« Tank Girl : Everybody loves Tank Girl » par Jim Mahfood et Alan Martin

Planquez-vous ! Tank Girl revient ! Plus barrée et iconoclaste que jamais, l’impétueuse héroïne nous prouve une fois de plus que le punk n’est pas mort. Un album totalement délirant, au graphisme épatant, créé spécialement pour Ankama.

C’est après avoir constaté de la qualité de l’édition française de « Tank Girl » par Ankama et sa rencontre avec Jim Mahfood lors de l’événement « Mix & Paint » organisé par cet éditeur qu’Alan Martin s’est laissé convaincre de remettre le couvert en proposant de nouvelles aventures de son héroïne déglinguée, spécialement pour le Label 619. Ankama a de quoi être fier ! Et les frenchies ont de quoi frétiller : quel honneur ! Ce beau projet a récemment débarqué en librairie, et le moins qu’on puisse dire c’est que l’album vaut son pesant de cacahuètes ! Oreilles chastes, esprits conservateurs, maintiens de l’ordre moral, passez rapidement votre chemin, car l’ouvrage risque fort de vous déclencher un violent décollement de la moelle épinière. Ça fait longtemps que je n’avais pas été autant ravi et édifié à la fois par la lecture d’un comic. Mon dieu ce que c’est con ! Mais con avec un grand C, hein, la connerie élevée au rang des beaux-arts ! Il n’y a pas une page où je n’ai pas écarquillé les yeux, mort de rire et interdit par tant de provocations assumées avec un beau toupet et beaucoup de malice. À l’heure où même le punk a été récupéré pour vendre du shampooing ou des bagnoles, ça fait rudement plaisir de voir que – contre toute attente – ce mouvement n’est pas mort et enterré, comme je le suggérais en introduction. Avec des engins de malheur comme Alan Martin, on peut même dire que l’esprit punk n’a pas fini de déranger les bonnes consciences. « Everybody loves Tank Girl » ? Je ne pense pas, mais quoi qu’il en soit Tank Girl ne manquera pas de botter le cul des récalcitrants.

 

Déjà huitième album de « Tank Girl » paru chez Ankama, « Everybody loves Tank Girl » ne démérite donc pas, nous proposant un sacré bon moment de déconnade outrancière. Alan Martin est plus déchaîné que jamais, ne reculant devant aucune exagération, aucun mauvais jeu de mot ou aucune insulte pour nous faire rire tout en entretenant joyeusement notre révolte légitime par rapport au système. Ça jure et gueule à chaque coin de bulle, jusqu’aux onomatopées qui partent en vrille : ainsi, le « gros jet automobile à fusée machin chose de merde » décolle dans un grand « Fuckingwhooooooshhh » qui me fait encore rire rien qu’en y repensant. Et c’est comme ça tout du long : concours d’insultes tout à fait consternant, visite de tank, attaque sous LSD, pipi givré et meurtrier (sans oublier un combat contre les frères pipi puis les sœurs caca), rubrique de mode débile, poèmes et chansons hardcore, j’en passe et des meilleurs. Vous l’aurez compris : ici, pas de grande aventure, mais bien un patchwork de multiples récits courts qui sont autant de facettes d’un même univers, déclinés selon les délires de l’auteur.

Mais au-delà de la rigolade et de la provocation, Alan Martin continue aussi de régler ses comptes avec cette fucking société, taillant un costard sur mesure à toutes ces « nouvelles stars » abjectes créées de toutes pièces par la télévision et les médias en général, les maisons de prod’ de disques ou de films. Ainsi, le poème « New Faces 73 » se clôt par « Ce mec / Je vais lui mettre un gros pain dans la gueule / Je vais faire de mon mieux pour lui péter le nez d’un seul coup / Et j’espère / Que le mal que ça lui fera / Établira un pont vers le monde réel / Et peut-être qu’il viendra de notre côté / Alors il pourra aller dire à ceux qui le suivent / Qu’ils n’ont plus besoin d’être une bande de cons ». Ou encore Barney qui explique : « Écoute, Tank Girl, tout ça fait partie de la production cinématographique moderne : si on ne prend pas l’idée originale et qu’on ne la fout pas complètement en l’air, c’est qu’on ne fait pas du bon boulot. C’est la marque d’un professionnel de faire que du bon matos soit complètement méconnaissable à la fin. Tu as dû voir « Les Sentinelles de l’air : le film »Â ? » Yeah ! Great, man !

 

Les dessins de Jim Mahfood, eux, sont tout simplement excellents : c’est pétaradant, pop, trash, drôle, et la pluridisciplinarité artistique de ce dessinateur fait mouche. Non seulement il s’inscrit totalement dans l’esprit graphique de l’œuvre depuis ses débuts, mais il n’a vraiment pas à pâlir face aux dessins d’Hewlett, Wood ou Dayglo. Mieux, il apporte réellement une nouvelle nuance au sein de l’identité visuelle de la série. Cohérent et dingue. C’est vraiment très très très très chouette. Une très belle qualité de trait, une liberté et une invention qui bénéficient d’un haut sens graphique. C’est remarquable. C’est beau. Ça fait du bien. Ça rafraîchit la couenne et donne de l’énergie. Sorte de post-underground classieux, le style de Mahfood est un vrai souffle d’air frais, témoignant d’une maîtrise et d’une jouissance artistiques qui donnent envie d’en voir toujours plus. Bref, un p… d’auteur, un p… d’artiste, une p… d’œuvre, et un p… d’album, mec !

 

Cecil McKINLEY

« Tank Girl : Everybody loves Tank Girl » par Jim Mahfood et Alan Martin Éditions Ankama (13,90€) – ISBN : 978-2-35910-260-4

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