Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Mercredi 18 juin avait lieu au Musée du Louvre la présentation de « Harding was here », la nouvelle série scénarisée par le créateur de Kid Paddle et dessinée par Adam.
«J’avais d’abord envie de me mettre en danger. Bien sur, je pourrais continuer à faire du Kid Paddle et rien que du Kid Paddle, mon éditeur en serait ravi, mais cette série impose des contraintes précises, de plus en plus délicates à gérer au fil du temps » explique Midam. Alors un jour, en butant sur l’élaboration de la chute d’un de ses gags en une planche – rappelons qu’il en a déjà réalisé quelques 450 – Midam s’interroge sur cette contrainte de format, tourne la page de son carnet et devant cette virginité retrouvée, se découvre immédiatement un nouveau plaisir de création, qu’il n’hésite pas à pousser afin de faire prendre forme au projet qu’il vient d’imaginer : Thomas Harding, un éminent scientifique hédoniste, capable de voyager dans le temps, part à la rencontre des grands peintres pour acquérir des Å“uvres qu’il imagine revendre aux enchères dans le présent, aux seules et évidentes fins de s’enrichir. Mais rapidement, la motivation du savant glisse vers l’envie d’un échange humain et la volonté d’intervenir dans les détails de l’Histoire. Avec subtilité et humour, évidemment, beaucoup d’humour !
Voilà donc ce qui explique le titre de cette nouvelle série. Qui n’a en effet jamais remarqué sur les murs de tel ou tel monument historique un message, souvent une inscription gravée, indiquant « X was here », manière très individuelle et éminemment touristique de tenter de laisser son nom à la postérité ? « Harding, à sa façon, fait la même chose », précise Midam. Mais ce nouvel héros ne joue pas avec l’Histoire : « on ne retrouvera pas La Joconde avec une boucle d’oreilles », précise Midam. L’auteur trouve plus amusant de jouer la carte de la crédibilité en liant ses récits imaginaires à des détails réels et de s’intéresser aux failles des connaissances en mêlant faits réels et fiction. Ce qui suppose également une approche historique rigoureuse, même si « tout part toujours d’une anecdote que je vois dans une peinture ». Ainsi, le lecteur aura plaisir à retrouver, aux cotés d’Harding, la vie quotidienne de Van Gogh, Van Eyck ou encore Rembrandt, dont l’étonnante toile, au vu de la production du peintre, « Le bÅ“uf écorché » se situe au centre d’un des courts récits du premier volume de cette nouvelle série.
Coté dessin, l’histoire ne se prêtant pas au style graphique de Midam, le fait de ne pas la dessiner pas lui-même s’impose comme une évidence dans son esprit. C’est aussi l’occasion rêvée d’accomplir une autre envie, celle de faire travailler Adam : « je voulais profiter de son dessin, précise Midam. Adam a été mon assistant pendant deux ans sur « Game Over », – une sorte de spin-off de « Kid Paddle » – et j’ai remarqué son travail personnel, les peintures qu’il réalise quand la BD lui en laisse le temps et son formidable talent. Je voulais absolument accomplir autre chose avec lui. » Deux esprits qui se rencontrent : Adam, de son coté, souhaite alors réaliser une série grand public. Il est vrai que son style graphique semi-réaliste précis se prête aux bandes dessinées à vocation populaire. Mais pas question pour autant de liberté graphique totale pour « Harding was here », notamment dans la construction visuelle. Le cahier des charges se révèle très strict : « J’ai plus imaginé un soap, une série audiovisuelle du type de « Friends », qu’un film de cinéma, explique Midam. Les « prises de vue » sont donc principalement faites de champs/contrechamps et ne comportent pas, par exemple, de plongée ou contre plongée. Par contre, chaque nouvelle scène commence par une case prenant la largeur de la page, comme un long travelling. Ce sont les codes du genre. J’ai d’ailleurs poussé dans ce sens en imaginant que ce premier tome correspondait à une « première saison ». C’est la raison pour laquelle il se conclue par un suspense insoutenable qui engage directement le lecteur dans l’attente de la suite. »
Cette suite paraîtra sans doute, comme ce premier tome, chez Quadrants Solaires, et non chez Dupuis, pourtant éditeur historique de Kid Paddle : « pour diversifier mes risques », souligne Midam, mais aussi pour travailler avec un éditeur qui ait envie de valoriser cette nouvelle série plutôt que de le pousser à faire en priorité du Kid Paddle, dont l’important niveau des ventes est assuré. « J’ai donc fait jouer la concurrence, explique le scénariste de « Harding was here ». Glénat et Soleil étaient intéressés mais les premiers cités chipotaient et je ne voyais pas ce projet s’inscrire dans la ligne éditoriale actuelle de la maison d’édition de Mourad Boudjellal avec qui je m’étais pourtant fort bien entendu. Mais quand j’ai appris l’existence du label Quadrants, dirigé par Corinne Bertrand, une ancienne des éditions Dupuis avec qui j’avais fait à l’époque une rencontre intelligente, j’ai su que j’avais trouvé la collection rêvée pour « Harding was here » ».
Laurent TURPIN
Harding was here – Quadrants – 9,90€