Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« FEIFFER » PAR JULES FEIFFER
Feiffer naît de la splendide intuition de ce que peut produire la bande dessinée dans Îe domaine de l’algarade politique, d’une critique cinglante jusqu’au délire.
-
Sa bande dessinée est tragiquement composée, sans dynamisme; Les visages (le même visage dans différentes poses) apparaissent dans une succession graduelle, hiératique. Il existe une liturgie chez Feiffer, chez cet homme qui déteste la repartie fulminante et qui fait atteindre à ses personnages le but final seulement après une série de vignettes préparatoires, parfois avec des variations presque imperceptibles, l’une par rapport à l’autre et pourtant presque toujours essentielles.
Ce « cartoonist » des plus féroces (les autres prétendus censeurs comme Walt Kelly à côté font rire) a eu une intuition extraordinaire, en se rendant compte que dans un monde bouleversé, pressé, il fallait aller à contre-courant avec courage: la vignette isolée(le gag-cartoon) risquait de faire partie du système, d’être étouffée par la précipitation: il fallait, d’une façon ou d’une autre, saisir le lecteur et l’arrêter pendant quelques secondes, ou mieux quelques minutes devant un problème~: En le faisant ainsi sortir de son genre de:vje habituel pour le transplanter dans une autre vie, presque fabuleuse (au rythme des vieux contes d’antan où tout était ralenti et minutieux, l’éternité un mirage sûr pour tous), en lui octroyant à la fin le coup de massue.
Feiffer, autrement dit, à cause de son manque de confiance en la technique de ses confrères, des dessinateurs de yignettes politiques a adopté pour s’exprimer la technique des » comics » ; les sujets qu’il traite ne sont pas essentiellement politiques, disons plutôt qu’il s’occupe des moeurs. Il ne faut pas prétendre davantage de Feiffer, il ne faut pas lui demander une vision, mais on peut lui demander une interprétation de la vie aux Etats-Unis. Et à ce propos, ses réponses, qui parfois sont tendancieuses, sont toujours persuasives et souvent complètes.
La meilleur Feiffer, en effet, est celui qui attaque violemment la réalité quotidienne et non pas celui qui essaye d’atteindre le paradis des généreuses spéculations intellectuelles qui devraient se transformer en cosmogonie Je suis certain que Feiffer est trop intelligent pour aspirer à l’immoralité et qu’il préfère tenter de donner sa façon: de voir sur l’actualité: une vision qui n’est pas plate. mais interprétative, pleine de post-scriptum sous-entendus: .
Tous les protagonistes de Feiffer sont mitraillés par une polémique unique qui frappe chaque classe américaine, hommes et femmes, riches et pauvres, coursiers et savants, instituteurs et chevaliers d’industrie. Ce n’est qu’en apparence que Feiffer est un fils spirituel du poète Lee Masters dont l’anthologie de , Spoon River est la confession d’une élite d’obsédés, tandis que le complexe facile de ce cartoonist est un produit de masse.
Les poésies de Lee Masters furent découvertes, en effet, par des critiques littéraires d’avant-garde, tandis que les dessins de Feiffer sont critiqués par des historiens, des sociologues et des économistes et en premier lieu par Arthur Schlesinger… Feiffer, en réalité, est de la même race que les Russell et les Kuby; c’est un homme qui comme le philosophe anglais et le journaliste allemand s’est découvert tout à’un coup la vocation du prophète. En réalité le message que ces trois hommes veulent faire parvenir exprime le même son .
Nous ne’ croyons pas que Feiffer se projette trop dans le futur pour établir un diagnostic pessimiste.
Il lui suffit de se servir de ses yeux amers pour conclure, même si parfois, certain d’atteindre le résultat prévu (mais forcer un peu le ton fait partie du métier de critique des moeurs), il altère les termes. Ce qui frappe, de toute manière, ses lecteurs, c’est l’espace vide dans lequel évoluent les absurdes marionnettes de Feiffer, la dimension de la solitude morbide où ils vivent stupéfaits avec leurs têtes extravagantes et fausses, leurs masques d’éternels inadaptés, de névrosés, de cabotins de Pirandello qui jouent un rôle « social », en ne conservant pas le diapason manifestement funèbre, manifestement tragique qui, même dans la folie, ennoblissait les six personnages et leurs frères bourgeois.
Il n’y a rien de plus triste que la suite d’images dans la quelle « Lui et Elle » font connaissance et se lient sans abandonner un instant l’insipide frénésie d’un cha-cha-cha; le tableau d’un milieu qui, aurait-on dit autrefois, a quelque chose de sinistre, Et le tout, cruel et nettement offensif pour n’importe quel homme appartenant à la société actuelle est toutefois délicatement et presque distraitement offert avec quelques signes d’amabilité, ce qui rend encore plus amer, féroce et insupportable de digérer cette pilule.
La force de Feiffer comme dessinateur est égale à celle de Feiffer comme auteur; s’il n’y avait pas. sa griffe simple et très astucieuse dans les portraits caricaturaux et les physionomies déshonorantes de l’écrivain à la mode où tout s’écroule- La vertu la plus claire de Feiffer est son manque de pitié, la complète absence en lui d’un fond accommodant et moraliste. Feiffer ou la vérité. Une vérité. Feiffer est, en effet, un sélectionneur plus qu’une personne qui enregistre; Sur mille photogrammes qui composent une histoire, il n’en voit parfois que six. Et son histoire en ces six moments est très réussie: elle en dit plus long qu’un film en cinémascope.
Jules Feiffer, en ce qui concerne son pays, vaut bien plus que tous les gros traités de sociologie; quand le sujet qu’il a choisi lui plait vraiment, il nous offre, dépouillé de ses chairs, un corps mieux un squelette de notre civilisation; il nous fait sentir te frisson de notre solitude, de nos erreurs. Toujours d’un trait apparemment imprévu et vague, mais qui déchire le papier et la conscience comme la lame d’un rasoir .
2