Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Rencontre avec Patrice Pellerin (l’auteur de la série « L’Épervier »)
Alors que se clôt la grande exposition rétrospective consacrée à Patrice Pellerin dans les locaux de la mairie du XIVème arrondissement de Paris, « Corsaire du Roy », le nouvel épisode des aventures de son valeureux corsaire Yann de Kermeur, parait ce mercredi 31 octobre, trois ans et demi après le précédent opus.
« Je consacre beaucoup de temps à la recherche documentaire et aux rencontres avec des experts, nous explique Patrice Pellerin. J’ai désormais effectué ce travail pour l’ensemble du deuxième cycle, qui devrait comporter, comme le premier, six tomes. Ceci explique le délai actuel de parution entre les deux derniers albums, délai qui devrait logiquement se raccourcir ensuite ».
Il faut dire qu’après Versailles et sa minutieuse reconstitution, Patrice Pellerin s’attache à restituer le Québec de l’époque de Louis XV, où se situera la suite des aventures de Yann de Kermeur : « J’avais envie d’amplifier mes histoires, en passant, par exemple, de méchants individuels aux anglais, d’où l’idée d’aller plus vers l’Atlantique. La période où les français étaient encore au Canada n’a jamais été traitée, ni en BD, ni au cinéma. Mon travail a donc énormément intéressé les historiens et archéologues du Québec, avec qui j’ai très longuement communiqué à ce sujet. »
L’auteur n’a d’ailleurs pas hésité à se rendre sur place, pour pouvoir transmettre les émotions que ressentent ses personnages à ses lecteurs : « j’ai besoin d’éprouver des sensations, que je note au cours du premier voyage que j’effectue, pour pouvoir les redessiner. J’en avais fait de même lorsque j’avais envoyé mon personnage principal en Guyane. A travers mon dessin, je cherche à retranscrire au mieux la perception des lieux. Je travaille beaucoup sur la notion d’espace pour y parvenir. Par exemple, mon graphisme est étouffant lorsque je traite le décorum très chargé du château de Versailles ou encore je fais se cogner mes personnages quand ils sont dans la cale étroite d’un bateau.»
En attendant de se rendre dans les étendues glacées du Québec, dans « Corsaire du Roy » Yann de Kermeur doit armer au plus vite son navire « la Méduse ». Sauf qu’à la différence de ses fidèles compagnons, le valeureux corsaire ne s’affaire pas. Et pour cause, il est retenu prisonnier par la comtesse de Séverac, qui cherche à lui soutirer des informations sur la mystérieuse mission secrète que lui a confié Louis XV : « c’est un épisode de transition, nous confie Patrice Pellerin, qui contient beaucoup de rebondissements. L’époque où se situe l’intrigue a beau être plus lente que la notre, il faut aller très vite dans l’action pour satisfaire les lecteurs de 2012. L’épisode me permet aussi de poser tous les personnages qui participeront à la suite du récit. » Et même si ces derniers semblent très caractérisés, l’auteur nous conseille de nous méfier : « il y a beaucoup de pièges dans l’histoire. Les personnages ne sont pas forcément ce qu’ils paraissent être. »À commencer par la comtesse de Séverac, femme de grande noblesse au caractère indépendant : « C’est réel. Il y avait beaucoup d’intrigante à l’époque. Pour ce personnage, je me suis d’ailleurs inspiré de Mme de Tencin. »
Intrigues et rebondissements permanents sont donc au sommaire de ce « Corsaire du Roy » très rythmé, avant un prochain épisode qui se situera en pleine mer : « mon personnage est un marin. Il est donc logique qu’il navigue. Le problème est qu’il ne se passe rien sur un bateau ! Donc je travaille beaucoup sur les bords de mer ou les ports. Un seul des six albums que comporte le premier cycle se situe en période de navigation. Je connaissais cet aspect des choses dès le départ. Il suffit de regarder les films traitant de ce type de sujet, une fois abordée une mutinerie, une tempête ou un combat, il n’y a plus grand chose à raconter. Pour ma part, en plus des rebondissements liés au récit, je vais mettre en place une grande bataille navale. »
Dans l’intervalle, les aventures de « L’Épervier » se poursuivront-elles à la télévision ? Il y a un an, les téléspectateurs ont, en effet, pu apprécier sur leur petit écran l’adaptation audiovisuelle, en six épisodes, du premier cycle de « L’Épervier », réalisé par Stéphane Clavier, avec notamment Martin Lamotte et Lou Doillon : « C’était très émouvant et inattendu », nous confie Patrice Pellerin. « Le projet a mis 6 ans à aboutir, compte tenu du budget nécessaire. Imaginez : un film historique, en costumes, avec des bateaux et de très nombreux figurants ! Le producteur, un fan de la première heure de la série, m’a d’ailleurs dit que ça lui avait coûté « un bras » à cause de moi ! » sourit-il. Bien sur, quelques aménagements ont été apporté à l’histoire originelle : « J’ai trouvé cette adaptation très fidèle à l’esprit de la série, mais évidemment sans les mêmes moyens. Même si je passe parfois 10 à 15 jour sur une planche, les décors, bateaux ou personnages ne coûtent rien sur papier ! L’astuce a consisté de faire passer « L’Épervier », une BD d’aventures avec du romanesque vers un film romanesque avec de l’aventure. Cette évolution passe très bien, compte tenu du jeu des acteurs. Mais je dois avouer que les téléspectateurs qui ne connaissaient pas la BD ont beaucoup plus aimé la série télévisée que les autres. » Et pour ceux qui se demandent si cette expérience aura une suite, la réponse de Patrice Pellerin fuse : « Même si les acteurs étaient prêts à se réembarquer dans l’aventure, le producteur a estimé qu’il était miraculeux qu’au vu des nombreux paramètres délicats à gérer, cette série se soit terminée sans aucun accident budgétaire ou de planning, et ne souhaite pas se réengager sur une suite. »
Laurent TURPIN
« L’Épervier » T8 (« Corsaire du Roy »), par Patrice Pellerin
Éditions Soleil, label Quadrants, collection Boussole (13,95€) – ISBN : 978-2-30201-772-1