Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Les yeux d’Edith T.1 : Cambremer ? par Ryser et Djian, ? Les nuits écorchées T.1 : Progénitures ? par Penet et ? Harding was here T.1 ? par Midam et Adam.
? Les yeux d’Edith T.1 : Cambremer ? par Nicolas Ryser et Jean-Blaise Djian – Editions Vents d’Ouest (13 Euros)
Cette première partie d’un diptyque, sensible et nostalgique, inaugure une collection des éditions Vents d’Ouest (consacrée aux récits de terroirs des différentes villes de province) qui s’annonce fort intéressante. Nous sommes dans un village du Calvados, où deux frères jumeaux grandissent, au cÅ“ur des années 1950… L’un est bègue et propose à l’autre, plus dégourdi, de se faire passer pour lui, auprès de la fille d’une famille de parisiens nouvellement installée dans la commune : un moyen de pallier à son handicap auprès de la belle, tout en croyant la séduire, en attendant que sa rééducation en cours porte ses fruits… Nicolas Ryser (« Hariti » chez Glénat) nous revient ici avec un dessin plus classique qui illustre, de façon adéquate, ce quiproquo amoureux plein de promesses écrit par un Jean-Blaise Djian en pleine forme : son évocation de la Normandie et sa relecture maligne du mythe de « Cyrano de Bergerac » collant parfaitement au cahier des charges (restituer l’ambiance et les particularités provinciales) de ce nouveau label !
? Les nuits écorchées T.1 : Progénitures ? par Régis Penet – Editions Daniel Maghen (14 Euros)
Galeriste parisien spécialisé dans la vente d’originaux de bandes dessinées, Daniel Maghen considère son département livre comme l’aboutissement de sa passion pour le 9ème art. Dès 2005, il s’est lancé dans cette diversification avec de très beaux livres consacrés à des auteurs qu’il aime et qui lui font confiance, mais cette fois-ci, il se donne les moyens de publier de vrais albums BD (diffusés par La Diff/Volumen), toujours avec le même souci de bien faire et de mettre en valeur des illustrateurs en lesquels il croit. Régis Penet, est l’un deux ! En signant à la fois le scénario et le dessin de cet album très sombre, il gravit les étages de la reconnaissance critique : en effet, la première chose qui nous saute aux yeux, c’est qu’il est en grand progrès par rapport à ses précédents travaux, lesquels étaient honnêtes mais pas tout à fait aboutis (« Fleurs carnivores », « Marie des loups » et « Catwalk » aux éditions Soleil). Ici, il nous entraîne pour un polar, situé dans un futur proche, où une monstrueuse créature ensanglante de ses crimes une gigantesque agglomération portuaire. Une fliquette, dont les soirées sont assez mystérieuses et plutôt sensuelles, est chargée de l’enquête : l’une des victimes étant la fille d’un puissant scientifique et trafiquant d’organes… Non seulement le graphisme gothique de Régis Penet se fait plus alléchant, mais sa narration semble également gagner en maturité (et du même coup en efficacité), grâce à ce diptyque sur la bioéthique qui se révèle, donc, être une très bonne surprise pour les amateurs de sensations fortes…
? Harding was here T.1 ? par Adam et Midam – Editions Quadrants (9,90 Euros)
Le principe de cette désopilante nouvelle série est assez simple, mais il est efficace et original ! Un marchand d’art a inventé une machine à remonter le temps. Il part pour les siècles passés afin de commander et acheter directement, pour une bouchée de pain, leurs Å“uvres d’art, à des peintres célèbres comme Van Gogh ou Rembrandt, avant que ces derniers soient reconnus comme tels. Evidemment, rien ne se passe comme prévu et toutes les petites modifications temporelles causées ont des conséquences inattendues et amusantes. Ramener du passé des Å“uvres classiques, cela aurait pu chambouler le monde du commerce de l’art… ; seulement voilà , Rembrandt ne rime pas toujours avec argent ! Confiant le graphisme à Adam (de son vrai nom Adam Davreux, il est surtout connu pour être son assistant sur « Game Over »), Michel Ledent (qui signe Midam depuis ses débuts) se concentre avec talent sur le scénario ! Délaissant les gags muets en une seule page de sa série phare (« Kid Paddle »), ainsi que les éditions Dupuis dont il est pourtant, aujourd’hui, l’un des piliers, le célèbre et sympathique auteur Bruxellois étonne par son savoir-faire narratif : les scénarios des quatre histoires réunies dans ce premier opus se nourrissant des mystères tournant autour des Å“uvres et de la désinvolture de ce négociant malchanceux qui sous-estime l’aspect humain de ses transactions. Ce pur divertissement nous permet aussi de nous instruire en nous amusant : il donne vraiment envie d’aller dans les musées admirer les tableaux qu’il met en avant (voir à ce sujet le reportage de Laurent Turpin : « Midam was Here ! ») et aurait pu, sans problème, être pré-publié dans une de ces très sérieuses revues sur l’Art avec un grand A : le propos plus « léger » de Midam et d’Adam ne pouvant qu’être bénéfique pour faire passer la pilule éducative !
Gilles RATIER