qu’ils les a côtoyés et observés jusqu’au vertige. Chacun de leur geste, chacune de leur habitude, chaque réaction, chaque regard, chaque posture… Tout est là . D’une justesse incroyable. Ce talent pour retranscrire le comportement des chats n’est pas la moindre qualité de l’Å“uvre, engendrant une véritable connivence avec l’auteur pour ceux qui lisent – médusés – ce qu’ils ne cessent de vivre avec leur propre chat. Oui, que de qualités dans ce petit bijou nippon…
Mais autant de qualités de fond auraient pu se retrouver gâchées par un dessin faible ou raide. Eh bien là aussi Kobayashi nous gâte, puisque son dessin est tout simplement génial. Le fond et la forme se rejoignent, et on ne peut qu’autant admirer l’auteur que l’artiste. Son utilisation subtile de la trame et sons sens du contraste accompagnent parfaitement son trait à la fois précis, rond, puissant, souple et expressif. Constamment entre le réalisme le plus abouti et le cartoon du meilleur goût, le dessin de Kobayashi se fait élastique tout autant que précis, et les exagérations et autres gags graphiques apparaissent et surgissent dans une étonnante cohérence visuelle. Kobayashi dessine les chats à la perfection. Le moindre de leurs bourrelets est une ode à l’étude documentaire. Ça tombe bien, Michael est plutôt du genre… bien grassouillet (doux euphémisme), mais tellement, tellement, tellement, TELLEMENT MIGNON !!! Bref, What’s Michael ? est un purrrrrr bonheur. L’une des meilleures bandes dessinées jamais créées sur les chats, et unique en son genre dans la forme et l’esprit. Kobayashi ne fait pas de Michael un héros de bande dessinée : il fait une bande dessinée sur Michael. La nuance peut sembler un peu chichiteuse, mais elle est d’importance. En effet, elle enclenche un recul primordial dans l’approche de l’Å“uvre, c’est même ce qui définit la nature de celle-ci. Une étude humoristique sur un animal, et non un nouveau héros animalier. C’est bien parce que l’auteur – et nous, lecteurs – nous penchons sur Michael et son comportement que le sel de la lecture se fait et que l’Å“uvre prend tout son sens. Parfois, pourtant, dans quelques sketchs cocasses, Kobayashi se laisse aller à l’anthropomorphisme, avec de fortes références assez portées sur le polar noir américain ou les sagas de Yakusas. Mais ce ne sont que des délires épisodiques, comme des intermèdes où l’auteur se permettrait quelque digression, juste pour le plaisir de rire encore plus. Lors de ces épisodes bien spécifiques, Michael et ses congénères parlent comme vous et moi (ou presque, hum) et sont habillés. Mais Kobayashi n’use de ce procédé qu’avec parcimonie, et heureusement, car le contraire pourrait faire glisser le personnage de l’autre côté du miroir de la bande dessinée. D’une manière générale, l’humour de Kobayashi est jouissif, car il n’aborde pas qu’une facette comique, loin de là . Parfois tendre, parfois bête, ou bien caustique, méchant, facétieux, absurde, en demi-teinte ou explosif, l’humour de l’auteur nous surprend constamment par les directions qu’il prend. What’s Michael ? est tout sauf une BD bébête pour gâteux des chats, avec des gags « tellement mignons » qu’ils ne font pas de vagues. Non. Kobayashi fait des vagues. Il sait avoir la dent dure ou bien pousser la logique du gag jusqu’au non-sens. Il tourne la mafia japonaise en dérision, s’intéresse à des personnes qui ne parlent pas ou semblent ne rien attendre de la vie, fait danser les chats dans des chorégraphies surréalistes (à mourir de rire !), s’attaque à la « gentillesse » des enfants et sait parler de caca dans la litière (et ailleurs). What’s Michael ? est aussi adorable que politiquement incorrect, ce qui rend sa lecture si jouissive, si infinie dans l’éventail de sensations qu’elle propose.
2009 aura donc été l’année où Michael sera revenu par minous, trois volumes étant déjà sortis : merci M’sieur Glénat ! On a hâte de voir les prochains volumes paraître pour enfin pouvoir lire l’intégralité de cette merveille. Si vous aimez les chats mais pas la bande dessinée, What’s Michael ? vous fera aimer la bande dessinée. Si vous aimez la bande dessinée mais pas les chats, What’s Michael ? vous fera aimer les minous comme un fou. Et (personne n’est parfait), si vous n’aimez ni l’une ni les autres, What’s Michael ? vous fera aimer les deux sans aucune modération ! Alors, chers amis, ai-je été assez dithyrambique pour que vous compreniez à quel point ce manga génial se doit de figurer dans votre bibliothèque ? Dans le cas contraire, je change de métier illico presto !
Cecil McKinley
En effet michael le chat qui danse,fut un succés!
Savez vous qu’ils ont sortit le tome 4?Il est tout aussi drle et attachent,bref copnseillé!
Y’en aura-t-il un 5eme?