Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...COMIC BOOK HEBDO n°24 (03/05/08)
This week, are you on Global Frequency?
-GLOBAL FREQUENCY vol.2 : RADIO-DÉTONATION (Panini Comics, 100% Wildstorm).
Oui, la fréquence est globale. Elle est là. Tout autour de nous. Sur tous les continents, dans tous les pays. De par le monde, 1001 personnes font partie de l’organisation de sauvetage planétaire Global Frequency, prêtes à répondre à l’appel pour des missions apparemment sans issue. Menaces terroristes, biologiques, spatiales, ultra-criminelles, fantastiques ou complètement dingues : là où la situation semble désespérée et échappant à tout contrôle connu, Global Frequency reste toujours en éveil pour envoyer ses meilleurs agents sur le terrain afin d’éradiquer l’impossible… Cette organisation – qui a de gros moyens – fonctionne grâce à deux femmes (ah bah oui, ça remet un peu les choses en place…). À sa tête, nous trouvons la ténébreuse Miranda Zero, qui dirige tout d’une main de fer, avec un sacré caractère et un aplomb qui force l’admiration. Une femme qui en a, comme on dit. Puis vient la charnière centrale de Global Frequency, j’ai nommé Aleph (un hommage à Borges : bravo Mister Ellis !), la « super standardiste » par qui tout le réseau s’articule, en charge de mettre en relation les agents, les informations et les moyens techniques dans une stratégie qui ne souffre pas du moindre écart de lucidité et de réaction pour le succès des opérations. Voilà pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler de cette série.
Panini Comics avait sorti le premier volume de Global Frequency en juin 2007, et beaucoup sont celles et ceux qui attendaient avec impatience ce deuxième volume. C’est donc chose faite, et la lecture de ce deuxième opus apporte beaucoup à l’appréciation de l’œuvre. Non pas que le premier ait été faiblard, ou que celui-ci soit bien mieux que le précédent, non, les deux sont de très bonne tenue, mais ces nouveaux épisodes étoffent les premiers, leur donnent un écho particulier, les complètent par l’affirmation renouvelée d’un esprit en strates tout autant que… global. Et ceux qui comme moi trouvaient que les premiers épisodes de Global Frequency semblaient indiquer qu’on avait là affaire à une série mineure d’Ellis seront bien obligés d’admettre que ce génial vaurien est encore une fois bien plus malin et lucide qu’on le croit, et que cette œuvre se révèle être au fil des épisodes d’une redoutable et jouissive pertinence. Car derrière le visage d’une série d’action entre espionnage et science-fiction se cache un regard sans concessions sur les saloperies qu’est capable d’engendrer la merveilleuse race humaine, mettant l’accent sur l’extrême dangerosité de notre monde actuel et des ignominies qui s’y déroulent sans qu’on n’en sache rien, ou plutôt sans qu’on veuille les voir. C’est du Ellis tout craché, lucide, révolté, outrancier, grand guignolesque, décalé, hilare, écœuré, méchant, désillusionné, et bien sûr plein d’une tristesse qui aimerait hurler vers la lumière. Ellis reste décidément un auteur aussi brillant que nécessaire…
Chaque épisode de cette série est dessiné par un dessinateur différent. Nous retrouvons ici une très belle brochette d’artistes, avec Simon Bisley, Chris Sprouse, Karl Story, Lee Bermejo, Tomm Coker, Jason Pearson et Gene Ha. Pas mal !!! On commence fort avec une menace terroriste plutôt belliqueuse qui semble avoir pour fâcheuse envie de balancer des bombes nucléaires au-dessus des villes comme on irait faire ses courses. Un épisode musclé dessiné de main de maître par un Simon Bisley toujours aussi talentueux et étonnant. Il y a dans son trait ce je ne sais quoi de proprement fascinant ; une sorte de volupté graphique traversée par une expression aussi libre qu’efficace, vénéneuse. Puis nous lirons un épisode dessiné par Chris Sprouse (bien connu des amateurs d’Alan Moore) et Karl Story où Miranda Zero est séquestrée par des vilains méchants pas beaux espérant lui soutirer les codes d’entrée des ordinateurs de Global Frequency : il y a du mouron à se faire ! L’histoire sans titre qui suit est très impressionnante et très réussie ; grâce aux dessins remarquables de Lee Bermejo mais aussi au scénario de Warren Ellis qui laisse ici libre cours à toutes ses folies. Je ne vous en dis pas plus, histoire de garder tout le sel de la découverte. Le quatrième épisode est une outrance à lui tout seul, flirtant avec l’horreur et la parodie, intitulé très justement Superviolence. Sacré Ellis… En signant une telle histoire (où il est clairement annoncé ce que nous allons trouver dans ces pages), l’irréductible britannique lance un pavé dans la mare de tous les censeurs et moralistes, cachant tellement peu son jeu là où les autres officient de manière malsaine et sous-jacente – non assumée à part commercialement – qu’il rend tout jugement vain et irrecevable s’il n’est pas mis en regard de notre société, celle-là même qui affirme rejeter la violence alors qu’elle s’en repaît constamment sans sourciller. Et d’histoire il n’y en a point, contrairement aux autres récits de l’œuvre : nous n’assistons ici qu’à un combat au corps à corps, montant de plus en plus dans la violence, jusqu’à la superviolence. Et un grand éclat de rire pour finir. À noter les dessins sombres et puissants de Tomm Coker qui ne sont pas pour rien dans l’atmosphère très spéciale qui règne ici. L’épisode suivant (dessiné par Jason Pearson) se penche plus profondément sur l’histoire et la personnalité d’Aleph, ce qui fait plaisir, car la « super standardiste » est un personnage très attachant qui suscite bien des intérêts en tant que lecteur (non non, ce n’est même pas à ça que je pensais, vous avez les idées très très mal placées). C’est vraiment un chouette personnage, et ses relations avec Miranda Zero sont piquantes et bien senties. Et on finit avec une histoire dessinée par le grand Gene Ha et mis en couleurs par Art Lyon (tous les autres épisodes sont mis en couleurs par David Baron, un coloriste de grand talent qui réussit à adapter son travail au style de chaque dessinateur avec une facilité et une évidence qu’on ne peut qu’applaudir : c’est remarquable, vraiment). Ce dernier récit est tout aussi dingue que les autres, entre immeuble piégé, satellite meurtrier, ordinateurs fous et projet drastique de régulation de la population : gulp !!! Euh…êtes-vous sur Global Frequency ? J’espère…
Cecil McKinley