Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Den Siga, Grapholexique du manga Comprendre et utiliser les symboles graphiques de la bd japonaise
Après avoir posé cet ouvrage admirable, on se demande comment on pouvait bien prétendre comprendre les mangas avant d’avoir lu Den Siga.
Se présentant comme un décodeur de symboles graphiques, c’est-à-dire d’éléments récurrents à forte teneur narrative, l’auteur a mis en œuvre une méthodologie sans faille : repérant au cours de ses lectures les éléments symboliques utilisés par les mangakas, il a ensuite mené des recherches pour vérifier si ces occurrences se retrouvaient chez d’autres auteurs, avant d’en modéliser le mode d’emploi. Ce livre, qui regroupe en fait une série d’articles présentés dans le magazine Animeland consacré aux dessins animés japonais, présente 32 symboles très explicites pour le lecteur japonais mais souvent imperceptibles à l’amateur d’album franco-belges : si certains de ces codes semblent maîtrisés depuis la percée des dessins animés japonais à la fin des années 1970 (les yeux vides évoquant la perte de contrôle ou la possession, les dents représentées à la façon d’un animal pour montrer la fureur bestiale, voire les yeux étoilés évoquant les larmes), d’autres échappent totalement à la compréhension intuitive (le saignement de nez qui apparaît devant une vision érotique, l’absence d’yeux des personnages sans importance, ou les spirales de candeur ou de K.O. pour ne retenir que quelques exemples dans la riche série présentée) de nombreux lecteurs et dessinateurs. Car le but de Den Siga s’apparente aussi quelque peu à de l’espionnage industriel destiné aux professionnels hexagonaux, puisqu’on peut voir dans l’ignorance de ces codes l’une –sinon la principale- raison de l’échec des mangas européens au pays du soleil levant. Bref, un livre indispensable qui fait regarder la bd japonaise avec une intelligence nouvelle.
Joël Dubos
Editions Eyrolles, 17euros