Oui, oh, je sais, le printemps est déjà derrière nous (quoi que… quand on regarde par la fenêtre, l’été ne fait que commencer). Mais ne nous laissons pas démonter, et profitons de cette période encore un peu perturbée quant au timing de votre chronique préférée pour tirer une sorte de synthèse de ce qu’il faut retenir en sorties incontournables de ce deuxième trimestre 2007. Toutes ces parutions sont bien évidemment encore disponibles dans les rayons de vos librairies, et il y a du bel ouvrage, croyez-moi ; si ce n’est encore fait, jetez-vous à corps perdu sur certains d’entre eux, vous ne le regretterez pas. Côté kiosque, il se passe aussi des choses passionnantes depuis quelque temps (j’y consacre une chronique entière, à voir sur ce site).
Bonne lecture à vous, fidèles internautes qui n’êtes pas tous à la plage… Et rassurez-vous, vu le nombre d’ouvrages chroniqués ci-dessous, j’ai tenté de faire court. Hum … Oui, bon… Vous n’avez qu’à seulement lire les critiques des titres qui vous intéressent, après tout…
DEPUIS AVRIL
-SANDMAN vol.6: FABLES & REFLECTIONS (Panini Comics, Vertigo Cult).
On commence donc avec un chef-d’œuvre… Panini continue l’édition de ce monument du 9e art, grand bien nous fasse. Au Salon du Livre, à Paris en mars dernier, Neil Gaiman me confiait qu’il ne comprenait pas pourquoi en France il semblait si difficile d’éditer ce qu’il faisait en tant que scénariste de comics. C’est vrai qu’entre un Sandman toujours inachevé en terme de publication plus de dix ans après son achèvement, un sublime et génial Signal to Noise tout simplement jamais sorti en France, et d’autres créations n’ayant trouvé preneur que chez des « petits » éditeurs, il y a de quoi se poser des questions sur le pays de la Culture et des Arts… À propos de Signal to Noise (une œuvre majeure réalisée il y a déjà bien longtemps), les merveilleuses éditions Au Diable Vauvert sembleraient envisager de publier cette création l’année prochaine : bravo bravi brava ! Je vous en reparlerai bien évidemment le moment venu… Pour l’instant, revenons au Marchand de Sable.
Ce sixième volume de Sandman est encore une fois un véritable voyage initiatique à l’intérieur même du médium « bande dessinée ». La narration reste de haut vol, nous entraînant dans des méandres profonds d’où l’on ne peut ressortir que bouleversé, choqué, charmé, interloqué. La profonde originalité de cette œuvre continue de percer notre voile d’habitude pour y insuffler un venin tout particulier, en écho à notre monde invisible. Une grande lecture, de grandes émotions, un grand moment : que vous dire de plus ? Il est hors de question que je vous dévoile quoi que ce soit des histoires ici narrées, je vous apporterai donc juste quelques précisions. Le présent volume constitue une petite exception dans l’édition de la série en trade paper books, puisqu’il est constitué de plusieurs histoires éparses ou cycles courts publiés en comic books à intervalle. Ainsi, l’album s’ouvre sur Fear of Falling, une histoire courte publiée en 1992 dans Vertigo Preview #1, dessinée par le géniaaaal Kent Williams. Une petite merveille, un bijou, fort, beau, métaphysique. Le dessin et la mise en page sont tout simplement magnifiques. Vous pourrez lire aussi deux trilogies qui entourèrent la publication de A Game of You: Distant Mirrors (Sandman #29 à #31) et Convergence (Sandman #38 à #40). Enfin, une histoire reliée à Distant Mirrors : Ramadan (Sandman #50, oui, je sais, c’est un peu compliqué) et l’époustouflant Song of Orpheus, un épisode de 48 pages traversé par le trait étrange de Brian Talbot et paru dans The Sandman Special #1 en 1991. À part Williams et Talbot, nous retrouvons évidemment plusieurs dessinateurs sur le titre, comme il se doit. Certains fidèles, comme Jill Thompson, Shawn McManus, P. Craig Russell, et d’autres invités tels John Watkiss, Stan Woch et Duncan Eagleson. Passionnant. Incontournable. Sans appel. Merci pour tout.
-PLANETARY vol.3 (Panini Comics, 100% Wildstorm).
Pour celles et ceux qui me lisent sans me porter aucun crédit en la matière (et dans une optique non dissimulée de vous faire acheter ce livre coûte que coûte), je m’efface bien volontiers derrière un certain Alan Moore qui écrivit un jour sur Planetary : « Vous tenez entre vos mains le comic grand public du nouveau millénaire. À une période où beaucoup de séries se sont essoufflées dans la fange à force de ressasser les mêmes histoires, ou titubent sans même l’ombre d’un plan cohérent, Planetary brille d’une fraîcheur toute personnelle. À chaque page, les neurones explosent en structures nouvelles et passionnantes. Planetary condense en un flocon astral sculpté comme un joyau tout ce que les comics pourraient être. Lisez Planetary et prenez votre pied avec un comic remarquable, produit d’un moment remarquable. Et pensez grand, pensez Planetary. » Je ne savais pas qu’il faisait d’la pub, Moore… Presque dix ans après les débuts de cette série, les mots de Moore sont toujours aussi vrais quant à la nature et la qualité de cette œuvre toute particulière (mais Warren Ellis sait-il faire autre chose que des œuvres toutes particulières ?). Car c’est bien de Warren Ellis dont il est ici question, Ellis qui décidément reste un conteur et un scénariste d’une originalité et d’une intégrité remarquables. On va encore croiser ce nom d’ici la fin de la chronique, car Panini semble enclin à éditer une bonne partie des œuvres de cet anglais déjanté et puissant, et ça c’est carrément génial. Alan Moore a complètement raison : Planetary réussit le miracle de pouvoir renouveler toute une culture de la science-fiction en restant néanmoins tellement fidèle aux mythes profonds de celle-ci que la série apparaît comme étant déjà un grand classique, mais incontrôlable, prenant des chemins de traverse hallucinants. Ellis réinvente à chaque page les préceptes de la SF et du fantastique pour décaler nos attentes et en tirer des trouvailles pour le moins surprenantes. C’est imaginatif au possible, déconcertant, souvent drôle, toujours jouissif, sarcastique à souhait, bref, du grand Ellis, ne manquant jamais de nous amener à une réflexion non formatée sur la société humaine…
Planetary met en scène les membres de l’organisation homonyme, richissime, qui s’emploie à combattre des dangers surgissant à différentes époques, en différents lieux, souvent issues d’autres dimensions. Ils explorent les faces cachées d’un monde complexe en constant déséquilibre, dans un esprit très décalé. Nous retrouverons donc avec bonheur dans ce troisième volume le glacial et paranoïaque Elijah Snow, la percutante et superbe Jakita Wagner, et le bizarre Le Batteur pour des aventures aussi diverses qu’inattendues. Quel rapport y a-t-il entre Sherlock Holmes, des monstres allemands, Dracula, une race extra-terrestre pour qui décimation = rangement, les divinités ancestrales d’Australie, une guerrière chinoise, une jungle où réside une grande technologie, et Jules Verne ? Eh bien tout simplement ce troisième volume de Planetary. Autant vous dire que vous vous préparez de biens chouettes moments de lectures, les gars et les filles… Et puis n’oublions pas le dessinateur, quand même… et quel dessinateur ! John Cassaday réalise des images de toute beauté, puissantes, fines, d’un trait qui prend réellement corps dans une évidence esthétique pleine de nuances. Depuis les premiers épisodes de la série, Cassaday a fait des progrès énormes. C’est superbe. Vos paupières sont lourdes, vous n’écoutez que ma voix, allez acheter cet album…
-SEVEN SOLDIERS OF VICTORY vol.2 : LES TROIS JOURS DU MORT (Panini Comics, DC Heroes).
Je vous avais déjà longuement parlé avec intérêt de cette œuvre lorsque le premier volume était sorti (voir la chronique « Super-Héros de janvier 2007 » si vous voulez tout savoir sur la série). Je ne pourrais donc vous dire plus de choses engageantes ici afin que vous vous penchiez sur la chose, à part que toute création de Grant Morrison mérite un large détour. Ici, il continue le travail entamé afin de réhabiliter certains héros totalement oubliés de l’univers DC en leur offrant non pas un retour en tant qu’équipe traditionnelle, mais bien un retour marquant l’occasion d’aborder les thèmes super-héroïques d’une autre manière, essayant d’ouvrir les logiques habituelles à de nouvelles possibilités, dans une création chorale. Shining Knight, Guardian, Bulleteer, Mister Miracle, Klarion, Frankenstein et Zatanna vous espèrent, mes petits chéris. Ne les faites pas trop attendre, voilà déjà si longtemps qu’ils ne connaissaient plus l’étrange sensation d’être imprimés et admirés (Ahhhh, Zatanna…). Les artistes de la série sont toujours Bianchi, Stewart, Sook et Irving. Chouette !
-CRISIS ON INFINITE EARTHS (Panini Comics, DC Absolute).
Crisis on Infinite Earths ? Mais madame, c’est tout simplement le plus grand raz-de-marée qu’ait connu l’univers classique de DC ! Une révolution ! Une déflagration ! Au milieu des années 80, l’univers général des super-héros comptait de plus en plus de réalités parallèles, de dimensions en interaction, de possibilités plus folles les unes que les autres, si bien que les rédacteurs et les auteurs – chez Marvel comme chez DC – ne s’y retrouvaient plus vraiment dans les dédales qu’ils avaient eux-mêmes créés. Chez DC, le foutoir était devenu si important qu’il fallait absolument tout remettre à plat afin de pouvoir offrir un avenir cohérent aux stars de la maison. Pour ce faire, il fallait bien l’envergure de deux grands auteurs de comics comme Marv Wolfman et George Pérez afin que l’entreprise soit réellement effective et non pas gratuite. S’ensuivirent douze épisodes d’anthologie publiée en 1985 où les fans eurent le souffle coupé à maintes reprises tant la tension et les rebondissements catastrophiques étaient assourdissants, le tout porté par le trait précieux et puissant de Pérez, un décidément très grand artiste. Crisis on Infinite Earths permit donc de se débarrasser de la logique des Terres multiples qui avait depuis bien trop longtemps sévit (en profitant au passage pour se débarrasser aussi de certains personnages), ouvrant ainsi une nouvelle chronologie pour les super-héros DC. Impossible de passer à côté de cette œuvre pour tout amateur digne de ce nom, vous l’aurez compris. Panini réédite donc ce monument, dans une luxueuse présentation sous coffret, un must, un incontournable. Le résultat ? C’est beau, mais c’est cher. Mais c’est beau. Mais c’est cher. Mais c’est beau.
-SUPERMAN L’HOMME D’ACIER vol.2 (Panini Comics, DC Anthologie).
John Byrne adore revisiter, fouiller, réinventer, rendre hommage au monde des super-héros. Qu’on se souvienne lorsqu’il avait repris Fantastic Four : on sentait qu’il jouissait vraiment lorsqu’il redessinait dans la « logique Kirby » les souvenirs de certaines situations issues du Silver Age. Lorsqu’il entreprit d’inventer les épisodes des X-Men qui auraient dû paraître au lieu des rééditions à la suite du passage de Neal Adams sur la série à la fin des années 60 (The Hidden Years), on sent bien dans ses dessins et ses mises en page que l’hommage au travail du géant Adams est évident, jusqu’au choix de l’encreur puisque Tom Palmer su faire écho à la puissance de Neal Adams sur les crayonnés de Byrne. Qu’on se souvienne enfin du travail qu’il fit en réarticulant les premiers épisodes de Spider-Man selon sa sauce respectueuse (Chapter One). Bref ! Byrne ne put s’empêcher de revisiter à son tour la mythologie de Superman lorsqu’il arriva chez DC en 1986, dans un style enlevé, plus proche de celui employé pour Next Men que de celui des X-Men. Après un premier opus édité chez Semic en 2001 et que Panini a réédité, voici donc aujourd’hui le second volume, signé Marv Wolfman et Jerry Ordway (pas mal !) avec toujours John Byrne aux pinceaux, et c’est une bonne nouvelle pour tous les admirateurs de ce grand dessinateur qui s’endort parfois sur ses lauriers mais qui reste toujours passionnant.
-LES ENQUETES DE SAM & TWITCH vol.2: TEL PERE TELLE FILLE (Delcourt, collection Contrebande).
Les deux flics issus de Spawn continuent à faire couler l’encre, une encre noire, désespérément sombre, où l’humour ne s’amorce que pour ne pas trop péter les plombs. Deux flics. Deux personnalités. Deux antinomies. Deux amis. L’un gras du bide, à l’humour « spécial » et aux réactions sanguines. L’autre maigrichon et binoclard, pince-sans-rire et redoutable tireur d’élite. Improbable couple, et pourtant ces indispensables différences donnent tout son sel à leur collaboration. Sam et Twitch n’auraient pu être que des Laurel et Hardy de seconde zone au sein d’une série flamboyante ; ils sont devenus des premiers rôles à part entière, trimballant avec eux leurs histoires et leurs enquêtes dans une plongée brute de l’âme humaine, avec tous les bonheurs et les saloperies que cela implique. Sam & Twitch est même devenue une série importante dans le récent renouveau du polar en comic books. Et c’est justifié. Sam & Twitch évite les clichés. Sam & Twitch nous fait regarder le monde avec plus d’acuité. Sam & Twitch triture en nous des choses intimes ou/et dérangeantes. Les Enquêtes de Sam & Twitch, toute de gris vêtue, est la nouvelle série consacrée à nos chers deux flics, le premier volume étant déjà paru chez Delcourt fin 2005. Ce nouvel opus est tout simplement prenant. Meurtre d’enfant star, pédophilie, marasmes humains, enquête éprouvante… rien n’est là pour nous heurter ni nous épargner, il n’y a que cette p… de vie et les salopards qui la traversent, mais aussi de belles âmes qui continuent d’espérer sourire encore. Marc Andreyko signe ce scénario difficile, illustré par Greg Scott et Rodel Noora. À lire, assurément, évidemment…
-MOON KNIGHT vol.1 : LE FOND (Panini Comics, 100% Marvel).
Quand j’étais gosse j’adorais ce super-héros énigmatique et immaculé. Cet album annonce la résurrection de ce personnage un peu trop vite oublié. Voici donc son grand retour, qui se fait sous les meilleurs auspices puisque c’est par la plume de Charlie Huston – un écrivain de thriller récemment venu aux comics – qu’il revient hanter les nuits de notre monde moderne en proie au stupre et au crime. Les dessins de David Finch sont très beaux, sachant explorer les nécessaires zones d’ombres et de lumières inhérentes à l’esprit de cette création. Du bon, du beau.
-Y : LE DERNIER HOMME vol.4 : STOP/ENCORE (Panini Comics, 100% Vertigo).
Suite de l’édition de cette série dont je vous ai déjà dit beaucoup de bien. Brian K. Vaughan et Pia Guerra continuent d’explorer le concept redoutablement efficace de cette création à suivre assurément… La maquette de ce comic book est décidément très réussie.
-NEXTWAVE vol.1 : RENDEZ-VOUS AVEC LA H.A.I.N.E. (Panini Comics, 100% Marvel).
Revoilà ce sale gosse de Warren Ellis qui vient cette fois distiller son poil à gratter chez Marvel. Ça ne lui a pas suffit de dynamiter les esprits chez Vertigo ou Wildstorm, il lui fallait aussi la Maison des Idées ! Eh bah tant mieux ! Parce que c’est l’occasion de se marrer un peu, nom de d’là ! Nextwave est une parodie sans concession et assez mordante de tout ce qui constitue le récit de super-héros, jusque dans ces clichés les plus craignos, n’épargnant que peu de choses… Nextwave est un groupe issu d’une organisation appelée H.AT.E., et composée de Monica Rambeau (une ex-Vengeur monomaniaque et prétentieuse), Machine Man (un androïde proche du robot ménager), Elsa Bloodstone (une poupée Barbie assez agressive), Meltdown (une mutante explosive venue d’X-Force), et enfin, cerise sur le gâteau, de Captain, un surhomme aussi bête que défoncé et qui a répondu un certain temps au doux nom de Captain Fuck. Tout un programme ! Ils devront combattre un dragon habillé du slip de Hulk, un flic se transformant en robot transformer moustachu, et déjouer un complot mettant en jeu des armes de destruction massive. Le tout avec une bonne dose de débilité qui fait plaisir à lire, nous offrant une pause bien méritée dans un monde de comics qui certes est passionnant et de plus en plus mature, mais qui se prend peut-être parfois trop au sérieux (difficile de faire autrement quand on propose des histoires aux dimensions de plus en plus adultes). Heureusement, quelques dingues comme Ellis, Morrison, Sam Keith ou Moore continuent de rester sauvages et fiers et permettent par leurs créations d’entretenir un recul critique sur le milieu et ses publications mais aussi et avant tout sur le monde, dans une position de contre-pouvoir toujours plus nécessaire. Les dessins de Nextwave sont assurés par un Stuart Immonen en grande forme.
-ULTIMATE SPIDER-MAN vol.1 : POUVOIRS ET RESPONSABILITES (Panini Comics, Marvel Deluxe).
La belle collection Marvel Deluxe accueille l’une des plus remarquées des séries Ultimate, j’ai nommé Ultimate Spider-Man, écrite par le grand Brian Michael Bendis et dessinée par Mark Bagley. Inutile que je vous refasse un topo dithyrambique sur Bendis, je vous ai déjà assez cassé les oreilles avec ça, mais force est de constater que cette série a bénéficié du talent de cet excellent scénariste, sachant réinventer Spider-Man avec toutes les audaces et les coups de génie qu’on lui connaît. Ce premier volume reprend les treize premiers épisodes de la série, agrémentés de bonus inédits qui devraient ravir tous les fans. Une vraie réussite pour moderniser Spider-Man sans le trahir. Allez les jeunes, let’s go to the spider web !
DEPUIS MAI
-ASTRO CITY : DES AILES DE PLOMB (Panini Comics, Wildstorm Anthologie).
Steeljack est vieux. Steeljack est fatigué. Steeljack sort de prison. Mais Steeljack a des pouvoirs le rendant quasi invulnérable. Quand il retourne dans son ancien quartier où l’attend un quotidien pétri de crime en sous-jacence et qu’on lui propose de retrouver celui qui assassine des super-vilains de bas étage, il finit par accepter, car il n’a que peu de choix de vie… Voilà le tableau général de cette œuvre superbe, intelligente, sensible, magnifique, qui rend hommage à l’univers du Silver Age avec originalité et talent. Un album entièrement traversé par l’esprit d’une époque, dont la lecture donne des sensations proches de celles ressenties en se replongeant dans un bon film noir… Il y a ici autant de polar que de SF, et une bonne dose d’humanité lucide. C’est l’excellent Kurt Busiek qui en signe le scénario, un scénario fin au découpage très efficace, construit comme une vieille mécanique qu’on restaure avec amour et passion. En ce qui concerne les dessins, c’est Brent Eric Anderson qui s’y colle. J’aime beaucoup Anderson. Sûrement parce que – comme beaucoup – j’avais été très impressionné par son travail sur les X-Men avec Dieu Créé, L’Homme Détruit. Ici il officie avec une puissance sensible remarquable, instaurant un climat esthétique de tout premier ordre. Et, cherry on the cake, c’est l’immense Alex Ross qui a réalisé les couvertures, et Frank Miller qui signe l’introduction. Cet album vous présente la saga Astro City dans son intégralité, ne le loupez pas ! Rien que pour la couverture, somptueuse…
-FANTASTIC FOUR : L’INTEGRALE 1966 (Panini Comics).
Stan Lee. Jack Kirby. Fantastic Four. 1966. Croyez-vous que cela soit vraiment nécessaire que j’aille plus loin dans l’argumentation pour vous dire que ne pas se procurer cet album est tout simplement inenvisageable pour tout réel amateur de comics ? Je ne le pense pas. Fin du débat.
-THE QUITTER (Panini Comics, Vertigo Graphic Novel).
Dans le courant de cette année, Panini devrait vous proposer la série American Splendor d’Harvey Pekar (vous savez, il en a été tiré un film homonyme, réalisé en 2003 par Bernam et Pulcini). The Quitter (Le Dégonflé) revient sur une période de la vie de Pekar plus ancienne, celle où il était un gosse arrogant mais peu volontaire, avançant dans l’adolescence malgré les obstacles qu’il n’arrive pas à surmonter. Un récit très autobiographique et très intime, illustré par Dean Haspiel.
-BATMAN : GOTHAM COUNTY LINE (Panini Comics, DC Icons).
Je n’ai pas vu cet album de Batman, mais la couverture est vraiment très belle et donne envie d’aller y voir de plus près… Ce sont Steve Niles et Scott Hampton qui s’y collent, et le très talentueux et sensible José Villarrubia qui réalise les couleurs. À découvrir, donc !
DEPUIS JUIN
Les cinq premiers albums chroniqués de juin sont destinés à un public de « lecteurs avertis ». Signe que Panini s’ouvre de plus en plus aux œuvres destinées aux adultes, que le monde des comics est réellement en train de prendre un nouvel essor dans des registres émergeants, permettant des formes d’expression et de langage très intéressantes. Un constat plus que positif.
-TRANSMETROPOLITAN vol.1 : LE COME-BACK DU SIECLE (Panini Comics, Vertigo Big Books).
Tiens, quelle surprise ! Un album de… Warren Ellis ! Mais pas n’importe lequel. Attention attention, cet album est une bombe, un délire pur, une Œuvre Vénéneuse Non Identifiée, un coup de pied au cul magistral, un bras d’honneur à tout ce qui nous entoure et nous avilie de manière nauséabonde. Un coup de poing dans la gueule des cons et du fascisme mou. Une vision ultra lucide et féroce et sans concessions de la merde de l’homme, traitée avec un humour et une ironie paroxysmiques. Oui, je sais, je deviens un peu grossier, mais comment ne pas l’être en parlant de ce brûlot génial et très provocateur ? En écrivant cela, je suis tiraillé entre deux réflexions : est-ce génial qu’Ellis puisse aller aussi loin dans le contre-pouvoir et être édité à une époque où le politiquement correct supplante tout le reste, ou bien est-ce lamentable qu’aussi peu d’auteurs aient le courage de dénoncer l’inadmissible qu’on nous impose comme étant la seule vérité possible à vivre..? Peut-être les deux… Cette œuvre a dix ans et toutes ses dents, des dents plutôt acérées qui aujourd’hui encore n’ont rien perdu de leur mordant : la lecture de Transmetropolitan reste un grand moment de révolte acide. Warren Ellis n’est pas un bon scénariste, c’est un scénariste NECESSAIRE, INCONTOURNABLE, GENIAL. Une œuvre comme Desolation Jones, pour ne citer qu’elle, est une des bandes dessinées les plus belles, les plus bouleversantes, les plus profondes qui aient été créées depuis longtemps, articulant des valeurs humaines devenues inaccessibles dans le grand maelström de notre quotidien perverti par la violence ordinaire et le fascisme qui ne dit pas son nom. Non seulement il est important qu’Ellis existe et crée, mais il est primordial pour l’avenir de la bande dessinée que ce genre d’auteur entier continue d’imposer par ses publications une présence indispensable face à la facilité mercantile – et l’endormissement des consciences qui en résulte – que peuvent prendre les maisons d’édition si elles se laissent trop happer par la logique capitaliste d’une uniformisation de la pensée. Houla, je vais revenir tranquillement à la critique du bouquin, moi…
Qu’est-ce donc concrètement que ce Transmetropolitan ? Une suite d’épisodes de la vie de Spider Jerusalem (le nom du héros est déjà tout un poème), journaliste cynique, violent, grossier, outrancier, retors, impulsif, vulgaire, etc, etc… Un sale type, sûrement. Mais à y regarder de plus près, l’un des seuls (le seul ?) qui ose dire et écrire ce que plus personne n’ose dire et écrire, un sale type qui s’élève contre les saloperies de notre société pendant que les autres ne savent plus faire autre chose que subir. Quitte à enfoncer le bouchon dix milliards de fois trop loin, Spider Jerusalem exulte à balancer des pavés dans la mare aux connards. Politiciens pourris, masses aux consciences atrophiées, médias, religions, aliénation sociale, avancées technologiques perverses, mœurs, argent : tout est passé à la moulinette avec une rage et une joie tout simplement jouissives. On rit beaucoup, on réfléchit souvent, on est toujours embarqué. L’outrance d’Ellis permet à cette création iconoclaste d’amener différents degrés de lecture, et donc de disséquer le propos avec un recul nécessaire et un humour empêchant toute ambiguïté quant à la nature de ce qu’on lit. Seule manière de combattre en échappant aux écueils attendus pour se faire descendre en flammes ? Sûrement… Mais vous verrez quand vous serez en train de lire cet album, ça va loin, chers internautes. Une vraie bouffée d’oxygène réparatrice de nos usures, un vrai coup de sang dans l’échine du lecteur, un truc qui donne envie de se lever dignement tout en déconnant.
Les dessins de Darick Robertson sont vachement chouettes, collant complètement au concept d’Ellis puisqu’ils arrivent à être à la fois puissants, horribles, drôles et réalistes : une collaboration parfaite ! Robertson est encré par six encreurs différents, mais l’ensemble reste des plus cohérents, dans une précision vraiment impeccable. Au fil des pages, on rencontrera quelques personnages forts ou attachants, comme Shannon, la strip-teaseuse au physique de rêve et au langage outrageant devenue un temps l’assistante de Spider, ou l’agent Stomponato, un gros chien borgne et castré qui veut la mort du même Spider. On verra aussi sans être dupe que l’apparence de Spider Jerusalem avant qu’il revienne à la ville après des années de vie d’ermite, arborant une barbe et une crinière des plus impressionnantes, fait furieusement penser à Alan Moore ; d’ici à ce que ce comic soit un hommage au lion anglais, il n’y a qu’un pas, vite franchi quand on est aussi britannique. On découvrira enfin avec… curiosité ( ?) une nouvelle arme : un flingue spécial qui dérègle les intestins de celui qu’on vise, de la petite fuite à la colique submergeante selon le réglage de l’appareil. Hum. Bon ben après ça, je ne vois plus grand-chose à ajouter… Ah si ! Vous pourrez admirer en fin de volume les belles couvertures qu’a faites Geoff Darrow (eh oui !) pour le titre. Je vous envie, vous qui allez découvrir ce comic… Attachez vos ceintures et allumez votre cigarette…
-MARVEL ZOMBIES vol.1 : LA FAMINE (Panini Comics, 100% Marvel).
Voici encore un album à ne pas louper, les ami(e)s ! Mais le « encore » peut sembler hors de propos quand on a entre les mains cet ouvrage assez surprenant et pour tout dire ébouriffant ! Une vraie curiosité, un vrai décalage dans nos lectures Marvel habituelles : l’incursion de l’horror dans le monde fantastique des super-héros. Un mélange des genres réussi, même très réussi ! L’invention de ces « Marvel Zombies » s’est faite en 2005 dans le titre Ultimate Fantastic Four #21, et nous la devons à l’excellent scénariste Mark Millar, illustré par l’excellent dessinateur Greg Land. Les Ultimate FF avaient alors rencontré sur une Terre parallèle une population zombifiée, super-héros compris, par un virus extra-terrestre. La puissance d’évocation des dessins très réalistes de Greg Land avaient fait sensation, et c’est vrai que c’était sensationnel. Au point que le rédacteur Ralph Macchio envisagea une suite à ce concept de super-héros zombies. Son choix se porta sur Robert Kirkman, un jeune scénariste qui avait déjà donné dans le mort-vivant puisqu’il avait scénarisé la série Walking Dead (publiée chez Delcourt depuis début juin, voir ci-dessous). Kirkman accepta de travailler sur le projet, à la seule condition qu’il puisse créer tout ce qu’il voulait sans la moindre censure afin de faire un vrai récit d’horreur reprenant ses codes de noblesse dans des situations et des actes parfois choquants, et au-delà. Eh bah on n’est pas déçus. Kirkman a créé un vrai récit de zombies, avec l’horreur, l’humour et le second degré inhérents au genre, fleurant bon les classiques des sixties…On rit, on a peur, c’est du Grand Guignol et ça fait du bien ! Kirkman ne s’est pas enfermé dans la mode actuelle du gore-spectacle et de l’ultra-violence qui ne veut plus rien dire, il a su aller au-delà en allant creuser l’intellect et ces fameux codes classiques de l’horror pour en tirer une création tout à fait pleine de sens même si elle est là avant tout pour nous divertir. Il y a même très souvent des idées vraiment classes, comme le moment où Hulk dévore une jambe de Magneto et – une fois redevenu Bruce Banner – voit son ventre être transpercé par ce mets maintenant trop grand pour lui. Ou bien les nombreux démembrements ou mutilations survenant dans un esprit délibérément comique.
J’avoue qu’au départ, étant tellement fan des dessins de super-héros zombies réalisés par Greg Land, j’ai eu un petit mouvement de recul en voyant les dessins de Sean Phillips : moins réalistes, plus bruts. Mais finalement ce n’est qu’une réaction un peu idiote, car une fois le nez dans l’album, on apprécie vraiment le trait sombre, fort, sans ambages, de ce dessinateur inspiré. Son trait va droit au but, arrive à exprimer et expliciter des événements compliqués à mettre en scène sans qu’on soit dans le trop ou le trop peu, et remplit finalement complètement sa mission puisque son sens des contrastes par le trait et le pinceau font de cette œuvre une vraie perle contemporaine, mais aussi un magnifique hommage à toute une culture populaire qui donna des frissons aux fans des années 50 et 60. Vraiment, bravo !
Dernière chose, et non des moindres ! La présence du gigantesque Arthur Suydam sur le titre (les amateurs de SF et de fantastique connaissent bien évidemment cet artiste magnifique qui a déjà commis d’innombrables couvertures merveilleuses). N’ayons pas peur des mots : les couvertures que Suydam a réalisées pour Marvel Zombies sont proprement ahurissantes, sans aucun doute un de ses meilleurs travaux jamais réalisés. Non seulement Suydam a exécuté ces couvertures dans le style hyperréaliste qu’on lui connaît, à la peinture, mais en plus il a repris les compositions de certaines des couvertures les plus emblématiques de l’univers Marvel pour les transformer en images d’horreur. Le résultat ? Il n’y a pas de mot. C’est tout bonnement extraordinaire. Fascinant. Génial. Fabuleux. À se rouler par terre. Panini a eu la bonne idée de mettre en fin d’album les onze couvertures réalisées par Suydam pour les différents tirages de cette mini-série. Onze merveilles. Onze œuvres d’art. Onze euros. Au train où va le marché de l’art, c’est un bon investissement.
-100 BULLETS vol.4 : DOS ROND POUR LE DARON (Panini Comics, 100% Vertigo).
Azzarello et Risso sont de retour, et nous offrent un nouvel opus noir et flamboyant de 100 Bullets. C’est toujours aussi beau, aussi vrai, aussi désespéré et humaniste. En lisant le résumé de l’histoire (ce qu’il advient à un jeune noir partant sur les traces de son père inconnu, un vieux looser acoquiné avec la mafia du coin), on se dit qu’on va nous rebalancer tous les bons vieux clichés dans un genre d’histoire très à la mode depuis un certain temps. Eh bien encore une fois le talent combiné d’Azzarello et Risso transcende tout ça et va explorer des réalités et des ressentis d’une force de vérité si évidente qu’on a l’impression de côtoyer à chaque case l’intime noyau de vie de chacun des personnages, nous éloignant définitivement du simple récit dessiné. Il y a une densité humaine véritablement confondante dans cette œuvre. « Disséquer l’âme humaine », c’est bien ça qu’on dit, non ? Voilà ce que fait Azzarello, et par son regard rempli d’acuité, par les contextes aussi simples que profonds qu’il installe, par son sens aigu de ce qui anime l’être humain, il ne peut que nous toucher. Et quand vient le dessin limpide mais plein de noirceur de Risso, l’alchimie est complète : nous voici devant une nouvelle œuvre magnifique. C’est très beau, c’est très fort, et la violence de l’existence vous éclate à la gueule avec émotion. Dans son introduction au présent album, Jim Lee dit que « 100 Bullets est peut-être bien le meilleur comic que le média ait produit depuis des décennies ». Bon, il y va peut-être un peu fort, mais on peut le comprendre… C’est pour Dos Rond pour le Daron (Hang Up on the Hang Low) que 100 Bullets a reçu l’Eisner Award de la Meilleure Série Régulière. Yo, man.
-WALKING DEAD vol.1 : PASSE DECOMPOSE et vol.2 : CETTE VIE DERRIERE NOUS… (Delcourt, collection Contrebande).
Rick, flic de son état, se réveille après un long coma. La Terre est devenue le territoire de morts-vivants à la recherche de chair fraîche. Il devra trouver un nouveau sens à l’existence parmi les quelques survivants de cette épidémie. Une histoire classique (dans le sens où elle nous rappelle quelques joyaux passés de la littérature et du cinéma) mais narrée avec beaucoup de subtilité et d’émotions puissantes, émotions venues parfois de là où on ne pouvait les attendre. Kirkman, comme je le disais en chroniquant Marvel Zombies, réussit à redonner aux récits de morts-vivants toutes ses lettres de noblesse en puisant dans une réelle mythologie constituée d’œuvres profondément humaines. Être profondément humain pour parler avec une vraie justesse du vivant qui meurt tout comme du mort qui revit, voilà l’extrême qualité de ce scénariste à suivre. Une œuvre assez bouleversante. Ce sont Tony Moore et Charlie Adlard qui nous offrent les images, et on leur dit merci…
-CRIMINAL vol.1 : LÂCHE ! (Delcourt, collection Contrebande).
Décidément, Panini et Delcourt se taquinent, en ce moment. Je viens de vous parler de Robert Kirkman, scénariste de Marvel Zombies mais aussi de Walking Dead, voici maintenant venu chez Delcourt le dessinateur de Marvel Zombies, Sean Phillips. Sur un scénar d’Ed Brubaker, celui-ci nous peint le parcours assez pitoyable d’un casseur paumé essayant de sauver sa peau au sein de situations que personne ne semble pouvoir vraiment contrôler. Le titre de ce premier volume, Lâche !, en dit long sur l’état des stocks du personnage principal, Leo, un minable éminemment humain et que vous adorerez, et qui vous étonnera… Ce n’est pas parce que je suis un lâche et que je ne m’étale pas pendant des heures sur cet album que vous devez penser qu’il soit moins valable que les autres ouvrages ici chroniqués.
-GLOBAL FREQUENCY vol.1 : PLANETE EN FLAMMES (Panini Comics, 100% Wildstorm).
Oh non, ne me dites pas que c’est encore Warren Ellis qui se pointe..! Eh bah si… Eh bah tant mieux ! Global Frequency est un peu la petite sœur de The Authority et de Planetary. Le concept en est simple : Global Frequency est une organisation composée de 1001 agents disséminés sur toute la planète, chacun spécialiste en sa matière. Tous reliés à la directrice de l’organisation, la mystérieuse Miranda Zero, ils s’apprêtent à n’importe quel moment à entrer en scène pour venir à bout de dangers si grands que rien ni personne ne semble capable de les affronter. Chaque épisode nous entraîne dans des atmosphères et des univers différents, et est dessiné par un artiste spécifique : nous retrouverons notamment dès ce premier volume des dessinateurs tels que Jon J Muth, David Lloyd, Glenn Fabry, Roy Allan Martinez, ou encore Garry Leach et Steve Dillon. Les couvertures, au graphisme efficace, d’une grande beauté, sont de Brian Wood. Anomalie électromagnétique, homme refaçonné en machine, infection invasive, prise d’otages, apparition d’ange, course contre la montre : tel est le programme des chroniques fantastiques d’Ellis, toujours d’un joyeux éclectisme… Mais soyons clairs : Global Frequency reste par rapport à beaucoup d’autres créations d’Ellis une œuvre de bonne tenue mais un peu facile…On sent que le bonhomme n’a fait que décliner l’une de ses idées majeures mais déjà bien explorées dans Planetary. De là à dire que c’est malheureusement logique si l’on s’apprête à tirer de cette œuvre d’Ellis – et non d’une autre – le concept d’une nouvelle série télévisuelle, il n’y a qu’un pas que je franchis sans honte ni remords. Qui fera une série TV sur Spider Jerusalem où l’on pointera les pédophiles chez les politiciens ? Personne si les choses continuent ainsi, dans une esthétique trash-branchouille avec pour seul montage une culture pub épileptique et des personnages surjoués dans un ensemble qui se veut rebelle mais qui n’est au bout du compte qu’un outil marketing uniformisant… et très très chiant, non ? Ceci étant dit, il n’en reste pas moins que Global Frequency vaut tout de même le détour, ne serait-ce que pour la beauté des dessins au pinceau du brillant Jon J Muth, pour une histoire d’homme-androïde absolument hallucinante et très angoissante, et de belles trouvailles ici et là… Sachons faire la part des choses, que diable, car la lecture de Global Frequency reste un pur moment de plaisir. Après tout, une œuvre un peu relâchée d’Ellis vaut facilement certaines bandes dessinées annoncées comme des chefs-d’œuvre et qui ne sont que de la…
Allez, Warren, un p’tit effort…
-BATMAN ET LES MONSTRES (Panini Comics, DC Heroes).
Batman & The Monster Men est un hommage appuyé de Matt Wagner aux premiers temps de Batman où l’inquiétant venait encore de créatures issues d’une littérature et d’un cinéma populaires entendant donner des émotions fortes au public de cette première moitié du 20e siècle. Ceux qui connaissent Matt Wagner – et qui ont donc lu par exemple la série Sandman Mystery Theatre dont il a scénarisé les premiers numéros – savent que cet auteur affectionne particulièrement certaines ambiances urbaines de la fin des années 30. Le voici donc à son aise pour revisiter le mythe Batman à ses débuts. Wagner signe l’histoire et les dessins, et c’est une réussite pour l’ensemble. Le trait cru de cet artiste, s’il peut parfois surprendre, exprime sans fioritures l’horreur directe qui se joue devant nous, exagérant certains aspects pour mieux revenir aux outrances graphiques qui avaient parfois cours à l’époque. La naïveté brute qui se dégage des planches de cet album est une vraie force narrative, et le plaisir est total. Le découpage est lui aussi très efficace, et nous attire dans un vrai suspense où la tension est palpable. L’album propose aussi les couvertures originales, qui sont vraiment de toute beauté. En attendant un prochain album réalisé dans la même optique par Matt Wagner (Batman & The Mad Monk), jetez-vous comme des monstres sur cet ouvrage, et dévorez-le tout cru !
-X-MEN : L’INTEGRALE 1986 1/2 (Panini Comics).
Comme le fait justement remarquer Christian Grasse dans sa préface (elle n’est pas signée mais il serait étonnant qu’elle ne soit pas de lui), l’année 1986 n’est pas anodine dans la chronologie des X-Men : c’est l’année de l’apparition du titre X-Factor et du retour de Jean Grey grâce à des tours de passe-passe éditoriaux et scénaristiques, mais aussi de la présence de Magneto à la tête de l’Institut du Professeur X ! Nous sommes à l’époque dans le début des crossovers réguliers, et vous pourrez donc lire certains épisodes liés à Guerres Secrètes II. Également dans ce volume : Uncanny X-Men #205, dessiné par le grand Barry Windsor-Smith, où Wolverine partage un dangereux moment de son existence en compagnie d’une enfant mutante. La bête et l’innocente. Un épisode au graphisme superbe qui annonce le magnifique travail que fera Windsor-Smith sur Wolverine en 1991 dans le très remarqué Weapon X. Enfin, cet ouvrage ne couvrant que la moitié de l’année 86 et la production mutante étant exponentielle, vous trouverez juste avant l’annual très fantaisiste de fin d’album les quatre épisodes parus dans Marvel Fanfare en 1982 et qui mettaient en scène les X-Men dans la Jungle Oubliée de Ka-Zar (un thème récurrent mais toujours excitant !). Ces épisodes nous donnent l’occasion d’apprécier à nouveau deux dessinateurs trop passés inaperçus en France : Michael Golden et Paul Smith. Je me souviens, lorsque cette histoire avait été publiée aux éditions Lug en 1984, j’avais été frappé par la beauté des dessins de ces deux dessinateurs. En revoyant leurs planches aujourd’hui, l’émotion est la même. Les dessins de Golden, avec cette rondeur expressionniste et ces exagérations subtiles dans le modulé du trait, sont d’une extrême qualité, insufflant un esprit graphique rarement exploré dans les comics de super-héros. Après les deux premiers épisodes dessinés par Golden, nous avons le troisième, illustré cette fois par un Dave Cockrum puissamment encré de main de maître par Bob McLeod, et enfin le quatrième épisode réalisé par Paul Smith avec le génial Terry Austin à l’encrage. Est-ce la finesse de trait mythique d’Austin qui rend les dessins de Paul Smith si somptueux ? Sûrement. Mais on sent néanmoins chez Smith une belle préciosité de trait qui fait de ses images des petits bijoux d’enluminures, aux détails veloutés. Et puis ces deux artistes dessinent les femmes de manière bien sensuelle (la première case de l’avant-dernière page où l’on voit Shanna au bras de Ka-Zar est une image qui me poursuit depuis maintenant 23 ans, oui, je sais, c’est ridicule).
-ULTIMATE X-MEN vol.1 : L’HOMME DE DEMAIN (Panini Comics, Marvel Deluxe).
Cet album est un vrai plaisir. Après Ultimate Spider-Man, voici qu’Ultimate X-Men rejoint la belle collection Marvel Deluxe. Ce n’est pas un luxe, tant cette série est intéressante. Pour les vieux trentenaires bientôt dans la tombe comme moi, c’est l’occasion aussi de redécouvrir dans sa continuité un phénomène qu’on n’a pas forcément suivi tout le temps. Et pour les d’jeuns, l’occasion de se constituer une chouette bibliothèque en albums et récits complets de ce qui les a fait vibrer en découvrant l’univers des super-héros. On le sait, Ultimate X-Men a été créée en influence étroite avec le premier film qui a été fait sur les X-Men en 2000. Toute une nouvelle génération a découvert l’univers mutant, et cette série a été un relais naturel au film, permettant du même coup à l’une des plus anciennes équipes de super-héros de revenir sur le devant de la scène. Comme toutes les séries Ultimate, Ultimate X-Men reprend l’univers de base pour l’actualiser et le replacer dans un contexte réellement contemporain afin que les jeunes lecteurs réussissent à s’approprier vraiment les histoires qu’on leur raconte. Pour les vieux ringards comme moi c’est une lecture des plus intéressantes, voire carrément passionnante. Pensez donc ! Après 20 ans de passion pour les comics, voici qu’à l’aube du 21e siècle on me propose de tout reprendre à zéro, avec mes personnages préférés ! Toute une mythologie profonde réinventée sous mes yeux, en parallèle, sans anéantir celle qui me pétrit. Deux vies de lecture, deux fois plus de plaisir : on dit que l’univers Ultimate c’est génial pour les jeunes, mais c’est carrément le pied intégral pour les bientôt quarantenaires qui ont été élevés à Strange & co ! Ainsi, ce qui se passe dans Ultimate Fantastic Four est tout simplement fort fantastique : j’a-do-re ! Mais je m’égare et j’ai dit que je ne ferai pas trop long.
Si je suis si enthousiaste, c’est grâce à Mark Millar, qui a un vrai talent sur Ultimate X-Men et Ultimate Fantastic Four. Ce scénariste a un talent fou, et réussit des choses vraiment pas évidentes. Il ne se contente pas de remanier des univers, il actualise tout en respectant, mais surtout en innovant au sein de tout ce processus avec une liberté et une imagination riche de conséquence (qu’on pense encore une fois aux zombies apparus dans Utimate FF). Dans cet album, un ancien lecteur comme moi ne peut qu’être ravi devant l’acuité avec laquelle deux grands thèmes constitutifs de l’univers mutant sont exprimés, à savoir les Sentinelles dans la guerre homo sapiens/homo superior et la fameuse arme X. Tout est neuf, mais tout y est. Du bon boulot, Mark ! Les dessins d’Adam Kubert (aidé d’Andy Kubert, Tom Raney et Tom Derenick) sont vraiment extras, puissants à souhait, et certaines grandes images remplies d’innombrables Sentinelles sont de purs moments d’émotion (comme cette double page où Magneto les immobilise toutes en cercle). En bonus, les couv’, un synopsis de Millar et un extrait de script de Bendis. De la balle. Trop top.
Cecil McKinley.