Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Prophecy » T1 par Tetsuya Tsutsui
Tetsuya Tsutsui n’est plus un inconnu en France. Il a son actif trois mangas, tous édités chez Ki-oon : « Manhole » (2004), « Reset » (2004), « Duds Hunt » (2002). Cette fois-ci l’éditeur français ne s’est pas contenté de publier une histoire déjà existante au Japon, il a complètement financé la dernière série de l’auteur : « Prophecy ».
« Prophecy » surfe sur la vague des thrillers psychologiques, avec une histoire extrêmement moderne : un mystérieux personnage se met en scène via des vidéos diffusées par le biais des réseaux sociaux. Il annonce de nombreux actes délictueux avant de les commettre lui même,  c’est du moins ce qu’il sous-entend. Il est toujours masqué par le journal du jour afin de dater son crime. Sorte de Robin des bois des temps modernes, il ne châtie que les personnes qui abusent de leur pouvoir pour maltraiter ses congénères. Évidemment, la police est sur les dents et la brigade anti-cybercriminalité prend très au sérieux cet adversaire.
Au départ, l’histoire est un peu poussive avec ses bons sentiments et sa morale anti-téléchargement. Le premier chapitre sert, avant tout, à mettre en place la femme flic Erika Yoshino. Véritable lien entre le terroriste et le lecteur, elle est dépeinte comme un personnage froid et antipathique. Du coup, elle accumule les clichés, ce qui malheureusement dessert l’Å“uvre. Pourtant, dès que l’on rentre dans le vif du sujet, l’Å“il devient plus attentif et le suspense marche à fond, jusqu’à la révélation finale de ce premier tome qui ne peut qu’aiguiser la curiosité. De quoi attendre avec impatience le second volume.
Bien évidemment l’intrigue, rondement menée, constitue l’attrait principal de cette série. Pourtant, sa plus grande particularité vient du fait qu’elle a été financée par une équipe française. Après avoir finalisé « Manhole », Tetsuya Tsutsui, malgré sa popularité grandissante, n’a pas su trouver d’éditeur japonais pour son nouveau manga. C’est là que l’équipe de Ki-oon est intervenue en lui proposant de créer, de toutes pièces, une histoire pour le marché français. Bien évidemment, une fois le projet lancé, les Japonais s’y sont intéressés et il est prépublié, depuis un an déjà , dans le magazine Jump Kai des éditions Shûeisha.Pourtant la validation des planches se fait en France, chez Ki-oon : l’éditeur japonais ne faisant que racheter un projet déjà validé, sans avoir son mot à dire sur le fond comme sur la forme. Cette manière de travailler est totalement atypique et montre bien l’importance qu’à pris le manga sur le marché français, d’autant plus que l’éditeur Ki-oon n’est pas une filiale d’un grand groupe, comme le sont la plupart des ténors du manga en France. Voilà un bon moyen de se démarquer avec un produit 100% japonais à même de se fondre dans les publications actuelles.C’est une approche novatrice, à l’instar de certains mangas édités chez Ankama qui font intervenir un dessinateur japonais, alors que le scénariste reste français. Dans ce dernier cas, le résultat n’est pas toujours des plus probant, les deux créateurs ne comprenant pas forcément les desiderata de leurs collègues et, surtout, les attentes du marché du manga dans le monde. Ici, Tetsuya Tsutsui, jouie d’une liberté totale et la phase de validation avec la France semble très bien se passer, comme en témoigne les reportages parus dans le magazine Animeland tout au long de l’année. Publié en trois parties dans les numéros 177, 180 & 182, le lecteur a pu suivre la fabrication du manga, visiter l’atelier du mangaka et avoir le point de vue français sur le projet. Une excellente initiative qui a permis à partir d’un projet atypique d’expliquer comment se passe la création d’une Å“uvre avant qu’elle n’arrive sous forme reliée chez le libraire.
Du coup, Ki-oon mise gros sur cette auteur. Tous ses précédents livres viennent d’être réédités. Il est bien évidement présent pour des séances de dédicaces à Japan Expo où une mise en scène est prévue sur son manga, comme celle qui avait était orchestrée, l’année passée, pour une autre série : « Judge ». Ensuite, il sera en tournée dans toute la France (1), ce qui est extrêmement rare pour un auteur japonais, qui généralement, ne peut lâcher sa planche à dessin du fait de son contrat avec un magazine de prépublication ; ce qui explique qu’il ne peut pas prendre de pause. Ici, l’éditeur étant français, cela change beaucoup de choses.
Si « Prophecy » ne tient pas forcément en haleine son lectorat dès les premières pages, on sent pourtant la tension monter de chapitre en chapitre. Habitué des histoires dramatiques à suspense, les éditions Ki-oon ont une nouvelle fois tapé dans le mille avec un manga qui pourrait bien devenir populaire…
Gwenaël JACQUET
« Prophecy » T1 par Tetsuya Tsutsui
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 2355924058
(1) : Las dates des dédicaces sont présentes sur le site des édition Ki-oon.