Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« Le Voyage extraordinaire » T1 et T2 par Silvio Camboni et Denis-Pierre Filippi
Avec les deux tomes du « Voyage extraordinaire », Silvio Camboni et Denis-Pierre Filippi empruntent à Jules Verne tout un univers constitué d’aventures, de jeunes héros débrouillards et imaginatifs et de véhicules science-fictionnels. Offert dans un cadre steampunk d’une grande beauté visuelle, ces trois ingrédients permettent à la série d’offrir un remarquable champ d’action propice au voyage initiatique. « L’extraordinaire » ainsi découvert n’est donc pas un vain mot !
L’action du « Voyage extraordinaire », série initiée en avril 2012 et qui se poursuit au premier trimestre 2013 avec un deuxième tome, débute en 1927 dans un monde uchronique. Alors que la Première Guerre mondiale fait toujours rage au large de la Normandie entre Allemands et troupes alliées, le conflit est perturbé par un troisième belligérant : cette autre force est constituée de mystérieux robots qui surgissent parfois de l’océan ou des entrailles de la terre, faisant acte de destruction tout en ne semblant vouloir avantager aucun camp par rapport à l’autre… C’est dans ce contexte que le lecteur découvre les héros : soit deux enfants férus de sciences et techniques, Émilien et Noémie, qui vivent le dernier jour de leur année scolaire dans une pension huppée britannique. Les deux adolescents ne vont pas tarder à se lancer sur les traces du père d’Émilien, savant et explorateur officiellement déclaré « disparu ».
Le visuel proposé pour la couverture de la série ne nous trompe pas sur les intentions des auteurs. Outre un titre générique et référentiel, tout amateur de littérature aura instantanément reconnu la marque des fameux romans de Jules Verne (1828 – 1905). Ce dernier fait paraitre en 1863 chez l’éditeur Pierre-Jules Hetzel (1814-1886) son premier roman, « Cinq semaines en ballon » qui connaîtra un immense succès, au-delà des frontières françaises. Lié à son éditeur par un contrat de vingt ans, Jules Verne travaillera en fait pendant quarante ans à ses « Voyages extraordinaires » (ensemble de 62 romans et 18 nouvelles), écrits richement documentés et contextualisés aussi bien dans le présent technologique de la deuxième moitié du XIXème siècle (« Les Enfants du capitaine Grant » en 1868, « Le Tour du monde en quatre-vingts jours » en 1873) que dans un monde imaginaire (« De la Terre à la Lune » en 1865, « Vingt mille lieues sous les mers » en 1870 ou « Robur le conquérant » en 1886).
L’éditeur Hetzel frappe à son tour l’imaginaire de l’édition d’anticipation à destination de la jeunesse en produisant de luxueuses couvertures reliées. La version de luxe des récits de Jules Verne, de grand format, était ainsi illustrée par des petites gravures en noir et blanc issues de dessins de divers artistes (Riou, Roux, Montaut, etc.) renvoyant aux pages du roman et de plus grandes, colorées, réalisées en chromotypographie. Depuis les années 1920, cette collection fut régulièrement rééditée sous forme de fac-similés de différents formats (dont le livre de poche) conservant toutefois volontairement comme indispensables « marqueurs » les illustrations intérieures (gravures), la couverture et la lettrine d’origine.
Dès le tome 1, « Le Voyage extraordinaire » reprend donc à bon escient un visuel bordé de rouge, dont le titre et l’encadrement usent des enluminures dorées. Le dessin (visuels des tomes 1 et 2) renvoie pour sa part à différents romans « verniens » : sous-marin digne du Nautilus de « Vingt mille lieues sous les mers » mais dont les ailes évoquent aussi la machine volante de « Robur le conquérant » et famille aventurière et recomposée (deux enfants et deux adultes) digne de celle des « Enfants du capitaine Grant ». L’arbre mécanisé comme la famille peuvent également faire penser à l’arbre abritant les « Robinsons suisses » dans le roman homonyme de Johan David Wyss (1812), récit dont Jules Verne imaginera d’ailleurs une suite en 1900 (« Seconde patrie »). Sous l’eau, la silhouette menaçant d’un monstre lacustre/robot n’est pas sans renvoyer à un vaste imaginaire fantastique ou science-fictionnel alliant création romanesque (golem) aux bases cinématographique et bédéphilique (robot de « La Guerre des mondes » (1898), créature du marais (1974 et 1982), etc.).
Pour le premier plat du tome 2, c’est le cadre technologique et urbain des toits de Paris qui vient occulter la disparition effective des adultes, ceci alors que les enfants semblent se retourner sur une menace imminente (hors-champ gauche). Les verrières dignes d’une Exposition universelle ou coloniale (1889, 1907 et 1931 à Paris) inscrivent précisément le champ de la fiction dans celui de la réalité (construction, par exemple, de la nef de verre et de métal de la Galerie des machines en 1889, suite à celle de la tour Eiffel). Plus précisément, ce « Voyage extraordinaire » ne serait ce concevoir que via le genre steampunk qui semble lui être subordonné : on y lira un contexte autant géopolitique que mécano-fantastique dont les héros doivent fort justement établir – de par leur esprit scientifique – le potentiel de rationalité, sinon la quête de vérité dans la recherche du père. Le scénariste Denis-Pierre Filippi permet au dessinateur Silvio Camboni de donner la pleine mesure de son talent, dans la veine graphique stylisée qui est sienne, rehaussé d’une colorisation minutieuse (par Gaspard Yann). Les cases fourmillantes de détails, à travers notamment une vertigineuse cabane dans un arbre, une propriété victorienne avec une serre géante, une base souterraine labyrinthique, un engin digne du Nautilus et des robots de combat qui n’ont rien à envier aux vedettes mecha-mangas du genre, réinvestissent les univers liés de Verne, Wells, Osamu Tezuka (pour ne citer que son « Astro Boy », 1952) Alan Moore ou James Cameron !
Si le genre steampunk fait directement référence à l’utilisation massive des machines à vapeur au début de la révolution industrielle puis à l’époque victorienne, sa propre description induira un jeu sur le temps et un mélange des réalités, voire des genres (aventure, fantastique, polar, western, etc.). Si le genre steampunk se raccroche à une longue tradition littéraire qui joue sur les rapports de la fiction et de la machine (artifice, automate ou robot), concluons que ce dispositif voué au récit fantastique/S.F. se reflète essentiellement dans les ruses et les pièges d’inquiétantes mécaniques échappant au contrôle de leurs inventeurs. Dès les origines, les machineries (notamment celles des théâtres) furent perçues comme une métaphore savante de cet autre engin qu’est l’intrigue (cf. l’expression deus ex machina). Le steampunk, entendu comme un « voyage extraordinaire » à lui tout seul, vient systématiser et industrialiser la puissance littéraire de la machine et de ses représentations. Voici littéralement définit un imaginaire… en train de se forger.
Philippe TOMBLAINE
« Le Voyage extraordinaire » T1 et T2 par Silvio Camboni et Denis-Pierre Filippi
Vents d’Ouest (13, 95 €) – ISBN : 978-2749306131 et 978-2749307183
J’avoue que je suis mal à l’aise avec le genre: il est très bâtard puisqu’il imagine un « futur » qui ne serait pas le nôtre. C’est de l’antéfutur où il n’y aurait pas de problème de pollution, où les femmes sont encore au foyer, où on peut construire une machine incroyable dans son garage, où les Noirs et les Indiens n’ont pas des idées étranges d’indépendance. De ce point de vue, le steampunk est très proche du western spaghetti: il utilise un décor -la Belle Époque ou la période victorienne – pour permettre aux auteurs de développer leurs fantasmes sans se préoccuper de la réalité de l’époque. Bon, si ça se trouve, je dis des bêtises, je n’ai pas lu ce bouquin et je suis sûr que c’est un brûlot politique qui met en évidence à quel point la « Belle Époque » annonce la Première Guerre Mondiale, la Révolution Bolchevique, la libération de la femme…
Il y a d’ailleurs – parait-il – des romans steampunk très riches. Mais ce que je vois en général dans le genre, ce sont des machines énormes, des gros pistolets et des filles en corset et bas – mais qui se bagarrent, ça doit être pratique.
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