Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...La bande dessinée en 2006 : un marché économiquement et artistiquement mature
La croissance continue pour la bande dessinée en 2006, selon l’attendu rapport annuel de Gilles Ratier, que nous publions intégralement. Tous les genres sont en progression, chacun trouvant des segmentations et des publics nouveaux. Une maturation du marché qui se traduit par un approfondissement des positions acquises.
Réalisée chaque année par Gilles Ratier, journaliste spécialisé et secrétaire général de l’association des critiques et journalistes de bandes dessinées (ACBD), l’enquête 2006 répertorie 4.130 livres de bande dessinée publiés cette année, dont 3.195 nouveautés en albums, 612 rééditions, 222 livres de dessins d’humour ou illustrations, et 101 ouvrages d’analyse sur la BD.
Ce chiffre, en augmentation pour la onzième année consécutive, représente près du triple des 1.563 ouvrages publiés en 2000. Poursuivant la croissance constatée l’année dernière, la proposition éditoriale a augmenté de 14,7% depuis 2005. La BD représente à ce jour 7,5% (contre 7,2% en 2005) des livres publiés sur le territoire francophone européen et, d’après différents instituts de sondage, un peu plus de 6,5% du chiffre d’affaires de l’édition.
Des chiffres qui traduisent une réelle maturation du marché de la bande dessinée, dans ses différents segments et à travers ses développements en croissance interne ou externe :
- On note un tassement relatif du phénomène manga. Parmi les adaptations de titres étrangers (1799 en 2006, dont 1418 venus d’Asie), les mangas passent le cap de 44 % des albums produits dans l’année, contre 42% en 2005.
- La course à la part de marché est de plus en plus d’actualité : 17 des 225 éditeurs présents sur le secteur ont produit plus de 70% des nouveautés de l’année. Nombre d’entreprises indépendantes sont rachetées : Soleil a pris, en 2006,
50% du capital de SEEBD (Saphira, Kabuto, Akiko et Tokébi) et une part majoritaire dans le label Asuka, La Martinière a intégré Petit à petit, et le groupe Média Participations, par l’intermédiaire de Dargaud, a repris le fonds Bretécher. Ces groupes sont tous à la recherche d’économies d’échelle et de synergies, non sans heurt parfois : ainsi, Média Participations a du canaliser une crise ouverte chez Dupuis, à la suite de la démission de son directeur général.
- 85 séries bénéficient d’énormes mises en place et continuent à se placer régulièrement parmi les meilleures ventes en librairie : “Titeuf”, “Lucky Luke”, “Lanfeust des étoiles”, “Cédric”, “Thorgal” et le “Rendez-vous à Paris” de Bilal, en tête.
Face aux mutations du marché, les éditeurs se doivent de réagir par une diversification plus intense : la bande dessinée lorgne désormais, sans complexe, sur le cinéma, la télé, les jeux vidéo, le théâtre, la musique ou la littérature. Média Participations, par exemple, multiplie les coproductions audiovisuelles (nouvelles saisons de “Spirou”, “Yakari”, “Rantanplan”…) et renforce son pôle éditeur de DVD par la création de Kana Vidéo, éditeur de “Naruto”.
On notera que cette progression est étale, les mangas ne cannibalisant pas les autres genres. La BD franco-belge, qui résiste même plutôt bien à la production nippone, se trouve, au contraire, dynamisée par cette concurrence, au point d’aborder cette année la production de mangas européens (“Spirou”, le magazine Shogun, etc.).
Voici le rapport de Gilles Ratier, pour l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bandes Dessinées), dans son intégralité :
UNE ANNÉE DE PUBLICATIONS EN BANDES DESSINÉES SUR LE TERRITOIRE FRANCOPHONE EUROPEEN :
2006 : l’année de la maturation
* Maturation de la production : pour la 11ème année consécutive, la vitalité de la bande dessinée francophone européenne est évidente avec 4130 livres publiés (dont 3195 strictes nouveautés), soit une constante progression de 14,7%.
* Maturation de l’édition : 225 éditeurs (ils étaient 203 en 2005) ont publié des BD en 2006, mais seulement 17 d’entre eux ont produit plus de 70% de ces albums.
* Maturation par rapport aux supports : la bande dessinée lorgne désormais, sans complexe, sur le cinéma, la télé, les jeux vidéo, le théâtre, la musique ou la littérature, même s’il n’y a plus que 21 revues spécialisées qui la prépublient.
* Maturation sur le plan des traductions : 30 éditeurs francophones ont encore publié davantage de bandes dessinées étrangères (1799 dont 1418 venues d’Asie).
* Maturation du marché : 85 séries bénéficient d’énormes mises en place et continuent à se placer régulièrement parmi les meilleures ventes.
* Maturation des métiers de la bande dessinée : 1325 auteurs assument plusieurs fonctions, ce qui leur permet de vivre correctement de leur métier.
N.B. : la moindre utilisation de ces données ou d’une partie d’entre elles doit être obligatoirement suivie du copyright : Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée).
Merci aux attachés de presse ou responsables éditoriaux qui nous ont communiqué les chiffres des tirages (Patrick Abry, Ahmed Agne, Sébastien Agogué, Jérôme Aragnou, Fabrice de Bailleul, Agnès Bappel, Marlène Barsotti, Perrine Baschieri, Maud Beaumont, Pol Beauté, Cécile Bergeret, Françoise Bosquet, Marine Bourgeay, Jean-Yves Brouard, Elise Brun, Eric Bufkens, Anne Caisson, Stéphane Caluwaerts, Sophie Cardoso, Yamila Castro, Sylvie Chabroux, Bénédicte Cluzel, Evelyne Colas, Benjamine des Courtils, Loïc Dauvillier, Kathy Degreef, Daniel Depessemier, Sylvie Duvelleroy, Serge Ewenczyk, Mona Fatouhi, Benoit Frappat, Benoît Fripiat, Jean-Philippe Garçon, Olivier Garnier, Jean-Louis Gauthey, Vincent Henry, Marc Impatient, Michel Jans, Bernard Joubert, José Jover, Emmanuelle Klein, Sabrina Lamotte, Emmanuelle Lecat, Pierre Léoni, Christine Leriche, CarolineLonguet, Xavier Löwenthal, Philippe Marcel, Philippe Morin, Greg Neyret, Marie-Paule Noel, Laure Peduzzi, Daniel Pellegrino, Emmanuelle Philippon, Arnaud Plumeri, Mathieu Poulhalec, Emmanuel Proust, Diane Rayer, Géraldine Rémond, Estelle Revelant, Hélène Richard, Florence Richaud, Marie-Thérèse Vieira, Hélène Werlé), et surtout à Didier Pasamonik pour ses “matures” et précieux conseils.
* Maturation de la production : pour la 11ème année consécutive, la vitalité de la bande dessinée francophone européenne est évidente avec 4130 livres publiés (dont 3195 strictes nouveautés), soit une constante progression de 14,7%.
Les phénomènes observés les années précédentes (augmentation, diversité et “mangalisation” de la production, concentration de l’édition, consécration des gros tirages, confirmation de l’intérêt porté au 9ème art, etc.) se pérennisent, s’accélèrent, se mondialisent et, finalement, confirment le fait, qu’en 2006, la BD francophone européenne est devenue, avant tout, une industrie culturelle totalement mature. Ayant évolué de pair avec les moyens de production, de diffusion et de création à sa disposition, l’industrialisation de la BD est, aujourd’hui, la source de la diversité de ses genres, de son lectorat ou de ses déclinaisons : ceci intégrant des notions de merchandising et de mondialisation des marchés qui étaient développées, depuis longtemps, par les éditeurs japonais et américains, mais aussi une diversification de la production amenant de nouveaux lecteurs et permettant d’exploiter l’ouverture de nouveaux secteurs.
Cette maturation du secteur entraîne, encore une fois, des records de production puisque 3195 nouveaux albums (77,36% du total des livres appartenant au monde de la BD) ont été diffusés dans les librairies francophones, en 2006 (contre 2701 et 75,02% du secteur, l’an dernier). Insistons sur le fait que 1045 d’entre eux (soit 32,7% des nouveautés) ont été publiés par les “grands éditeurs traditionnels” (877 et 32,46% en 2005), que 493 (soit 15,43%) l’ont été par les alternatifs et les éditeurs littéraires (475 et 17,58% en 2005), les seconds étant en train d’étouffer les premiers, que 1418 (soit 44,38%) sont des BD asiatiques (1142 et 42,28% en 2005) et que 239 (soit 7,48%) sont des BD américaines (207 et 7,66% en 2005). À ces 3195 nouveaux albums jamais édités sous cette forme jusqu’à aujourd’hui, il faut rajouter 612 rééditions (soit 14,81% du secteur, contre 552 et 15,33% en 2005) sous une nouvelle présentation ou éditions revues et augmentées, 222 recueils d’illustrations ou de dessins d’humour réalisés par des auteurs de BD (soit 5,37% du secteur, contre 258 et 7,16% en 2005) et 101 ouvrages sur la BD (soit 2,45% du secteur, contre 89 et 2,47% en 2005). Nous arrivons ainsi à un total de 4130 livres appartenant au monde de la BD (contre 3600 l’an dernier) : soit une augmentation de 530 titres correspondant à 14,7%, comme en 2005. En comparaison, environ 55 000 livres sont publiés par an ; la BD représente donc 7,5% (contre 7,2% en 2005) des livres édités sur le territoire francophone européen et, d’après différents instituts de sondage, un peu plus de 6,5% du chiffre d’affaires de l’édition.
Désormais, pour être visible en librairie, un éditeur doit produire au moins 8 titres par mois, alors que cette inflation diminue le temps d’exposition de certains titres, notamment les premiers albums et les expériences graphiques ou narratives. Heureusement, la BD est une expression culturelle de plus en plus segmentée, bénéficiant d’un lectorat éclectique et d’une croissante vitalité créatrice : même si 1099 BD (71,45% des nouveautés, hors mangas et comics), s’inscrivent dans des séries. Les catégories habituelles proposées par les “grands éditeurs traditionnels” sont difficiles à répartir, mais nous avons dénombré 302 BD humoristiques (28,89% du secteur, pour 244 et 27,82% l’an passé), 242 BD relevant de l’imaginaire fantastique (23,16%, pour 225 et 25,65% en 2005), 210 BD policières (20,09%, pour 167 et 19,04% l’an passé), 189 BD historiques (18,08%, pour 166 et 18,92% en 2005) et 102 BD pour les tout-petits (9,76%, pour 65 et 7,41% en 2005) ; sans oublier le développement des “niches” commerciales que sont les BD “people” ou sectorisées par professions, et, surtout, la BD reportage, autobiographique ou littéraire : car c’est de plus en plus probant aujourd’hui, un public cultivé et mature s’intéresse vraiment à la BD, ce qui favorise l’accès des ouvrages d’“auteurs” dans les rayons des librairies généralistes, à côté des romans.
Alors qu’elle est aux prises avec un marché de plus en plus difficile, l’industrie du livre a donc choisi de densifier sa production et la BD, l’un de ses secteurs les plus dynamiques, montre l’exemple ; même si certains agitent toujours le spectre de la surproduction ! C’est surtout lors de la rentrée littéraire (gonflée par les “blockbusters”) et à la fin de l’année (propice aux cadeaux) que le bât blesse avec 1313 albums (contre 1124 en 2005) -soit 31,8% de la production annuelle (31,22% en 2005)- parus entre septembre et novembre : les acheteurs de BD concentrant toujours leurs achats sur les valeurs sûres, au détriment du fonds et des nouvelles tendances. Enfin, la “Fête de la BD” (à l’initiative du groupe BD du Syndicat National de l’Edition) n’a pas eu l’impact attendu, ceci malgré de nombreuses opérations de valorisation du fonds qui ont été mises en place pour l’occasion : l’expérience ne devrait pas être renouvelée en 2007.
* Maturation de l’édition : 225 éditeurs (ils étaient 203 en 2005) ont publié des BD en 2006, mais seulement 17 d’entre eux ont produit plus de 70% de ces albums.
Le marché du livre se régénérant pour moitié chaque année, les éditeurs BD sont plus en plus nombreux. Cela n’empêche pas nombre d’entreprises indépendantes de passer entre les mains de plus grosses qu’elles : Soleil a pris 50% du capital de SEEBD (Saphira, Kabuto, Akiko et Tokébi) et une part majoritaire de celui d’Asuka, développant son secteur de BD asiatique comme a pu le faire Delcourt en se rapprochant de Tonkam, La Martinière a intégré officiellement Petit à petit, et Média Participations, par l’intermédiaire de Dargaud, sa plus importante filiale, a repris le fonds Hyphen (les œuvres de Bretécher) alors qu’il a dû canaliser, chez Dupuis, une crise ouverte par la démission de son directeur général, la fronde de la quasi-totalité de son comité de direction et une vague d’inquiétude chez ses auteurs…
Tous ces mouvements amplifient le fait que ce soit toujours le cercle très fermé des principaux éditeurs qui produit le plus. Le groupe MC Productions a publié 624 titres -dont 160 pour Soleil, 12 pour Quadrant Solaire, 77 pour Soleil Manga, 35 pour Gochawon, 12 pour Soleil Heroes, 239 pour SEEBD et 89 pour Asuka-, soit 15,25% de la production BD (contre 554 et 15,38% en 2005). Le groupe Média Participations contrôle pratiquement 40% du marché de la BD francophone et a publié, en 2006, 421 titres -dont 107 pour Dargaud, 102 pour Kana, 73 pour Le Lombard, qui a fêté ces 60 ans d’existence, 117 pour Dupuis, 11 pour Lucky Comics, 1 pour Mango, 1 pour Le Caméléon et 9 pour Fleurus-, soit 10,19% (contre 417 et 11,58% en 2005). La maison Delcourt (20 ans cette année !) a publié 412 titres -dont 209 pour la marque Delcourt, 95 pour Akata et 108 pour Tonkam-, soit 9,97% (contre 363 et 10,08% en 2005). Le groupe Glénat a publié 305 titres -dont 122 pour Glénat, 119 pour Glénat Mangas et 64 pour Vents d’Ouest-, soit 7,38% (contre 314 et 8,72% en 2005). Le groupe Flammarion a publié 262 titres -dont 153 pour Casterman, 25 pour Sakka, 6 pour Hanguk, 18 pour Fluide Glacial, 35 pour Jungle et 14 pour J’ai Lu-, soit 6,34% (contre 265 et 7,36% en 2005). Cependant, productivité n’est pas obligatoirement synonyme de rentabilité et l’ordre des tenants de parts de marché est différent : Soleil et Delcourt se plaçant, respectivement, en 4ème et 5ème position, derrière le gigantisme de Média Participations (qui confirme sa mainmise sur le marché), le groupe Glénat et les filiales BD de Flammarion.
Outre ces 5 ténors du marché, viennent ensuite : le groupe Panini avec 214 titres -dont 119 pour Panini Manga et 95 pour Panini Comics-, soit 5,18% (contre 177 et 4,9% en 2005) ; Pika avec 122 titres, soit 2,95% (contre 120 et 3,33% en 2005) ; Les Humanoïdes associés avec 110 titres, soit 2,66% (contre 69 et 1,9% en 2005) ; Bamboo avec 105 titres, soit 2,54% (contre 51 et 1,4% en 2005) ; le groupe Tournon avec 102 titres -dont 61 pour Carabas, 6 pour Semic et 35 pour Kami-, soit 2,47% (contre 78 titres et 2,16% en 2005) ; Taïfu avec 81 mangas, soit 1,96% (contre 48 et 1,33% en 2005) ; Paquet avec 76 titres, soit 1,84% (contre 53 et 1,47% en 2005) ; le groupe Editis avec 72 titres -dont 59 pour Kurokawa, 7 pour Hors Collection et 6 pour Univers Poche-, soit 1,74% (contre 33 et 0,92% en 2005) ; le groupe La Martinière avec 67 titres -dont 24 pour EP, 24 pour Le Seuil, 5 pour Rivages et 19 pour Petit à petit-, soit 1,62% (contre 52 et 1,44% en 2005) ; Albin Michel avec 66 titres, soit 1,6% (contre 60 et 1,66% en 2005) ; le groupe Gallimard avec 51 titres -dont 36 pour Futuropolis détenu à 50% avec Soleil, 7 pour Denoël et 8 pour Bayou- soit 1,23% (contre 18 et 0,5% en 2005) ; le groupe Bayard avec 47 titres -dont 14 pour Bayard, 25 pour Milan et 8 pour Treize Etrange-, soit 1,14% (contre 46 et 1,27% en 2005). Ces 17 prolifiques éditeurs (comme l’an passé) réalisent, à eux seuls, plus des 2/3 des activités de la BD, soit 76% de la production en titres. Citons encore le groupe Hachette, Actes Sud (avec L’An 2), Lito ou Picquier, en attendant Laffont, éditeurs généralistes forts de leur diffusion/distribution. D’ailleurs, les opérateurs “littéraires” tentent de se substituer, petit à petit, aux mouvements alternatifs ou aux labels indépendants, lesquels tentent de proposer des voies graphiques et narratives différentes à d’autres types de lecteurs : tels L’Association, Atrabile, La Boîte à Bulles, Cà et Là, La Cafetière, La 5ème Couche, Cornélius, Le Cycliste, Danger Public, Dynamite, Ego comme X, FLBLB, FRMK, Groinge, Humeurs, Lagarde, Magnier, Mosquito, PLG, Rackham, Les Requins Marteaux, Six Pieds sous Terre, Tartamudo, Vertige Graphic, Warum… Soulignons le fait que ces derniers ont une marge de manœuvre assez faible, même si certains ont une politique d’édition plus proche du “mainstream” : tels Akileos, Clair de Lune, Le Coffre à BD, Des Ronds dans l’O, Erko/Nickel, Hibou, Joker, JYB Aventures, Kymera, Theloma, Toth, Triomphe, USA…
* Maturation par rapport aux supports : la bande dessinée lorgne désormais, sans complexe, sur le cinéma, la télé, les jeux vidéo, le théâtre, la musique ou la littérature, même s’il n’y a plus que 21 revues spécialisées qui la pré-publient.
Tout en se remettant en question, les éditeurs s’imposent sur le marché en multipliant les collections, gonflant l’offre et le marketing (déclinaisons en animations, en films, en romans, en livres pour enfants, en produits dérivés ou en prépublications), rivalisant d’imagination pour créer des espaces de création, recruter d’autres lectorats et ouvrir de nouveaux marchés… Pour insuffler un rythme plus rapide de création, Glénat rassemble plusieurs dessinateurs autour d’un scénariste (formule réutilisée abondamment par ses concurrents). Casterman propose un journal publiant en avant-première le nouvel album de Tardi, une réduction des formats et des prix sur ceux de Pratt et d’Hergé… Futuropolis lance, hélas sans succès, les fascicules au prix réduit de la collection “32”. Pika, Delcourt, Ankama et Les Humanos font émerger les mangas français. Soleil séduit les 8-12 ans avec “NG”, collection au prix attractif, au rythme de production élevé, et dont les séries seront développées sur d’autres supports, en partenariat étroit avec les chaînes de télévision… Ce principe de déclinaison multisupports a commencé avec la série de dessins animés “Foot 2 Rue”, mais on retrouve la même volonté de faire quitter les cases aux personnages de BD chez d’autres éditeurs : chez Média Participations avec “Yakari”, “Spirou”, “Cédric”, “Rantanplan” et bientôt “Valérian”, sans oublier la création de Kana Vidéo ; chez Glénat avec “Titeuf” ; chez Delcourt avec “Grabouillon” et “Allez raconte” ; chez Marsu avec le “Marsupilami” ; et même à L’Association avec le projet “Persépolis”. D’ailleurs, en BD, le poids des droits dérivés croît, d’année en année, 2006 ayant apporté son lot d’adaptations cinématographiques ou ayant impliqué des auteurs de BD : “Astérix et les Vikings”, “Les brigades du tigre”, “Comme tout le monde”… ; notons qu’il existe même, depuis quelques années, un prix de la meilleure BD adaptable au cinéma, décerné à l’occasion du Forum Cinéma et Littérature de Monaco (il s’agit, pour 2006, de “Cuervos” de Marazano et Durand chez Glénat). Certains éditeurs n’hésitent d’ailleurs plus à proposer un DVD ou un CD en complément des albums, et d’autres, comme Seven 7 Sept, Nocturne, Naïve ou ! éditions !, en font même, la base de leur entreprise. Les images BD, quant à elles, alimentent aussi le secteur publicitaire et on les retrouve souvent dans les 222 recueils d’illustrations publiés en 2006, dont 63 dessins d’humour (77 en 2005) et 102 textes illustrés (89 en 2004). Enfin, si les adaptations de romans en BD (discipline remontant aux origines du 9ème art) sont toujours aussi nombreuses (47 en 2006), l’intérêt croissant des éditeurs littéraires pour la BD n’est plus à sens unique puisque le label Ego comme X publie désormais de la littérature alternative.
Toutefois, les journaux spécialisés, supports ancestraux de la BD, ont du mal à s’imposer dans le réseau presse. Ils ne sont plus que 21 en 2006, 3 de moins qu’en 2005 (Le Journal de Mickey, Picsou Magazine et Super Géant, Mickey Parade, Witch, Kids’ Mania, Schtroumpfs, Tom et Jerry, Bugs Bunny, Pif Gadget, Cap’tain Swing !, Tchô, Lanfeust Mag, Fluide Glacial, Psikopat, L’Echo des Savanes, Bo Doï, Suprême Dimension, Comic Box, DBD…) et les nouveautés sont assez limitées : nouvelle formule de Spirou, Bang ! et Bédé Adult’ repris le temps de 3 ou 4 n° seulement, essai avorté du lancement en kiosques de Poison, ou Boule & Bill, destiné aux 5-9 ans et ne contenant que des reprises. Les fascicules proposant des comics américains super-héroïques (Spider-Man, X-Men, Wolverine, Fantastic Four, Ultimates, Marvel Icons, Marvel Mega, Batman, Superman, DC Universe, Simpson, Spawn, Aspen…, ou le nouveau “Star Wars BD Magazine”), quant à eux, sont autant qu’en 2005, soit 31. Par contre, les revues sur les mangas (se consacrant plus souvent à l’anime qu’à la BD) se multiplient, même si certains titres disparaissent très vite : restent toutefois AnimeLand, Coyote, MangasGames, Dragon Ball, Manga Kids, Mangascope, Maniak !, Japan Vibes, Manga Distribution…, sans oublier Shogun Mag, le premier magazine de prépublication de mangas réalisés par…, des Européens ! Par ailleurs, 14 revues publiant des BD (15 en 2005) préfèrent la distribution en librairies (là où la BD se vend encore le mieux !), à l’instar de Bananas, Blam !, Choco Creed, Ferraille, Jade, Lapin, La Maison qui pue, Patate Douce…, de Comic Cue pour les mangas, et des gratuits Zoo, L’Inédit, Poison ou Bulles d’Eté (diffusé aussi sur les aires d’autoroutes). Par contre, moins d’albums BD ont été pré-publiés dans les magazines (299 soit 9,36% des nouveautés, contre 368 et 13,62% en 2005), mais Libération a poursuivi ses ventes couplées, proposant un album de BD avec le journal du samedi ; principe entériné par Le Figaro avec “Tintin” ou “Lucky Luke”.
* Maturation sur le plan des traductions : 30 éditeurs francophones ont encore publié davantage de bandes dessinées étrangères (1799 dont 1418 venues d’Asie).
Les nombreuses remises en question quant aux formats, aux prix ou aux rythmes de publication sont des essais de substitution au standard de production coûteux qu’est l’album de 48 pages cartonné et en couleurs. C’est aussi une réponse à la déferlante manga, dont le principal support est en train de devenir la norme sur le plan mondial, parce qu’il est, à l’évidence, le plus économique. Ce nouveau segment, qui a su conquérir un lectorat plus jeune et plus féminin que celui de la BD franco-belge traditionnelle (grâce à une structure moins coûteuse, un contenu se révélant proche des préoccupations d’un public captif et impliqué, et une offre très diversifiée), domine aujourd’hui la production : sur les 3195 nouveautés BD publiées en albums sur le territoire francophone européen en 2006, 1418 sont d’origine asiatique (ce qui correspond à 509 séries traduites) dont 1110 viennent du Japon (937 en 2005), 259 de Corée (195 en 2005), 41 de Chine et de HongKong (10 en 2005), et 6 de Singapour, 1 de Taïwan, 1 d’Inde (il n’y en avait pas en 2005). Notons aussi la multiplication des BD “made in Europe” qui s’inspirent nettement des différents codes graphiques et narratifs des mangas. En effet, toute l’Europe s’est laissée séduire par les BD asiatiques et les ventes suivent. Certains instituts de sondage, comme GfK, recensent, systématiquement, 15 BD asiatiques dans les 30 plus grosses ventes de BD, et les mangas représenteraient 1/4 du chiffre d’affaire des éditeurs de BD, d’après le Syndicat National de l’Edition ! Enfin, si les mangas sont tirés à moins d’exemplaires que les ténors de la BD franco-belge, les nouveaux tomes des séries (35,9% des BD asiatiques) se succèdent dans des délais très rapprochés. En 2006, les “Naruto” ont été tirés à 130 000 ex., les “Fullmetal Alchemist” ou “Samouraï deeper Kyo” à 80 000 ex., les “Gunnm Last Order”, “Hunter x Hunter”,“Yu-Gi-Oh ! R”, “Shaman King” ou “Fruits Basket” à 70 000 ex., “Nekomajin”à 65 000 ex., les “One Piece” à 60 000 ex. et “Air Gear” à 50 000 ex., tout comme chaque volume de “Dragon Ball”, série terminée depuis 2000 : des titres qui concentrent près de 40% des ventes de mangas. Donc, aujourd’hui, les mangas, ça marche, mais pas tous les mangas ! Par contre, signalons que les manhwas coréens (dont les plus gros tirages tournent autour des 20 000 ex.) et les manhuas chinois (10 000 ex. au mieux) sont encore loin de susciter le même engouement ! Notons aussi que les nouveautés mangas ont de plus en plus d’impact sur le fonds, le dernier volume paru relançant systématiquement la vente des anciens numéros, et que les rééditions des BD venues d’Extrême Orient sont de plus en plus nombreuses, atteignant, cette année, le chiffre de 72 (contre seulement 39 en 2005). Ainsi, de nombreux classiques japonais qui n’avaient pas encore été traduits en français (comme certaines œuvres de Shinichi Abe, Jun Hatanaka, Shigeru Mizuki, Keiji Nakazawa, Takao Saito, Hinako Sugiura, Oji Suzuki, Yû Takita, Osamu Tezuka, Kazuo Umezu et Tatsuhiko Yamagami) sont désormais accessibles, ceci grâce à 30 éditeurs francophones spécialisés dans la BD asiatique (ils étaient 25 l’an passé). Kana, Glénat Mangas, Pika, Kurokawa, Delcourt (avec Akata et Tonkam) et Panini Manga représentent, à eux 6, presque 90% du marché mangas traduits en français, suivis par Soleil Mangas (avec Asuka et le groupe SEEBD), Taïfu, Ki-Oon, Iku comics (mangas érotiques), Sakka et Hanguk (seules filiales de Flammarion à publier des mangas, J’ai Lu ayant baissé les bras), Kami, Doki-Doki ou Kankô (nouveaux labels asiatiques de Carabas, Bamboo et Milan), Toki ou Xiao Pan (fers de lance de la BD Chinoise en France), Paquet, Le Lézard noir, Imho ou encore les indépendants généralistes Cornélius, L’Erudit, Humeurs, Picquier, Le Seuil, Vertige Graphic… Cependant, le manga n’est pas si rentable que ça pour les “gros” éditeurs, car les licences ne s’achètent plus aussi facilement : les éditeurs japonais devenant très sélectifs. Enfin, la passion du public pour les mangas se retrouve sur différents sites d’Internet consacrés à leur genre favori (animeland.com, animint.com, finalmanga.net, mangagate.com, mangajima.com, mangavore.net, manga-news.com, mangaverse.net, webotaku.com, manga-sanctuary.com, ou encore the-ryoweb.com…) ou dans les 20 ouvrages consacrés à l’art du manga.
Les autres traductions proposées au public francophone sont principalement américaines (239, soit 7,48 %) : ce secteur étant toujours dominé par Panini France, lequel possède les droits d’édition des comics Marvel (l’éditeur américain de “X-Men”, “Spider-Man” et “Fantastic Four”) ou DC (“Batman”et “Superman”), et qui vient d’acquérir ceux des labels Wildstorm, ABC et Vertigo. Cependant, on dénombre aussi 54 BD italiennes (contre 44 en 2005), 27 BD espagnoles (contre 15 en 2005), 9 BD allemandes, 6 argentines, 4 anglaises, 3 finlandaises… Au total, on obtient donc 1799 nouvelles traductions (contre 1470 l’an passé) -venant de 29 pays différents-, c’est-à-dire 56,3% (54,42% en 2005) des nouveautés.
* Maturation du marché : 85 séries bénéficient d’énormes mises en place et continuent à se placer régulièrement parmi les meilleures ventes.
D’après les enquêtes trimestrielles de LivresHebdo/I + C, les ventes de BD auraient progressé, une nouvelle fois, au cours des 3 premiers trimestres de 2006, et ce, surtout dans les grandes surfaces culturelles (FNAC, Virgin, etc.) et dans les hypermarchés ! Cependant, le rythme de croissance reste très modéré : il faut dire que, depuis l’an 2000, le 9ème art nous avait habitués à des hausses substantielles et que, désormais, nous entrons dans une période de stagnation et de tassement du chiffre d’affaire : la jeunesse et les livres de poches étant désormais les grands gagnants d’un marché du livre qui reste tendu et irrégulier, mais dont le chiffre d’affaire serait en hausse de 1,8%, d’après le S.N.E., alors que les éléments porteurs (les mangas et quelques best-sellers) sont, pourtant, vendus moins chers. Si les ventes de mangas sont toujours en plein essor, la BD classique franco-belge semble être celle qui souffre le plus de ce climat moins porteur : le taux de retours ayant augmenté, en moyenne, de 10% par rapport à l’an passé (ceci étant dû, principalement, à l’inflation de la production). Pourtant, alors que le tirage moyen baisse de plus en plus, le marché de la BD est dopé par de nombreux “blockbusters”. Les 85 séries, tirées à plus de 50 000 exemplaires (contre 77 en 2005 et 69 en 2004), sont souvent déjà bien établies ou sont des purs produits de “marketing mix” qui permettent aux éditeurs d’établir une stratégie de renforcement des marques, au détriment des créateurs, alors que de plus en plus d’albums d’“auteurs”, donc moins commerciaux à la base, tirent leur épingle du jeu. Ainsi, d’après les chiffres de tirages communiqués par les éditeurs, le nouvel album de “Titeuf” de Zep a été tiré à 1800 000 ex., celui de “Lucky Luke” de Gerra et Achdé à 650 000 ex., celui de “Lanfeust des étoiles” d’Arleston et Tarquin à 300 000 ex., celui de “Cédric” de Cauvin et Laudec à 288 900 ex., et celui de “Thorgal” de Van Hamme et Rosinski ou le “Rendez-vous à Paris” de Bilal à 280 000 ex. Viennent ensuite “Les Profs” d’Erroc et Pica ou “L’affaire du voile” de Pétillon (200 000 ex.), “Kaamelott” de Astier et Dupré (190 000 ex.), “Les tuniques bleues” de Cauvin et Lambil (184 800 ex.), “Trolls de Troy” d’Arleston et Mourier (165 000 ex.), “Spirou” un personnage qui connaît aussi sa version manga de Morvan et Munuera (160 000 ex.), “Le Scorpion” de Desberg et Marini (150 000 ex.), “Les Schtroumpfs” du studio Peyo (140 000 ex.), “Le secret de l’étrangleur” de Tardi (130 000 ex.), “Game Over” de Midam, Adam et Augustin (126 100 ex.), “L’élève Ducobu” de Zidrou et Godi (125 000 ex.), 2 titres du “Magasin général” de Tripp et Loisel, “Les blagues de Toto” de Coppée ou “Le donjon de Naheulbeuk” de Lang et Poinsot (120 000 ex.) et bien d’autres séries qui amortissent les albums moins rentables (voir la liste complète des plus gros tirages en annexe).
Bien entendu, ce ne sont que des chiffres de tirage ; mais cela donne une idée de ce que pourraient être les ventes réelles. Il faut surtout noter que l’écart continue de se creuser entre les gros tirages et le peloton des ventes moyennes situé, désormais, autour des 7 000 exemplaires (en tenant compte de toute l’édition BD). Ceci dit, jusqu’à présent, le marché de la BD traditionnelle (c’est-à-dire hors mangas) s’en sort honorablement, par rapport à celui du reste des livres. Ceci s’explique par le fait qu’il existe une solide base de titres qui se vendent bien, sans être obligatoirement des “best-sellers”, entre 7 000 et 30 000 exemplaires. Ce qui est un peu inquiétant, aujourd’hui, c’est que cette base s’effrite petit à petit : quelques titres (les moins nombreux) passant du côté des “grosses ventes” et les autres rétrogradant en dessous des 7000 exemplaires (ce qui reste, toutefois, rentable pour quelques éditeurs, mais plus tellement pour l’auteur) ! Notons aussi qu’il est de plus en plus compliqué de faire de fortes mises en place sur de nouvelles séries et que la durée d’exposition des albums inédits n’a jamais été aussi courte. Evidemment, les éditeurs alternatifs ont de plus en plus de mal à survivre dans ce contexte où les grosses mises en place (et surtout leurs diffuseurs) sont les maîtres du jeu : certains des plus importants réseaux de distribution (Album, FNAC, Virgin…) s’autorisant à opérer une sélection parmi les ouvrages proposés à la vente par les éditeurs. Le marché du livre privilégiant donc la nouveauté, on assiste à un désintérêt de plus en plus chronique pour le fonds : or, ceci est particulièrement nocif en BD, puisque les séries y pèsent d’un poids très important. Il y a 10 ans, la vente du fonds représentait 60% du chiffre d’affaire total de la BD et les nouveautés 40%, alors qu’aujourd’hui, le phénomène s’est inversé ! Pourtant, les éditeurs tentent de valoriser leur catalogue en multipliant les rééditions sous forme d’intégrales (216 titres, pour 209 en 2005), d’éditions “new-look” (268 titres, pour 228 en 2005) ou de tirages de luxe (71 titres, pour 75 en 2004).
* Maturation des métiers de la bande dessinée : 1325 auteurs assument plusieurs fonctions, ce qui leur permet de vivre correctement de leur métier.
Sans être obligatoirement inscrits comme professionnels, 1325 auteurs (de plus en plus souvent regroupés en studio, avec des horaires fixes et une réglementation adéquate) sont un tout petit peu plus nombreux à vivre, hélas de moins en moins bien, de ce mode d’expression. Pour ce faire, ils doivent avoir au moins 3 albums disponibles et un contrat en cours, ou travailler de façon systématique pour la presse. Ils s’assurent donc, ainsi, un revenu moyen régulier, même si le marché est bien encombré et si le salaire de base est peu attirant : des syndicats professionnels sont d’ailleurs en train de prendre forme pour défendre l’auteur de BD. Parmi ces 1325 auteurs (ils étaient 1322 en 2005), notons qu’il y a de plus en plus de représentants du sexe féminin (134, soit 10,11%, en 2006, pour 121, soit 9,15%, en 2005) et de scénaristes qui ne soient pas également dessinateurs (223, soit 16,83%, en 2006, pour 218, soit 16,49%, en 2005). Pour arrondir leurs fins de mois, certains sont aussi coloristes, lettreurs, maquettistes, responsables éditoriaux, traducteurs, enseignants, illustrateurs, photographes, publicistes… ou même organisateurs de festivals. Notons enfin que les nouveaux champs d’expérimentation, permis par les éditeurs, ne vont pas aujourd’hui sans la nécessité d’une connaissance approfondie des nouvelles technologies pour les auteurs.
Pendant cette année mouvementée, la profession a appris les regrettables disparitions, rien qu’en Europe francophone, de Jean Ollivier (prolifique scénariste pour Vaillant puis Pif Gadget : “Yves le loup”, “Docteur Justice”…), Pilamm (dessinateur d’albums chrétiens), Jamic (dessinateur à Spirou), Jacques Faizant (plus connu pour ses dessins de presse), Kiko (“Foufi” dans Spirou), Jean Roba (le papa de “Boule et Bill”), Bob Mau (dessinateur belge), Pierdec (dessinateur chez Fleurus), Carlos Roque (dessinateur portugais ayant beaucoup travaillé à Spirou), René Sterne (dessinateur d’“Adler” qui travaillait sur un prochain “Blake et Mortimer”)… : certains d’entre eux sont bien oubliés aujourd’hui ! Heureusement, des éditeurs entretiennent encore, coûte que coûte, le patrimoine du 9ème art et, en cette année du centenaire d’Hergé, 133 titres datant de plus de 20 ans, inédits ou introuvables, soit 4,16% des nouveautés (contre 107 et 3,96% en 2005), ont été édités en album. Parmi eux, signalons particulièrement quelques joyaux, mis (ou remis) à notre disposition, de Martial (chez ABDL), Uderzo (chez Albert-René), Mattioli, Gébé et Touïs (chez L’Association), Sirius, Francis et Deliège (chez Le Coffre à BD), Schulz (chez Dargaud), McCay (chez Delcourt), Follet (chez Des Ronds dans l’O), Franquin et Leloup chez Dupuis, Tillieux chez L’Elan, Smythe (chez En Marge), Erik, Gotlib et Bretécher (chez Glénat), Graton (chez Graton), Lécureux, Duval et Forton (chez Hibou), Bottaro (chez Jouve), Melliès (chez Miklo), Michelluzzi, Milazzo, Battaglia et Prado (chez Mosquito), Kirby, Byrne, Pérez, Romita et Davis (chez Panini), Bagge (chez Rackham), Giffey et Pellos (chez Regards), Hernandez (au Seuil), Buscema (chez Soleil), Dimitri (chez Taupinambour), Cézard et Marcello (chez Toth), Gervy (au Triomphe)…
Si ces auteurs, qui ont largement contribué à l’évolution qualitative du support BD, ne sont guère médiatisés, de plus en plus de journalistes s’intéressent pourtant à la question. La plupart, réunis au sein de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée), remettent le Grand Prix de la Critique à un album remarquable paru dans l’année ; en 2006, il a été décerné à “Les petits ruisseaux” de Pascal Rabaté chez Futuropolis. Cependant, l’actualité de la BD est surtout présente dans 16 magazines érudits vendus en librairies (ils étaient 14 en 2005), 101 livres écrits sur la BD (56 monographies, 20 guides pratiques et 25 ouvrages techniques) et sur les 26 plus importants sites informatifs et non commerciaux d’Internet, lesquels sont de plus en plus consultés : si actuabd.com et bdzoom.com ont été élus “Sites BD de l’année” par l’Afnews International Internet Award, les performances de bdgest.com, auracan.com, bdparadisio.com, bdselection.com, bulledair.com, sceneario.com, toutenbd.com, bdtresor.net, labd.cndp.fr, atelierbd.com, bdencre.com, bdcentral.com, bdtheque.com, 1001bd.com, planetebd.com, krinein.com, blam.be, coinbd.com, neuvieme-art.com, clairdebulle.com, bdworld.toutelabd.net, bandedessinee.info, ebookbd.fr ou encore de eurobd.com sont loin d’être négligeables : et Internet n’a pas encore atteint la plénitude de son potentiel et de ses fonctionnalités ! Dans ce contexte de dématérialisation des supports, il est évident que la BD gardera sa place et profitera des opportunités insoupçonnées qui lui seront ouvertes, pour une meilleure mise en valeur de ce qui est devenu, aujourd’hui, une véritable industrie culturelle complètement mature, générant ainsi une création aussi massive qu’exigeante et pointue !
Gilles RATIER
(merci à mes amis de l’ACBD : Virginie François, Brieg F. Haslé, Ariel Herbez, Jean-Christophe Ogier, Denis Plagne et, surtout,Laurent Turpin)