Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
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Les membres de la famille Brossard seraient les victimes d’une malédiction qui condamne les aînés à mourir l’année de leurs trente-trois ans… Quatre scénaristes se sont associés pour imaginer, ensemble, la trame et les séquences des quatre tomes qui vont raconter cette épopée familiale tragique, sur fonds d’événements historiques.
En attendant de connaître le destin de Marius, le prêtre-ouvrier à Brest en 1954 (dirigé par Jérôme Félix), celui de Maxime, nihiliste adepte de « Sex, drugs and rock ‘n’ roll » dans le New York de 1973 (orchestré par Olivier Berlion), et ceux de Diane et David pendant le génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994 (un final concocté par Damien Marie), c’est Laurent Galandon qui s’y colle pour démarrer cette saga quasi christique : quelles vont donc être les conséquences des choix d’Antonin qui, en novembre 1937, part à Barcelone pour combattre les Franquistes et rejoindre une belle Espagnole qui rêve de devenir comédienne ? En laissant une grande part à l’épopée de la Guerre d’Espagne et en injectant son lot habituel d’humanisme et de professionnalisme dans son écriture scénaristique, l’auteur de « L’Envolée sauvage » ou des « Innocents coupables » nous donne, vraiment, envie de savoir comment ses trois autres collègues vont pouvoir donner suite à son travail d’investigation ; d’autant plus qu’il est assez évident que son intérêt manifeste pour l’Histoire a été aussi un atout non négligeable pour cette belle mise en bouche… Et comme c’est Olivier Berlion, lui-même, qui s’est aussi occupé de la partie graphique, avec autant de ferveur et d’efficacité, le lecteur ne pourra qu’être satisfait : le dessinateur ayant, semble-t-il, retrouvé la maestria que l’on avait pu constater sur ses one-shot réalistes « Lie-de-vin » et « Rosangella » (scénarios de Corbeyran) ou sur sa propre série « Tony Corso ». Évidemment, certains vont objecter qu’il s’agit, encore, d’une série-concept réalisée à plusieurs mains et qu’il n’y a donc, là, rien de bien original ! Peut-être, mais il faut bien reconnaître que celle-ci démarre plutôt bien et que l’on sent qu’elle a profité des expériences, des tâtonnements, des erreurs, mais aussi des réussites narratives, testés par tous les acteurs des « Décalogue », « Triangle secret », « Pandora Box », « Alter ego » et autres « Destins » ! Et voilà qui, par ailleurs, tombe à point nommé pour fêter, dignement, les dix ans des toujours intéressantes productions Grand Angle, le label « réaliste » des éditions Bamboo !
Gilles RATIER
« La Lignée » T1 (« Antonin 1937) par Olivier Berlion et Laurent Galandon, avec Jérôme Félix et Damien Marie
Éditions Bamboo-Grand Angle (13,90 €) – ISBN : 978-2-8189-0912-6