Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 4 FEVRIER 2008
Notre sélection de la semaine : “ Un peu avant la fortune ” par Jean-Claude Denis, Philippe Dupuy et Charles Berberian, “ Uchronie(s) : New Byzance T.1 ” par Eric Chabbert et Corbeyran, et “ Le livre des destins T.2 : la métamorphose ” par Frank Biancarelli et Serge Le Tendre.
“ Un peu avant la fortune ” par Jean-Claude Denis, Philippe Dupuy et Charles Berberian
Editions Dupuis (15 Euros)
Le duo Dupuy-Berberian (qui vient d’être consacré à Angoulême) s’est associé à Jean-C. Denis (ici scénariste, cet excellent dessinateur a également été mis à l’honneur ces derniers temps par le «Grand Boum» au dernier festival de Blois) pour un album remarquable sur les affres de l’amour et l’effroi de l’existence : quelques-unes des interrogations existentielles que se pose un improbable gagnant du loto. En reprenant, en introduction de cet imbroglio onirique, quinze pages réalisées, en 2003, pour le collectif «Correspondances» aux éditions Albin Michel (seules les couleurs ont été refaites), ces auteurs confirmés ont concocté un petit bijou ; paru juste à temps pour fêter les 20 ans de la superbe collection «Aire libre» et pour en devenir l’un des fleurons, comme ce fut déjà le cas déjà pour le «Quelques mois à l’Amélie» dû au créateur de «Luc Leroi»… Un détective privé de travail et d’amour, a gagné (en principe…) le gros lot. Noyant sa déprime amoureuse dans l’alcool, le millionnaire virtuel se trompe de ligne de métro et s’embrouille avec des punks qui lui volent son portefeuille avec le ticket gagnant. C’est dans un état second qu’il joue alors à une partie de cache-cache qui tient en haleine le lecteur tout le long des 80 pages de ce suspense comique mélangeant des ressorts classiques à une poésie rédemptrice : d’autant plus que les déboires de cet hypothétique nouveau riche, hanté par les fantômes de sa vie d’avant, permettent aux quatre mains graphiques qui ont donné naissance à «Monsieur Jean» de rompre, par moments, la structure classique de leur ligne élégante, ici particulièrement mise en valeur par la très belle mise en couleurs de Ruby.
“ Uchronie(s) : New Byzance T.1 ” par Eric Chabbert et Corbeyran
Editions Glénat (12,50 Euros)
En entrant dans l’équipe de l’éditeur grenoblois, le sensible et efficace scénariste du «Chant des stryges» et de «Rosangella» propose un nouveau concept ambitieux, autour de trois séries de trois tomes, chacune étant prise en charge par un dessinateur différent : un dixième volume conclura le projet sous forme d’épilogue, tout en offrant une relecture inédite. «Uchronie(s)» s’articule autour de la ville de New York, débaptisée et relookée suivant les éléments historiques intervenants : une formule qui se résume par «Et si telle chose s’était produite hier de telle manière… qu’en serait-il aujourd’hui ?». Ce premier tome du premier cycle décrit un monde tombé aux mains d’un pouvoir religieux fondamentaliste : les souks occupant les ruelles et les minarets côtoyant les buildings. Cette architecture est d’ailleurs fort bien retranscrite par le trait souple, réaliste et maîtrisé, d’Eric Chabbert, lequel lorgne, avec de plus en plus d’assurance, sur le style des plus grands auteurs de comic-books. Et comme le scénario passionnant et bien huilé de Corbeyran se révèle être, en plus, une critique acérée de nos sociétés occidentales modernes (le personnage principal travaille au service de l’appareil étatique en rééduquant ceux qui sont pris en flagrant délit de déviance idéologique, jusqu’au jour où la machine se détraque et qu’il devienne, lui-même, la proie du système qu’il était censé défendre), le lecteur sera d’emblée séduit par ce cauchemar futuriste, tout en espérant que la suite sera du même niveau : mais pour cela, nous pouvons faire confiance au cerveau en ébullition, fertile et organisé, de maître Corbeyran !
“ Le livre des destins T.2 : la métamorphose ” par Frank Biancarelli et Serge Le Tendre
Editions Soleil (12,90 Euros)
Roman, jeune homme légèrement introverti au nom prédestiné, est perpétuellement plongé dans les livres d’aventure, s’identifiant systématiquement aux héros de ses lectures. Il se retrouve en possession d’un étrange ouvrage qui est censé contenir l’histoire de sa propre vie. Deux individus surgissent alors pour lui voler ce sésame. Epaulé par une pétillante journaliste et un baroudeur de série B, notre lecteur impénitent, que l’on retrouvera affreusement brûlé dans ce 2ème opus, tente alors de récupérer l’ouvrage dérobé, partant ainsi à la recherche de son futur et entrant, de force, dans la vraie vie, par l’intermédiaire de sa passion… Cela faisait quatre ans que l’on attendait la suite de ces aventures situées en plein dans les troubles de l’entre-deux-guerre et qui sont dignes de celles vécues par un «Indiana Jones». Et, une fois de plus, nous ne sommes pas déçus par le savoir-faire du scénariste de «La quête de l’oiseau du temps» et de «Chinaman» (malgré quelques stéréotypes peut-être un peu trop appuyés) : ce dernier nous faisant évoluer, sans cesse, entre imaginaire et réalité. Quant au dessinateur de «Galfalek», il illustre ce passionnant triptyque avec un style semi-réaliste dynamique, parsemé d’aplats noirs du meilleur effet, où l’on sent qu’il est très influencé par
Gilles RATIER