Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DE BD DU 3 NOVEMBRE 2008
Notre sélection de la semaine : ? Le village T.1 : L’ingénieur ? par Bertrand Marchal et Rodolphe, ? Trésor ? par Lucie Durbiano, et ? Le tombeau d’Alexandre T.1 : Le manuscrit de Cyrène ? par Julien Maffre et Isabelle Dethan.
Parmi les nombreuses initiatives venant de la part des éditions Bamboo pour fêter leurs 10 ans d’existence, la création de la collection (ou plutôt du département) « Focus » n’est pas la moindre. Surtout qu’elle démarre plutôt bien, en proposant des séries réalistes grand public à un prix très abordable, dans la grande tradition de la bande dessinée franco-belge, et qui sont dues à quelques belles signatures scénaristiques comme celles de Stephen Desberg (« Sienna »), Hervé Richez (« Sam Lawry ») ou encore Rodolphe. Ce dernier, toujours aussi efficace dans son propos, grâce à sa technique narrative parfaitement rôdée, nous replonge dans la guerre froide, en plein cœur des années 1960, avec un haletant récit d’espionnage qui nous rappelle un peu la mythique série télévisée britannique « Le prisonnier » . Situé au fin fond d’une forêt de l’Union Soviétique, mais ne figurant sur aucune carte, un étrange village portuaire, qui ressemble plus à un centre de vacances qu’à une base secrète de conditionnement pour espions, accueille un agent amnésique qui vient d’être échangé entre Berlin Ouest et Potsdam : une histoire complète surprenante, qui nous mène d’interrogations en interrogations, illustrée par un Bertrand Marchal en grand progrès, et dont le style, de plus en plus précis, lorgne un peu sur celui de Léo ( complice de Rodolphe sur « Kénya » et sur « Trent »).
Largement salué par la critique, l’univers tragi-comique de Lucie Durbiano, situé entre Rohmer et les romans feuilletons du début du siècle dernier, n’avait pas encore réussi à me convaincre totalement. Mais avec cette charmante comédie au ton très « fifties », plus complexe et plus riche qu’il n’y paraît, elle s’est trouvé un nouvel ambassadeur. La naïve fille d’un éminent archéologue tombe éperdument amoureuse d’un séducteur escroc qui manigance, avec sa roublarde de petite amie, le vol d’un parchemin qui les mènerait au légendaire trésor de Rennes-le-Château. Entre marivaudage, chasse au trésor et quiproquos, cet opus de 104 pages installe d’emblée une ambiance drôle, sensible et désuète à la fois. Mais sous ses dehors naïfs et romanesques, Lucie Durbiano (dont c’est le cinquième ouvrage, sans compter ses illustrations d’albums pour la jeunesse ou pour la presse enfantine) nous captive en mettant en place, en quelques cases, un climat et des personnages parfaitement bien typés. D’un trait clair et pimpant que l’on pourrait croire destiné uniquement à un public enfantin (tant il est simple, lisible et agrémenté de couleurs nostalgiques), elle compose une étonnante galerie de personnages : actions et sentiments s’entremêlant pour notre plus grand plaisir. Il faut reconnaître qu’elle possède un sens du rythme efficace, plein de cocasserie, et qu’elle nous assène des dialogues fort bien écrits, relevés par un léger brin de perversité : bref, elle a un vrai talent d’auteur(e) !
On vous affirmait, récemment, que tous les titres de la collection « Histoire et histoires » des éditions Delcourt valaient le détour : ce n’est pas cette nouvelle série consacrée aux pilleurs de sépultures qui va nous faire écrire le contraire ! On nous transpose ici à Alexandrie, à une époque (en 1858) où tout un chacun se presse pour devenir le premier à avoir découvert tel ou tel site archéologique. Sept ressortissants français vont alors engager une bataille acharnée pour s’approprier les trésors d’une antique chapelle souterraine dédiée à Alexandre le Grand. Confrontés à un inextricable labyrinthe, ils vont se mettre en quête du seul manuscrit capable de les guider jusqu’au tombeau du Conquérant… Décidément, Isabelle Dethan n’en finit pas d’explorer les charmes et les mystères de l’Egypte ancienne ! Après « Sur les terres d’Horus » et « Kheti, fils du Nil », elle nous concocte un subtil scénario très bien documenté où complots, trahisons et meurtres se disputent la vedette. Enfin, elle a confié l’illustration de ce passionnant polar historique à un dessinateur qui a intégré, en 2004, l’ex-atelier angoumoisin Sanzot, devenu récemment l’atelier du Marquis de Crocognoule (où Isabelle travaille avec Mazan et Cécile Chicault, entre autres). Ce jeune prodige, ayant très bien digéré les diverses influences de ces piliers de ce que l’on appelait, il y a peu, l’école du Nil, fait preuve d’une évidente maturité graphique pour un premier album !
Gilles RATIER