Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...ISRAËL INVITE D’HONNEUR DU SALON DU LIVRE DE PARIS 2008
Israël étant l’invité d’honneur du Salon du Livre de Paris, il nous a semblé intéressant de faire le point sur ce pays au niveau de la bande dessinée.
Certains en Israël, voient en Wilhelm Busch, à juste titre, un des pères fondateurs de la bande dessinée avec Max und Monritz. Cette bande dessinée a influencé de nombreux dessinateurs, en particulier Rudolf Dirks avec ses Katzenjammer Kids.
Max und Moritz a été la première histoire de bande dessinée à être traduite en hébreu, en 1898, par Loboshitski, sous le titre Sinteon et Levi.
Les premières bandes dessinées écrites en hébreu ont été publiées au début du xx° siècle, dans le magazine pour enfants Olam Kaitm (Le Petit Monde), édité à Varsovie. Puis il y eut une interruption de quelques années, tandis que celles écrites en yiddish continuaient de paraître.
Il faut attendre le début des années trente pour assister au retour de certaines B.D. en hébreu, publiées dans des journaux pour enfants comme Eden et Noar sous forme d’histoires juives humoristiques.
Sous le mandat britannique en Palestine, le Centre de la culture hébraïque publie les premières B.D., en 1935, dans le journal pour jeunes Ilonenu Lektanin (Notre journal pour enfants). Ce sont des histoires longues, contrairement à tout ce qui avait été publié auparavant. Meoraoth Dubon, qui était en fait la traduction de la série anglaise Ruperi l’ourson, est
La première histoire d’aventures a été publiée, en 1940, dans un magazine éphémère intitulé Hadahil : Masot Cad Veyosi (Les Voyages de Cad ei de Yosï) raconte les aventures de deux enfants sur un bateau, enlevés par des bandits. Hélas ! l’aventure s’arrête au moment où le magazine est mis en liquidation. Ainsi, on ne saura jamais si les enfants échapperont aux criminels.
Certains experts prétendent que le premier magazine de B.D. publié en hébreu a été Miki Maoz, édité en 1948. On sait que ce journal a été conçu par un poète bien connu de cette époque et qu’il présentait des séries de Walt Disney sans que le copyright soit mentionné. L’aventure fut de courte durée : il stoppa sa parution après neuf numéros. 11 faut attendre les années cinquante et soixante pour voir la publication d’un nouveau magazine pour enfants, Haaretz Shelanu (Notre pays), qui présente des histoires relativement longues. Devant le succès de ce journal, il est suivi par Davar Leyeladim, qui dans un premier temps publie des bandes dessinées de quelques pages.
On voit au sommaire de Davar Leyeladim et de Haaretz She/anu l’apparition des premiers super-héros israéliens : Gigi Gezer, dont les aventures ont paru au début des années cinquante dans Haaretz Shelnut à l’heure de l’indépendance, et qui trouve sa force en mangeant des carottes ; Yoav ben Calav, autre super héros, obtient sa puissance en buvant
Ses bandes dessinées étaient également traduites en hébreu dans des journaux comme Nimrod (1954) et Olam Hapele (Le monde merveilleux, 1946), lesquels publiaient aussi des séries mondialement connues provenant
après sont apparus des magazines qui publiaient des bandes dessinées provenant d’Europe, principalement d’Angleterre et de France, dans l’espoir d’attirer plus de lecteurs : Pam Pam ( 1960) et Olam Hanoar (Le Monde de la jeunesse, mais ils stoppèrent leur publication au bout de quelques mois. En 1964, un nouvel éditeur, Neurim, tente une nouvelle approche en traduisant les aventures de Dennis thé Menace, en deux couleurs, sous le titre hébreu de Dan Hamesucan. Dans le même esprit est traduit Space Family Robinson.
Davar Leyeladim connaît un succès relatif en publiant des séries comme Flash Gardon et Tim Tyler’s Luck (en hébreu Parashey Hajungle) : ces aventures sont éditées en couleurs dans un premier temps, pour finir en noir et blanc. Un autre éditeur des années soixante, Ramdor.se spécialise dans des romans brochés de western et d’espionnage, écrits par des auteurs israéliens signant sous des pseudonymes étrangers. En 1965, il édite le premier magazine consacré à la bande dessinée originale, Harpatkat! Lanoar (Aventures pour la jeunesse), avec l’aide du talentueux dessinateur Asher Dickshtein. Dans le même temps, il crée un autre magazine pour tout-petits, Bumhi, qui présente également les créations de Dickshtein. Mais ces publications sont interrompues après quelques numéros, et leur échec convainc l’éditeur que le marché israélien est loin d’être gagné. Il se tourne alors vers des séries étrangères comme Zembla, Ringo (western italien) et met sur le marché un magazine dédié au football, Pendel, où il publie des productions anglaises, dont Roy of the Tigers, et qui connaît un triomphe sans précédent. Un autre journal à succès, Buckeye, publié entre 1971 et 1976, propose des créations américaines, anglaises, françaises et australiennes : on y retrouve Fiash Gordon. Supeman, Thor (appelé en hébreu Reshef. The X-Men. Iron Man, Spider et Jim Hawk, ainsi que la série de Raymond Poïvet, Les Pionniers de l’Espérance. Malgré sa longévité, Buckeye ne connaît pas un grand succès financier.
Les années soixante-dix n’apportent pas de changement. Un nouvel éditeur, Meir Mizrahi. remplace Ramdor et se tourne vers la production italienne avec Zagor et Tex Willer, et vers d’autres séries comme Tarzan, Popeye, Tintin ainsi que vers les personnages de Walt Disney. D’autres éditeurs exploitent la même idée, en achetant les droits de Swamp Thing et de Diabolic, par exemple. Néanmoins, devant cette invasion étrangère, de petits éditeurs continuent d’éditer des illustres pour enfants, notamment Davar Leyeladini et Haaretz Shelanu.
Il faudra attendre 1978 pour qu’un jeune amateur de bandes dessinées, Uri Fink, fasse connaître la bande dessinée israélienne. Il commence par éditer les aventures de Sabraman, un super-héros fier et courageux. Les histoires sont publiées en hébreu et en anglais. Dans le Jérusalem Post. le strip connaît un certain succès, mais de courte durée. Grâce à cette réussite, Fink continue sur sa lancée en publiant Zbeng, qui entraîne le lecteur dans les aventures folles d’un groupe d’écoliers. Celles-ci deviennent rapidement un succès national qui débouche sur une série télévisée et la publication d’albums pour les jeunes. Michael Nezser, un artiste connu de Fink qui a travaillé aux Etats-Unis dans l’atelier de Neal Adams, crée un autre super-héros, Uri On, mais il ne connaît pas le succès de Sabraman. Beaucoup ont critiqué son orientation politique à droite, et la série s’est arrêtée après quatre publications.
Le coup le plus dur porté à la presse pour la jeunesse est la disparition, en 1985, de trois journaux pour enfants. Davar Leveladim, Haaretz: Shelanu et Mishmar Leveladim. A leur place est lancée une nouvelle revue, Culanu, qui, après quelques séries de bandes dessinées, préfère publier des cartoons humoristiques. Ce genre d’édition reflète la tendance actuelle de la presse pour jeunes.
Au début des années quatre-vingt apparaît la bande dessinée pour adultes, genre encore inconnu en Israël. Le premier strip de cette catégorie, Dry Bones de Yaacov KirsIien, paraît dans le Jérusalem Post : il se penche sur les problèmes israéliens d’aujourd’hui en prenant comme décor Israël au temps
Dudu Gcva, dessinateur apprécié des lecteurs adultes, public plusieurs bandes, telles Ahalan Wasahalan (Bienvenue en Arabie) et Rav Shaanan negrdl beno shel Godzilla (Rav Shaanan contre le fils de Godzilla). en 1993. dans laquelle il décrit les aventures parodiques d’un super-héros israélien luttant contre une famille de dinosaures qui menace de détruire l’univers. Geva dessine également une aventure dont la vedette est un canard, ce qui provoque les foudres de
Un autre dessinateur. Michèle Kishke. publie dans le magazine pour jeunes Mashehu les aventures de Mister T, héros aux super-pouvoirs qui, grâce à une machine à remonter le temps, rencontre différents personnages historiques.
Au début des années quatre-vingt-dix, on peut considérer que la bande dessinée israélienne s’est définitivement installée grâce aux succès de Uri Fink et des séries de Ebeng, sans oublier les revues publiant de la B.D. pour adultes, telles que Stiyatk shel Pingvinim (La Perversion des pingouins), considérée comme pornographique et qui a créé en effet des remous dans l’opinion.
Les comics ont enfin gagné une respectabilité vis-à-vis du public avec le jeune scénariste Etgar Kereth, un grand amateur de bandes dessinées qui a publié plusieurs ouvrages critiques sur ce genre en collaboration avec Actus tragicus, un groupe de dessinateurs produisant des comics pour adultes. Par un souci d’économie, ces histoires sont publiées uniquement en anglais. En exemple on peut citer La journée de la terre, mis en images avec un grand sens du rythme et du découpage. par Assaf Hanouka et scénarisé par l’écrivain Etgar Kinet ; Rutu Modan ,Batia Kolton, Mira Friedmann, Yirmin Pinkus font aussi partie
L’intérêt pour la B.D. va croissant, et plus particulièrement dans des magazines ultraordothoxes juifs dans lesquels on édite des B.D. qui traitent des aventures de rabbis célèbres et celles d’enfants menacés par des terroristes arabes, des moines chrétiens et d’autres puissances
Actuellement, il existe seulement un magazine publiant des bandes dessinées originales israéliennes, grâce aux efforts d’Uri Fink qui permet à d’autres artistes de s’exprimer, comme Simon Wasserstein. Ce dernier a redonné vie à l’art presque oublié des bandes dessinées à suivre. Uri Fink a présenté en octobre 2002, au centre d’art de Haïfa, Comics Incorporated thé World
of Uri Fink, une exposition interactive pour petits et grands. Vous n’avez pas besoin de savoir dessiner pour faire des B.D., dit Un Fink. Le monde des bandes dessinées prend, en 2002, de plus en plus d’ampleur en Israël ; les enfants en apprennent la technique dans des cours spéciaux, et tout laisse supposer que dans les prochaines années, une nouvelle génération de dessinateurs va prendre la relève et donner une nouvelle impulsion à ce moyen de communication de masse que sont les comics.
© Claude Moliterni