Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...L’envers des planches de…Maurice Rosy {2° et 3e partie)
Au journal « Spirou », Maurice Rosy avait d’autres responsabilités: « J’avais été nommé directeur artistique et j’étais seul à avoir une fonction déter?minée. Monsieur Troisfon?taine m’avait positionné dans ce poste alors que les autres responsables avaient des fonctions de rédacteur en chef sans en avoir le statut, vraisembla?blement pour des raisons financières. Avec YvanDelporte nous discutions , du contenu de « Spirou »au rythme d’une réunion par semaine avec Dupuis.Yvan pouvait s’opposer à mes propositions d’images, ça devenait simplement une question de relations avec Dupuis… »
Après ses. débuts de scénariste de la série « Tif et Tondu » aux côtés du dessinateur Will, Maurice Rosy fut contacté par l’inoubliable Joseph Gillain. « J’ai commencé à écrire l’histoire de« Yucca Ranch », pour la série« Jerry Spring », mais à la ge ou 1Oe planche, j’ai abandonné. Gillain me téléphonait sans arrêt pour me dire qu’il avait changé ceci ou cela! Même les sexes des personnages étaient inversés, la collaboration deÂvenait excessivement diffiÂcile… » Puis, peu de temps après, l’éditeur Dupuis lance « Risque-tout ». Quel fut dans cette éphémère publication hebdomadaire le rôle de MauÂrice Rosy ? « L’aventure n’a duré que neuf mois. A cette époque, j’ai quitté Marcinelle pour Bruxelles.J’étais rédacteur-en-chef de cette publication qui comprenait deux parties: une section rédactionnelle et des BD qui incluaient aussi des planches d’essai envoyées par les lecteurs. Yvan Delporte était omniprésent à cette : époque et nous discutions ensemble du rédactionnel et des planches. Pour les articles de fond, nous étions abonnés aux meilleurs quotidiens américains dans lesquels nous puisions pour trouver des informations originales. Nous avions des prétentions et nous étions peut-être trop en avance. En BD, il y avait aussi de nouveaux dessinateurs et scénaristes au milieu des vedettes en place « . « Risque-tout » était largement rempli avec du matériel de la World Press, mais il contenait des éléments nouveaux. Cet hebdo réussit quand même à réunir les prestigieuses signatures de Forton,Tillieux,Morris,Uderzo,Paape, . Victor Hubinon,Peyo,Franquin, Charlier, etc. et même René Goscinny en tant que dessinateur de « Capitaine Bibobù » Quant au rythme, quel était-il « C’était difficile. Nous travaillions comme si l’on sortait un quotidien nous n’avions qu’une semaine pour préparer le numéro suivant, le tout composé en typo! Nous aurions pu y laisser notre peau! » La saga « Risque tout » dura de novembre 1955 à novembre 1956. La concurrence avec « Spirou » eut raison de ce qui aurait pu devenir un grand classique da la presse BD. Et à l’époque, quelles fonction’ Maurice Rosy remplissait-il à « Spirou! », justement ?
Coiffé de toutes ces casquettes, comment Maurice Rosy portait-il celle de scénariste ? « Dupuis tenait les rênes. Il y avait une sorte de grande feuille jaune qui nous était présentée et qui servait de programmation.
Il prévoyait deux pages de « Lucky Luke » à tel endroit, une page de « Spirou » à tel autre… En fait, c’était lui qui proposait les nouvelles séries. Mais il se trouvait que Dupuis n’avait pas les mêmes » exigences pour Franquin que pour les autres… «
C’est là que Maurice Rosy put profiter d’une grande opportunité: « C’est à cette époque que j’ai proposé à Franquin l’idée du Métamol pour l’album « Le Dictateur et le Champignon ». Il a bien suivi mes indications pour la première partie de l’histoire. Par la suite il est parti dans une direction qu’il considérait meilleure. André Franquin aimait bien avoir une certaine liberté par rapport à un découpage. Par exemple cela lui permettait de dessiner deux images quand je ne lui en proposait qu’une, ou de n’en mettre qu’une quand je lui en prévoyais trois. » Et avec les autres, comment cela se passait-il ? « Dans le cas de Wil » il suivait ma mise en scène de l’image au détail près, c’est d’ailleurs ce que je préférais faire. J’esquissais l’image avec les dialogues, car je n’aimais pas décrire la case! Je n’ai jamais su lire une pièce de théâtre et je n’aurais jamais su en écrire! » Et à un moment où nous fêtons les 40 ans de « Boule et Bill », saviez-vous que notre Maurice Rosy en avait écrit le premier gag… ?
(Ã suivre)
(©) Rosy - Will - Dupuis.
Gilles Ratier Michel Janvier
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