COMIC BOOK HEBDO n°27 (24/05/08)

Cette semaine, un peu d’Autorité ne nous fera pas de mal…

 


-THE AUTHORITY : RÉVOLUTION t.1 (Panini Comics, 100% Wildstorm).


Avec The Authority, Warren Ellis a créé une série réussissant à actualiser et approfondir l’interrogation si génialement soulevée et développée par Alan Moore dans Watchmen, à savoir : les super-héros sont-ils des fachos ? Quand on lit certains comics, on est en effet parfois en droit de se questionner… Ellis (comme d’habitude ?) a poussé le bouchon assez loin pour qu’on en revienne à se poser à nouveau ce genre de question. Les scénaristes qui lui ont succédé (tous de talent) ont continué à décliner cet univers en utilisant son grand potentiel pour creuser toujours plus la fameuse question, abordant au passage des sujets tabous comme l’homosexualité, la drogue ou la politique véreuse, à tel point que DC Comics (à qui appartient Wildstorm) a freiné la machine pour finalement arrêter la série régulière une première fois avant d’essayer de la relancer sans succès par deux nouveaux volumes, se risquant à quelques one-shots et crossovers, ainsi que la mini-série qui nous intéresse ici.


Bah oui… Parce que dans The Authority, ça boit, ça injure, ça crache, ça fume, ça massacre, ça fornique, ça se came, ça rigole, et puis ça parle. Et les mots dévoilent des velléités de révolution (pas celle dont il est question dans le présent album), accompagnés bientôt de concrétisations de coups de pieds aux culs ultra-violents contre toute la vermine qui dirige le monde. Pour preuve, cette phrase issue d’un épisode signé Millar : « Tu ne peux pas tuer un homme qui tente de sauver la race humaine du Canderel, des Pokemon et de George W. Bush ! » Euh, oui, là, effectivement, on comprend que DC ait un peu flippé…D’ailleurs, la censure frappa quelques dessins représentant le président actuel des Etats-Unis dans des postures peu flatteuses, considérées comme anti-patriotiques aux lendemains du Nine Eleven. Mais The Authority n’a jamais été politiquement correcte. Là où les Quatre Fantastiques dégommaient un vilain pour le neutraliser, Authority décime littéralement les méchants de manière définitive. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette équipe porte bien son nom, et fait preuve d’une autorité toute… autoritaire. Et c’est justement le nœud du problème : l’autoritarisme ne mène-t-il pas obligatoirement cette équipe de super-justiciers absolutistes vers le totalitarisme ? Et qui peut alors enrayer cette escalade vers une justice fascisante ? Who watches the Watchmen ?


 


Je ne vais pas me lancer dans l’historique exhaustif et mouvementé de la série, mais essayer d’en dégager le principal pour celles et ceux qui n’en connaîtraient pas la teneur et qui aimeraient se familiariser avec son univers. Car si vous aimez les comics couillus et intelligents, alors il faut lire The Authority. Vraiment. Je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer tous les albums parus si ce n’est déjà fait, à condition bien sûr d’aimer le second degré lucide. The Authority est une équipe qui est née de la dissolution sanglante de Stormwatch, une organisation de sécurité surhumaine liée à l’ONU. Réunis par Jenny Sparks (l’esprit du XXe siècle), les survivants de la catastrophe se sont regroupés pour former une super-équipe entendant faire régner la paix et la justice par tous les moyens possibles, même les plus ultimes. Ce sont Jack Hawksmoor, Apollo, Midnighter, L’Ingénieur, Le Docteur et Swift. Aux douze coups de minuit du 31 décembre 1999, Jenny Sparks (qui était née en 1900) décède, puis la petite Jenny Quantum, l’esprit du XXIe siècle, naît la première seconde du 1er janvier 2000. Il est vraiment dommage que Jenny Sparks soit morte dès le douzième numéro, car cette jolie blonde fumant comme un pompier et ayant un sacré franc-parler est un personnage assez génial… Mais ce n’est pas le seul personnage incroyable de cette équipe. Il y a aussi L’Ingénieur, une belle créature de chair et de fer liquide, assez portée sur le sexe, et Le Docteur, qui a fondé sa propre religion et ses églises… The Authority serait la version trash d’Ellis de la JLA, avec une réinterprétation de Batman et Superman à travers le couple amoureux que forment les personnages du Midnighter et d’Apollo, mariés et adoptant même un enfant. Bref, une bande dessinée culottée et atypique telle qu’on n’en rencontre que trop rarement. À noter que The Authority est lié dans sa cohérence à l’univers de Planetary, à travers par exemple la Plaie, cette brèche entre les dimensions qui permet à nos héros de se déplacer dans des lieux et temps divers tout autant que variés.


 


Si les premiers épisodes signés Ellis (et dessinés par le talentueux Bryan Hitch) donnaient dans le grand spectacle pur – mais contestataire et outrancier, bien sûr, comme sait si bien le faire cet iconoclaste – avec son lot d’hommages, de violence et d’humour, la série a pris par la suite un tournant de plus en plus politique sous la houlette de l’excellent scénariste britannique Marc Millar (qui lui non plus n’a pas froid aux yeux), somptueusement dessinée par Frank Quitely. Participeront aussi à l’aventure le scénariste Tom Peyer, les dessinateurs Chris Weston, Art Adams, Gary Erskine et enfin Dustin Nguyen que l’on retrouve sur la mini-série Révolution. Le volume 2 de la série (signé Robbie Morrison et Dwayne Turner) eut une durée de vie assez limitée et ne fut pas le plus remarquable. Le volume 3, quant à lui, s’annonçait pourtant bien avec Grant Morrison et Gene Ha aux manettes, mais Morrison a eu beaucoup de mal à boucler ses scénarios, et l’on parlait il y a peu de Keith Giffen pour l’aider à la tâche, dans une optique apparemment moins révolutionnaire que celle des épisodes de Millar ou Brubaker, s’attachant plus au côté grand spectacle des débuts. Serait-ce une nouvelle période difficile pour cette équipe qui apparemment dérange beaucoup trop quand on ne la muselle pas un minimum, ou bien réussira-t-elle à retrouver un vrai espace de contestation sans concessions ? Difficile à dire…


En France, ce sont les éditions Semic qui ont – rappelons-le – été les premiers à éditer The Authority, d’abord en kiosque avant de se lancer dans la publication de cinq tomes couvrant la série jusqu’au cinquième épisode du volume 2 : bravo !!! Joli choix éditorial, assez courageux quand on voit comment les éditions Soleil avaient essayé à la même époque d’éditer les deux séries-phares d’Ellis en albums, sans grand succès (mais aussi sans réelle politique éditoriale). Semic, eux, ont tenu le coup, et ont persévéré assez pour donner à cette œuvre rentre-dedans une vraie chance d’être connue du public français. Quelques années plus tard, lorsqu’on voit l’essor des productions Wildstorm dans nos librairies spécialisées, on ne peut que se dire que le temps leur a donné raison. Mais la roue tourne, et c’est Panini qui a repris le flambeau l’année dernière en publiant le one-shot Humains Malgré Tout et le crossover The Authority-Planetary. Avec Révolution, Panini nous permet de lire aujourd’hui des épisodes ô combien importants dans l’histoire de la série puisqu’ils sont une charnière entre l’avant et l’après point de rupture de la logique et de la légitimité du groupe de super-justiciers. Des épisodes signés Ed Brubaker au scénario et Dustin Nguyen aux dessins, parus en 2004-2005, et dont vous pourrez lire la suite et fin dans le tome 2 à venir.


 


Si je vous ai parlé de tout ça au lieu de critiquer bêtement l’album en question, c’est qu’à part en présenter un résumé en disant que c’est vraiment très très bien, que Brubaker a réussi à donner là toute la puissance du potentiel de l’œuvre, que le récit est passionnant, drôle, touchant, acerbe, explosif, étrange, intriguant, corrosif, sexué, courageux et assez dingue, eh bien je ne pourrais rien vous dire qui ne gâche le plaisir immense qu’on a à parcourir l’album, allant de surprise en étonnement à un rythme de narration efficace au millimètre près. Allez, quand même, le sujet général de l’ouvrage, que diable ! C’est important, tout de même ! Alors voilà : les gouvernements et dirigeants de notre planète ne faisant décidément pas leur boulot de maintien de la paix correctement et la planète étant toujours en proie à des attaques et à des systèmes intolérables, The Authority a fini par prendre le pouvoir, tout simplement, et à appliquer ses propres lois sans aucun ménagement pour les structures et morales en place. Un super putch, en quelque sorte. Mais cette paix imposée par la force et d’une main de fer ne tarde pas à échauffer le peuple qui – mené par quelques méchants à pouvoirs surnaturels – va se révolter contre ce nouvel ordre. Pour pimenter le tout, Midnighter (lors d’un voyage temporel) va apprendre de terribles choses qui vont lui faire prendre une terrible décision. Mais chut ! J’arrête sinon je vais tout déballer ! Bonne lecture, mes petits lapins…


 


 


 


Cecil McKinley

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