On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
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Notre sélection de la semaine? : ? L’Ordre de Cicéron T.3 : Le Survivant ? par Paul Gillon et Richard Malka, ? Terre-neuvas ? par Christophe Chabouté et ? Notre mère la guerre T.1 : Première complainte ? par Maël et Kris.
- ? L’Ordre de Cicéron T.3 : Le Survivant ? par Paul Gillon et Richard Malka – Éditions Glénat (13 Euros)
Cela faisait plus de trois ans que l’on attendait fiévreusement la suite de cette saga familiale, doublée d’un polar financier, mais on savait que Paul Gillon (83 ans depuis le 11 mai !) luttait contre la maladie pour pouvoir finir cet avant-dernier album : rassurez-vous, malgré ses handicaps (et quelques cases témoins de sa souffrance), son trait est toujours aussi sublime et dynamique, collant parfaitement à l’histoire ! Quand à l’avocat Richard Malka, il réussit à nous replonger sans problème dans le vif du sujet, arrivant à nous faire croire, qu’en fait, très peu de temps s’est écoulé depuis la parution du précédent épisode qui s’était terminé sur un coup de théâtre : la réapparition de Raphaël Steiner, que tout le monde croyait mort depuis cinquante ans, en tant que défendeur du descendant de ceux qui lui ont tout pris ; plaidant donc contre son propre petit-fils, aux côtés de la belle mais manipulatrice Anita Taniss ! Quant à Benjamin de Veyrac, il semble usé par son incarcération à la maison d’arrêt de la Santé, ce qui n’a pas l’air d’être le cas de son grand-père qui, lui, a pourtant été déporté à Buchenwald et emprisonné dans un goulag des pays de l’est où il s’était réfugié… Tout en nous racontant cette vie mouvementée par petites touches, le scénariste continue de faire progresser habilement l’intrigue, utilisant, à bon escient, les différentes données juridiques et financières de son métier d’origine. Après de nombreux rebondissements, l’album se finit sur une ultime pirouette nous laissant encore plus impatients de connaître la fin de cette histoire passionnante ; et nous, n’en doutons pas, Paul Gillon fera tout ce qui est en son pouvoir pour la terminer…
- ? Terre-neuvas ? par Christophe Chabouté – Éditions Vents d’Ouest (18 Euros)
Bonne nouvelle, le Chabouté annuel est encore un bon cru ! Comme dans son précédent roman graphique, le pratiquement muet et envoûtant « Tout seul », l’Alsacien Christophe Chabouté nous raconte une nouvelle histoire de mer, un thème qu’il semble privilégier depuis qu’il s’est réfugié dans le bout de l’île d’Oléron, en bordure de l’Atlantique. Son découpage cinématographique et son trait en noir et blanc, d’une rare force évocatrice, fait une fois de plus merveille sur cette histoire de pêche en mer, en hiver, au début du XXème siècle. Comme dans « Tout seul », l’auteur de « Pleine lune », de « Purgatoire » ou de « Henri Désiré Landru » impose son graphisme rude mais somptueux, subtil alliage de différentes influences (Comès, Tardi, ou encore Alberto Breccia), arrivant à nous faire sentir le froid et l’humidité et à nous faire entendre le fracas des vagues et les cris des mouettes : cette narration forte et aboutie nous permettant surtout de nous faire connaître un peu mieux les très dures conditions de vie de ces pêcheurs embarqués pour de longs mois sur les navires morutiers, à cette époque ; des situations extrêmes qui prennent une tournure encore plus dramatique quand trois des chefs d’équipage sont découverts assassinés, les uns après les autres… Un thriller maritime et historique très bien documenté qui réussit à nous émouvoir tout le long de ces 122 pages aussi simples qu’expressives !
- ? Notre mère la guerre T.1 : Première complainte ? par Maël et Kris – Éditions Futuropolis (16 Euros)
Encore un livre sur la première guerre mondiale ? Après Tardi, Pratt, Gibrat ou Kordey et Morvan, il fallait être original et frapper fort : c’est ce qu’ont fait Maël et Kris avec cette première complainte racontée à un prêtre par un vieil homme alité, qui fut lieutenant de gendarmerie en cette mortelle année 1915. Habitué à rester bien à l’arrière du front, le chrétien idéaliste qu’est Roland Vialatte va alors se confronter à l’horreur quotidienne vécue par les poilus, en enquêtant sur les meurtres de trois femmes que l’on a retrouvées sur les lieux de ces combats où pleuvent les obus… Mêlant donc habilement intrigue policière et véracité historique, tout en abordant des aspects souvent peu évoqués comme l’image ambiguë de la femme dans le cœur des soldats ou l’envoi en première ligne de très jeunes délinquants sortis de prison pour l’occasion, le scénariste d’« Un homme est mort » et de « Coupures irlandaises » (deux autres beaux livres aussi humanistes et engagés, parus également chez Futuropolis) nous convainc d’entrée, grâce à un découpage structuré, des dialogues colorés et un propos qui ne peut qu’attirer notre sympathie tout en nous captivant de bout en bout. Mais la surprise vient surtout du formidable dessin du prolifique Maël, lequel a peaufiné son trait anguleux en le rehaussant de somptueuses couleurs qui collent parfaitement à l’ambiance du récit : après le récent et réussi « L’Encre du passé », en collaboration avec Antoine Bauza, et le très intéressant diptyque « Les Rêves de Milton », avec Sylvain Ricard et Frédéric Féjard, (albums tous parus dans la collection « Aire libre » de chez Dupuis), ce dessinateur s’impose ici comme un grand de demain ! Comme le dit justement Kris dans le dossier de presse : « Avec lui, la guerre existe, elle est là, palpable, dans toute sa laideur, mais aussi son étrange beauté parfois, dans tous ses moindres petits détails toujours. » !
Gilles RATIER