PLUS DE LECTURES DU 10 MARS 2008

Notre sélection de la semaine : “ Le combat ordinaire T.4 : Planter des clous ” par Manu Larcenet, “ Johan et Pirlouit : intégrale T.1 ” par Peyo, et “ Groenland Manhattan ” par Chloé Cruchaudet.

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“ Le combat ordinaire T.4 : Planter des clous ” par Manu Larcenet

Editions Dargaud (13 Euros)

Annonçons tout de suite la couleur : le final de ce « Combat ordinaire » est tout à fait à la hauteur de nos espérances ! Entre humour et émotion, dessin « gros nez » et expériences graphiques ou narratives, doutes et sentences tranchées ou tranchantes, cette belle histoire nous donne à réfléchir, à défaut de nous faire rêver d’un monde meilleur ! Se concentrant sur la description du ressenti de ces personnages, l’auteur nous parle de cette accumulation d’imprévus, de coups tordus et de joies insoupçonnées qu’est la vie : et surtout de la sienne bien sûr (par l’intermédiaire de cet éternel « adulescent » photographe qu’est Marco), mais aussi de celles des ouvriers de ce chantier naval qui se meurt et que personne ne pourra sauver. Ainsi, son héros (donc, lui-même, en quelque sorte) grandit en se confrontant systématiquement aux autres : à sa femme (beaucoup plus mûre, plus forte et plus sensée que lui), à sa fille (qu’il essaie, souvent maladroitement, d’apprivoiser), à Pablo le vieux qui a voté FN mais qui continue la grève (alors qu’il peut partir en préretraite avec un an de salaire en bonus), à son collègue journaliste qui titille les CRS en pleine opération (un « con » qui a un fils trisomique de sept ans), à la fille de son voisin qui surgit après le décès de dernier (« La dernière fois que j’ai entendu la voix de mon père, j’avais quatre ans… »), à sa mère, au souvenir de son père décédé, bref à ses racines (« Conneries ! Les racines, c’est bon pour les ficus ! »)… : aux humains, quoi ! Et justement, ici, Larcenet, le provocateur, l’impulsif, le percutant, en profite pour le devenir un peu plus : humain !

“ Johan et Pirlouit : intégrale T.1 ” par Peyo

Editions Dupuis (17 Euros)

Apparu dans le quotidien bruxellois La Dernière Heure, en 1948 (avant d’être ressuscité dans Le Soir, en 1951, pour être repris dans l’hebdomadaire Spirou, en 1952), le jeune page (ou plutôt écuyer car il porte une épée) Johan, qui sera bientôt flanqué d’un pittoresque compagnon nommé Pirlouit, revient sur le devant de la scène par l’intermédiaire d’une réédition bien venue ! Ce volume, rempli de documents rares ou même inédits, regroupe les 3 premiers longs récits parus dans Spirou (où fantastique et humour sont omniprésents, et qui représentent la matrice de l’œuvre à venir de Peyo) : ils nous permettent, ainsi, de redécouvrir (ou découvrir) cette série culte où les « Schtroumpfs » apparurent pour la première fois, en 1958 : il y a tout juste 50 ans ! Les décors commencent à y être beaucoup plus élaborés que dans les premiers essais pour les quotidiens belges, les attitudes y sont plus diversifiées et expressives (les personnages sont toujours en mouvement), les gros plans y alternent avec les plans moyens ou éloignés, le noir y contraste habilement avec des couleurs éclatantes, et la narration y est remarquablement efficace, d’autant plus qu’elle est soutenue par un lettrage irréprochable : on retrouvera d’ailleurs toutes ces qualités essentielles dans les 10 autres longues aventures médiévales de « Johan et Pirlouit », lesquelles ont marqué des générations et des générations de lecteurs ! Décidément, les éditions Dupuis renforcent magnifiquement leur programme de rééditions à travers ces intégrales indispensables à tout amateur ; et comme un bonheur ne vient jamais seul, elles nous proposent aussi le 3^ème tome de l’intégrale « Tif et Tondu » avec 3 épisodes formidables des héros de Will et Maurice Rosy affrontant toujours le mystérieux M. Choc !

“ Groenland Manhattan ” par Chloé Cruchaudet

Editions Delcourt (16,50 Euros)

En retraçant l’expédition au Groenland de Robert Peary, et surtout ses conséquences (en effet, cet explorateur américain ramena quatre Esquimaux pour étudier leur acclimatation à la vie new-yorkaise, en 1897), Chloé Cruchaudet livre ici son véritable premier album de bandes dessinées dans la belle collection « Mirages » de chez Delcourt. Cette jeune lyonnaise n’avait, en effet, réalisé, jusqu’à présent, que quelques petits travaux (dont une courte biographie de Joséphine Baker chez Nocturne et une participation aux « Fables de La Fontaine » chez le même Delcourt). Là, elle nous assène une narration efficace à défaut d’être originale et un dessin expressif à défaut d’être totalement maîtrisé ; et l’ensemble tient formidablement bien la route : le lecteur n’ayant aucune difficulté à s’apitoyer sur le sort du petit Minik, cet Inuit haut comme trois pommes, arraché à sa terre polaire, qui va découvrir une culture étrangère, complètement différente de la sienne. Voici donc des débuts très prometteurs, et un sujet qui ne peut pas nous laisser insensible !

Gilles RATIER

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