Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Canicule » par Baru [d’après Jean Vautrin]
Décidément, les adaptations de romans en bande dessinée proposées ces derniers temps sont assez remarquables. Après le « Millenium » vu par Homs et Runberg ou « L‘Étranger » version Ferrandez, cette mise en images musclée par Baru d’un des premiers polars de Jean Vautrin (alors qu’il signait de son vrai nom, Jean Herman, des scénarios de films) vaut également le détour !
Ce roman publié en 1982 a servi de base au film éponyme d’Yves Boisset, réalisé deux ans plus tard, avec Lee Marvin, Jean Carmet et Victor Lanoux dans les principaux rôles : dans la fournaise d’un été caniculaire, un gangster américain(1) s’est perdu dans les plaines de la Beauce profonde après un casse qui a mal tourné. Il essaye d’échapper à la fois à ses anciens complices et aux forces de police qui l’ont acculé dans un petit périmètre, à proximité d’une ferme dans laquelle il pense trouver le salut. Il enterre alors discrètement son magot dans un champ et se cache dans un grenier. Seulement voilà , chacun de ses faits et gestes a été épié et il se trouve confronté à un monde de barjots composé d’un tyran domestique libidineux, d’une femme haineuse, d’un beau-frère confit dans l’alcool, d’un enfant battu, d’une folle nymphomane et d’une vieille servante au bord de la tombe. Un récit sanglant et explosif dont l’ambiance rurale se rapproche des meilleurs romans noirs de Jim Thompson ou Charles Williams…
La prestation de Baru, elle, est particulièrement noire et spectaculaire, dans l’esprit de sa précédente adaptation du « Pauvres z’héros » de Pierre Pelot, également chez Casterman. D’emblée, il impose sa vision déjantée de la France profonde, mélange malin du cinéma d’ Audiard et des films gore, grâce à son ton exacerbé, son trait dynamique, son rythme cassant et ses couleurs éclatantes…
Gilles RATIER
(1) Détail amusant, le gangster ressemble curieusement à Baru, lui-même !
 Canicule » par Baru [d’après Jean Vautrin]
Éditions Casterman(18 €) – ISBN :978-2-203-05931-3