Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 8 SEPTEMBRE 2008
Notre sélection hebdomadaire : ? A c?urs perdus ? par Eric Warnauts et Raives, ? Le grand siècle T.2 : Benoît ? par Simon Andriveau, et ? La fin du monde ? par Tom Tirabosco et Pierre Wazem.
? A cœurs perdus ? par Eric Warnauts et Raives – Editions Casterman (14 Euros)
La lecture des récits psychologiques, aux ambiances lourdes et vénéneuses, réalisés conjointement (scénarios et dessins) par Eric Warnauts et Raives (alias Guy Servais), n’est pas toujours aisée : les deux artistes belges aimant souvent brouiller les pistes en multipliant les pistes narratives. Leur nouveau récit, drame contemporain dans l’Amérique post 11 septembre, n’échappe pas à la règle ! Entre le road-movie canadien de deux jeunes strip-teaseuses aux secrets enfouis, des nouvelles d’un GI blessé sur le front de la guerre en Irak, et les apparitions d’un mystérieux personnage en costume noir, il y a de quoi s’y perdre ! D’autant plus que la complicité évidente entre ces deux femmes un peu paumées (l’une est aussi blonde et fine que l’autre est brune et pulpeuse) dissimule bien l’arrivée du drame inéluctable… Pourtant, après quelques pages d’introduction un peu perturbantes, la mayonnaise finit par prendre… : le trait sensuel de ces amateurs d’une certaine ligne claire se faisant de plus en plus touchant et troublant au fur et à mesure des révélations égrenées dans ce récit intriguant et dérangeant !
? Le grand siècle T.2 : Benoît ? par Simon Andriveau – Editions Delcourt (12,90 Euros)
Simon Andriveau vient du dessin animé mais il quitte très vite ce créneau (refusant même de collaborer au film « Arthur et les Minimoys » produit par Luc Besson) pour se consacrer entièrement à la bande dessinée et à son grand projet : « Le grand siècle », un récit historique, prévu en six tomes, qui pourrait bien bousculer les codes narratifs du genre ! Dès le premier tome paru en septembre 2006, les lecteurs ont senti qu’un auteur important était né : mais avec ce second opus, où il se dégage tranquillement de toutes ses influences graphiques (de celles de Régis Loisel et de Daniel Goossens, surtout), il est évident que l’apprenti est devenu maître. Ses personnages réalistes aux expressions cartoonesques évoluent habilement dans des décors très documentés et minutieusement reproduits, sans que le récit perde de sa force évocatrice… En octobre 1666, Benoît de Beaumont, flanqué de son ami et protecteur Alphonse, modeste sujet de sa majesté Louis XIV et fin collectionneur des petites misères de l’existence, est embarqué, contre son gré, sur un navire marchand qui fait route pour les Antilles ; ceci après le massacre d’une partie de sa famille. Moplai, l’homme aux cicatrices par qui tout est arrivé, est également à bord… Le vent bienveillant de la grande aventure souffle sur cette passionnante histoire de pirates mouvementée, originale et, de surcroît, remarquablement bien dessinée !
? La fin du monde ? par Tom Tirabosco et Pierre Wazem – Editions Futuropolis (19 Euros)
Les deux auteurs suisses Tom Tirabosco et Pierre Wazem se retrouvent pour un nouveau « one-shot » inquiétant et convaincant (après leurs très appréciables « Week-end avec préméditation » aux Humanos en 2000 et « Monroe » chez Casterman en 2005) : le premier mettant son subtil graphisme charbonneux à la totale disposition de la narration allégorique et envoûtante de son collègue ami… Alors que l’on prédit la fin du monde, à cause de la pluie diluvienne qui n’en finit pas de s’abattre sur la ville, et qu’une peur viscérale s’empare de tous les habitants, une jeune femme reste insensible : allongée sur la moquette recouvrant le parquet de son appartement, elle semble en proie à une mélancolie proche de la dépression. C’est alors qu’on lui annonce que son père vient d’avoir un infarctus et qu’il est dans le coma. Et, au lieu de courir à son chevet, là voilà partie dans la maison familiale, en pleine tempête, s’inquiétant pour le chat paternel qui est resté seul… Entre rêve, cauchemar et fantasme, les 114 très belles pages de cette étrange quête intérieure, qui évolue tranquillement vers le fantastique, envoûtent littéralement le lecteur, du début à la fin !
Gilles RATIER