Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...COMIC BOOK HEBDO n°52 (29/11/2008)
Cette semaine, deux poids lourds des comics : SUPERMAN et les X-MEN…
LA MORT DE SUPERMAN (Panini Comics, DC Omnibus)
C’était au début des années 90. Beaucoup de changements et de révolutions, dans le monde du comic book, à cette époque… Entre la vague anglaise et l’avènement d’Image Comics, Marvel et DC sentirent que le vent était peut-être en train de tourner, et qu’il fallait réagir. De nombreux projets éditoriaux furent alors échafaudés, devant trouver un juste équilibre entre la profondeur et la surenchère… Chez DC, ça gambergeait dur, et les réunions éditoriales furent plus que jamais dans l’expectative de savoir ce qui pourrait amorcer un tournant assez fort pour marquer les esprits durablement, redonnant pour le coup un nouveau dynamisme à la section super-héroïque de cette auguste maison d’édition. C’est sûr que faire mourir la pierre angulaire de DC, ça risquait bien de secouer les fans, même si la mort du héros est un thème qui revient plus ou moins régulièrement selon les contextes et les époques ; un thème soulevant les passions mais qu’il faut savoir manier avec nuance et parcimonie sous peine de lasser le lectorat et finalement d’enlever de sa puissance d’évocation au mythe en amenuisant les enjeux de vie ou de mort : comment vibrer encore si l’on sait que de toute façon le héros ne pourra que revenir sur le devant de la scène après avoir fait un p’tit tour chez les clamsés ? On peut tuer le coq, mais pas la poule aux Å“ufs d’or, so…
Cet album Omnibus a quelques points communs avec celui consacré à La Saga du clone de Spider-Man : seulement deux années séparent ces deux créations (1992 pour Superman, 1994 pour Spider-Man, signe de la grande effervescence de l’époque dont je viens de vous parler plus haut), sagas s’exprimant alors à travers les quatre titres dédiés à chacun de ces deux héros (signe, cette fois, d’un succès qui pourrait bien étouffer le succès à force de multiplier les titres, équilibre dangereux qui commençait à poser question). Et puis si dans La Saga du clone les hommes-araignées se multiplient comme des petits pains, nous avons affaire dans La Mort de Superman à rien de moins que cinq Superman différents !!! Quatre titres, cela veut dire plusieurs équipes artistiques, afin d’ériger un tel événement. Aux scénarii, nous retrouverons donc Dan Jurgens, Karl Kesel, Jerry Ordway, Louise Simonson et Roger Stern, et pour les dessins nous avons Jon Bogdanove, Tom Grummett, Jackson Guice, et Dan Jurgens (oui, le bougre accumule avec talent !). La bonne surprise, c’est qu’au lieu de délayer le propos en le tirant à gauche et à droite selon le titre où paraissait l’épisode, cette complémentarité éditoriale permit d’aborder le sujet en ayant le temps et l’opportunité d’explorer différentes facettes du récit, donnant à l’ensemble un relief assez intéressant. Car ne faisons pas traîner le suspense plus longtemps quant à la qualité de l’ensemble : La Mort de Superman fut plus qu’un coup de théâtre ; ce fut bien une saga passionnante digne d’intérêt et non un coup de pub sans fond, permettant à ces auteurs et artistes d’explorer la mythologie du personnage pour en tirer une nouvelle dynamique. Les scénarii se complètent parfaitement, et creusent le propos avec une vraie intelligence (ce n’est pas une affaire de combats ni un hommage pleurnichard), relayés par des artistes impliqués donnant à l’ensemble un je ne sais quoi de byrnéen dans le graphisme, très agréable à admirer (était-ce en écho concerté au Man of Steel du grand Canadien ?). Bref, le fond et la forme s’allient de manière efficace pour donner un récit à la fois intime et explosif, et les quelques 760 pages de l’album (et après on dira que critique c’est un boulot de fainéant, tu parles !) se lisent impeccablement, sans qu’à aucun moment on ne se lasse de cette pléthore d’images et de mots : une réussite, donc !
Mais que s’est-il donc passé, pour qu’on en arrive là ? Bah oui, quoi, l’est pas super increvable, le Supermec ? Eh bien il semblerait que non, puisque l’abominable créature dénommée Doomsday (quel charmant nom…) va mettre une raclée d’anthologie à notre bon vieux Clark Kent encapé, avec une facilité déconcertante. Et BRAKKT et SKRASH et BDAMM : fini Superman, gisant à même l’asphalte dans un dernier souffle que recueillera entre ses bras une Lois Lane folle de douleur. Le fameux épisode où Superman tombe sous les coups répétés de Doomsday est réalisé en cinémascope, chaque case étant dessinée en pleine page ou même en double page, donnant à l’événement toute l’ampleur qu’il mérite, frappant les esprits avec d’autant plus de force que le lecteur semble être aux premières loges comme jamais. Mais la réelle force de cette Å“uvre ne vient pas de la mort de Superman, même si c’est l’axe paroxysmique de l’histoire. Non, la force de cette Å“uvre réside dans le retour de Superman, et là les choses deviennent intéressantes, car ce retour ne se fait pas comme on aurait pu le penser, de manière basique ou bien manichéenne ou encore trop évidente. Oui, Superman va revenir d’entre les morts, mais le hic c’est qu’après ce décès ce sont plusieurs Superman qui reviennent sur le devant de la scène, aussi différents les uns des autres que semblant être des réincarnations improbables mais troublantes de l’Homme d’Acier. Qui pourra tirer le vrai du faux à part le vrai Superman ? Personne, voyons… Cette multiplication de Supermen affirmant être la réincarnation de Superman jette le trouble et même le désordre dans les consciences tout comme dans la réalité concrète et urbaine, politique. Mais bref, je n’en dis pas plus pour ceux qui découvriraient cette Å“uvre (j’en ai déjà trop dit, de toute façon) et vous laisse vous plonger dans ce pavé qui ravira bon nombre d’entre vous, à n’en pas douter… Bonne longue lecture, les ami(e)s !
X-MEN : L’INTÉGRALE 1966 (Panini Comics, L’Intégrale)
Revoici donc nos charmants X-Men des origines dans de nouveaux épisodes fleurant bon les sixties (ahhh… les sixties !). Ce nouveau volume de l’édition des Intégrales est un réel bonheur pour les yeux, la tête et le cÅ“ur de tout fan qui se respecte (je le dis à chaque fois), nous permettant de lire enfin dans leur stricte chronologie des séries historiques qui ont forgé l’esprit Marvel du silver age et nous ont donné quelques-uns des super-héros les plus exceptionnels de l’histoire du comic book ! Cette collection constitue un must incontournable, l’occasion unique de lire des séries fondatrices de tout un pan de la mythologie actuelle des comics, puisque celles-ci ont réussi à évoluer avec leur temps de manière remarquable. Troisième volume de l’Intégrale des X-Men « classiques », cet album couvre l’année 1966, une année importante à plus d’un titre… En effet, c’est l’année où la série X-Men devient mensuelle, elle qui ne paraissait que tous les deux mois depuis ses débuts en septembre 1963. 1966 est aussi l’année où Stan Lee passe le relais scénaristique à une jeune recrue qui allait bientôt devenir une vraie star dans le monde des comics : Roy Thomas lui-même ! Outre le plaisir de retrouver nos X-Men chéris, cet album nous permet donc d’apprécier les débuts de Thomas en tant que scénariste, ce qui est, avouons-le, d’un grand intérêt, annonciateur aussi du travail de cet auteur sur une série comme The Avengers qui lui vaudra une belle image de marque. Enfin, autre « passation de pouvoir », 1966 est l’année où Jack Kirby quitte la série, laissant Werner Roth seul aux crayons, encré par Dick Ayers. Beaucoup de changements, donc, pour nos mutants, qui semblaient enfin pouvoir accéder par leur nouveau rythme de parution à une vraie évolution en coupant le cordon ombilical afin de voler de leur propre zèle. Évidemment, nous savons tous que tout ne va pas se dérouler comme espéré, puisque la série va connaître des difficultés, ne proposant plus que des rééditions d’anciens épisodes à partir du numéro 66 (mars 1970), jusqu’à ce que Chris Claremont et Dave Cockrum ne débarquent en 1975 avec une nouvelle équipe de X-Men qui allait mettre le feu aux poudres. Mais nous n’en sommes pas là .
En 1966, la série X-Men est encore en pleine jouissance d’elle-même, continuant à explorer l’univers mis en place par Lee avec un plaisir non dissimulé, reprenant d’anciens personnages mais en inventant aussi de nouveaux, étoffant ainsi le contexte de cet univers qui – malgré un esprit souvent bon enfant – n’en reste pas moins un peu plus sombre et étrange que les autres productions Marvel de l’époque, continuant à creuser le thème du mutant haï par une humanité plus que méfiante et rejetant ce qui ne lui ressemble pas. On sent certains de nos jeunes héros bien mal à l’aise, face à ce monde qu’ils défendent alors qu’il leur est hostile, sans parler de dilemmes personnels les plongeant dans des affres terribles (Scott Summers est déjà bien dépressif, à l’époque). D’ailleurs, lors de cette année 1966, Cyclope se demande s’il ne doit pas quitter les X-Men afin de se « faire soigner » (pas sa dépression mais bel et bien son pouvoir qu’il considère trop dangereux et invivable pour pouvoir exister, aimer, respirer…). Jean aussi a failli quitter l’équipe. Heureusement pour nous, lecteurs égoïstes, nos héros rentreront assez vite au bercail pour continuer à nous faire vibrer ! D’autres événements parsèment cette année charnière, comme l’épisode où nous apprenons comment le professeur X a perdu l’usage de ses jambes, ou bien cet autre où nous faisons connaissance avec Mimic, ce super-vilain étonnant possédant les pouvoirs de tous les X-Men… Mais ce n’est pas tout, loin de là , puisqu’à l’époque la série semble faire feu de tout bois pour nous exciter les méninges. Il y aura bien sûr le retour de Magneto, ou une aventure impressionnante mettant en scène Lucifer et une machine intelligente répondant au nom terrible de… Dominus (Ta-daaa…) ! Et puis il y a aussi le Comte Nefaria qui – pour contrer nos jeunes mutants – va constituer une équipe de super-vilains haute en couleurs : la Licorne, l’Anguille, l’Épouvantail, le Porc-Épic, et le fameux Plantman, vous savez, celui qui transforme les petites framboises en armes de destruction massive et les coudriers en bombes à noisettes ! Vous tremblerez et rirez aussi en lisant cet épisode où le monde doit craindre le joug de ce qui est appelé la huitième plaie : la Locuste, un type habillé en sauterelle géante ! Ajoutons quelques touches exotiques avec el Tigre et Kukulcà n, et vous aurez ma foi un programme bien alléchant ! Seul petit bémol à cet enchantement : l’absence apparente de relecture sérieuse qui fait que – outre les coquilles et certains textes placés dans les mauvaises bulles – les renvois d’astérisque nous proposent pendant tout l’album (qui je vous le rappelle couvre l’année 1966) de nous souvenir de ce qui s’est passé en… 1986 ! Bah alors ? Quant au vocabulaire utilisé dans la traduction, il s’appréciera pleinement en prenant juste un tout petit peu de LSD (pas trop quand même, hein, Geneviève…). Mais bon, à part ces petits détails, vous pouvez y aller, mes petits lapins, c’est super !
Cecil McKINLEY