Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Julien Boisvert : intégrale » par Michel Plessix et Dieter
Julien Boisvert est né bédégraphiquement parlant en 1989. Mais il porte bien son nom et reste vert puisque les éditions Delcourt rééditent ses aventures, quatre tomes qui côté voyages valent… le déplacement ! En mettant les pieds en Afrique, puis au Mexique, à Guernesey, enfin aux Etats-Unis, Julien nous a bien « baladés », de 1989 à 1995, mais pas seulement…
Julien Boisvert travaille à l’Office de Protection Internationale des Cultures. C’est un petit fonctionnaire, un trentenaire gentil, indiscutablement. Il part en mission humanitaire, en Afrique, au « Nyasso » pour superviser le déplacement d’une tribu semi-nomade. Suite à un accident d’avion dans le désert, il découvre la tribu Fuldaabé. Les illusions humanitaires qu’il avait s’émoussent très vite d’autant qu’il découvre aussi l’amour. L’amour d’une femme d’une autre race, ce qui n’est pas rien. Dès lors, sensible et concerné, en plus de devoir supporter le racisme vis-à -vis des populations locales, l’exploitation du continent noir considéré comme une poubelle pour déchets toxiques achève de l’écÅ“urer.
Au deuxième tome, Julien Boisvert s’installe à Guernesey à la pension de famille « Grisnoir » où il espère retrouver l’équilibre perdu dans son aventure africaine. La vie s’y écoule effectivement paisiblement jusqu’à ce que le petit Daniel, enfants de parents séparés, ne disparaisse. Daniel l’accompagnait lors de ses promenades touristiques. Alors Julien enquête, accompagné de l’Irlandaise Molly, et son propre passé remonte à la surface par bouffées. Autour de lui, un auteur de romans policiers, un prêtre organisateur de réseaux clandestins, un couple d’ornithologues mystérieux… Bref, une belle brochette de personnages et une atmosphère « gris-noir » !
Quand on le retrouve au troisième tome, Julien Boisvert a vieilli : cinq ans de plus. Les joues rebondies, les rouflaquettes touffues, les cheveux hirsutes, Julien vit à présent au Mexique, à San Juanito, entiché d’une jeunesse locale aussi belle que jalouse. Autant dire que l’arrivée de sa femme (un scoop !) rend la situation explosive. Mais, parallèlement, Julien s’est jeté naïvement dans une initiation mystique troublante et se trouve du même coup mêlé à des meurtres qui constituent l’intérêt policier de ce troisième volet.
Enfin, dans Charles, Julien retrouve la trace de son père aux Etats-Unis, un père oublié puis détesté. Autour de Charles, le doute s’installe en effet. Serait-il membre du Ku Klux Klan ? Est-il de ceux qui martyrisent le peuple noir ? L’album brosse en tout cas un portrait de la société américaine, de ses contradictions insupportables, de ses intolérances forcenées (racisme, nazisme…) et, paradoxalement, Julien retrouve ses racines dans un monde qui refuse de reconnaître les siennes. Julien est de ces héros qui vieillissent et inspirent la sympathie. Certains ont vu en lui une sorte de Tintin, en plus adulte, en plus contemporain, et ont fait d’étonnants et séduisants rapprochements entre la série de Dieter et Plessix et l’œuvre d’Hergé (voir le site du9.org ).
Les aventures de Julien Boisvert constituent une série de grande qualité. Le dessin précis de Plessix, fouillé, voire miniaturiste quelquefois, son sens aigu du cadrage et de la mise en page font d’ailleurs de ses albums une référence graphique. Et les couleurs d’Isabelle Rabarot sont comme à l’accoutumée remarquables en tout point. Enfin, les scénarios sont d’une grande crédibilité.
Alors, bons voyages.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Julien Boisvert : intégrale » par Michel Plessix et Dieter
Éditions Delcourt (29, 95 €) – ISBN : 978-2-7234-9360-4
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