Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DE BD DU 5 MARS 2007
“ Aziyadé ” par Franck Bourgeron, “ Mandrill T.7 : La nasse ” par Barly Baruti et Frank Giroud, “ Tatanka T.3 : Mutation ” par Gaël Séjourné et Joël Callède, “ Le cancer de maman ” par Brian Fies et “ Spoon & White T.7 : Manhattan Kaputt ” par Simon Léturgie, Franck Isard et Jean Léturgie.
Eh oui, nous avons encore trouvé cinq albums qui méritent le détour dans le flot continu des parutions récentes :
Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des bandes dessinées chroniquées.
“ Aziyadé ” par Franck Bourgeron
Editions Futuropolis (19 Euros)
Décidément, l’adaptation en bandes dessinées des grands textes littéraires est à la mode ! Alors que les éditions Delcourt et Soleil annoncent de nouvelles collections comme «Ex-libris» ou «Noctambule», consacrées exclusivement à cette gymnastique narrative (pratique courante dans le 9ème art et qui ne date, d’ailleurs, pas d’aujourd’hui), chez Futuropolis, Franck Bourgeron s’attaque à l’autobiographie romancée de Pierre Loti. Ce dernier, beaucoup plus connu pour ses romans «Pêcheur d’Islande» et «Ramuntcho», nous conte, dans «Aziyadé», sa découverte de l’amour impossible, lors de son passage en Grèce, à Salonique. Le jusqu’au-boutisme de ce romancier grand voyageur, alors jeune et sémillant lieutenant de la marine anglaise, y est bouleversant. C’est en 1877 qu’il rencontre une jeune femme aux yeux verts, appartenant au harem d’un dignitaire turc, et ils vécurent alors une folle et brève passion ; mais quand notre dandy peut revenir à Constantinople, il découvre que la belle et jeune odalisque est morte de chagrin… Sur fond de crise des Balkans, ce récit, mélancolique et lent, est fort bien mis en scène par un ancien story-boarder (notamment pour les dessins animés «Cédric» et «Fantomette»), rompu à l’art du cadrage et des jeux d’ombre, et qui a parfaitement respecté l’ambiance langoureuse de cette histoire d’amour tragique.
“ Mandrill T.7 : La nasse ” par Barly Baruti et Frank Giroud
Editions Glénat (9,40 Euros)
Voici la fin du cycle «guerre froide» et, certainement aussi, carrément celle de la série “Mandrill” : vu son manque de succès, qui reste quand même relatif, et les nombreuses préoccupations actuelles du scénariste Frank Giroud. Pourtant, ces aventures d’un ancien avocat devenu espion, en participant à une opération organisée conjointement par les services secrets français et la CIA, étaient assez savoureuses. Luttant pour sa survie au cœur de la Russie de Staline, Adrien Mandrill se fait passer pour son frère, ingénieur français travaillant au centre de recherches nucléaires de Volnaëv, afin de récupérer un microfilm destiné à l’OTAN. Après 7 albums, de mieux en mieux construits et dessinés, qui ont su nous séduire sur le temps, nous allons regretter de ne plus avoir, de temps en temps, des nouvelles de cet élégant baroudeur et coureur de jupons. Surtout que comme à son habitude, la narration de Frank Giroud y était très efficace, et le graphisme du Zaïrois Barly Baruti de plus en plus juste et dynamique !
“ Tatanka T.3 : Mutation ” par Gaël Séjourné et Joël Callède
Editions Delcourt (12,90 Euros)
Certes, les éléments de base de ce polar scientifique ne sont pas très originaux : en effet, nous avons eu droit, maintes fois, à la menace d’un virus propagé par des animaux et au complot terroriste… Cependant, les scénarios catastrophes de Joël Callède sortent quand même des sentiers battus, grâce à une efficacité dans le rendu cinématographique. D’autant plus qu’ici, il est solidement épaulé par le trait détaillé et réaliste de Gaël Séjourné, lequel est manifestement très influencé par les “comics” : ce qui prolonge et rend crédible l’atmosphère «téléfilm» de ce thriller à l’américaine. Dans ce 3ème tome, l’épidémie éclate au grand jour alors que l’étau se resserre autour du groupe activiste et écologique “Tantanka”. Alors que cette poignée d’idéalistes, en guerre contre les laboratoires, trouve un allié de poids, en la personne de Jake Korver, militant de la cause animale réfugié dans un ranch de l’Iowa, Brian, journaliste ayant infiltré ces dangereux extrémistes, est obligé de se dévoiler… Une mise en scène fulgurante et captivante qui retient, d’emblée, l’attention du lecteur !
“ Le cancer de maman ” par Brian Fies
Editions Cà et là (14 Euros)
Journaliste scientifique free-lance, Brian Fies nous raconte ici comment il a vécu le cancer de sa mère : une femme de 60 ans atteinte par la maladie, du jour au lendemain. Confronté à cette maladie grave, il a tenu une sorte de journal de bord où il a noté, avec compassion (mais sans pathos et sans exhibitionnisme), ses réactions et celles des membres de sa famille qui l’ont accompagné : diffusée, à l’origine, sur son site Internet, cette œuvre courageuse et pédagogique reçu l’un des prestigieux Eisner Award, en 2005, dans la catégorie «bandes dessinées numériques». Evidemment, le résultat, sous forme de strips, est poignant, mais reste accessible à tous. En fait, à la lecture de cet album, on apprend beaucoup de choses sur le cancer des poumons et sur les tumeurs au cerveau : il nous arrive même d’en rire… Ce témoignage, bien dessiné, a peut-être permis de prolonger la vie de la mère de l’auteur car elle s’est impliquée dans le projet : elle y en était même venue à bout, de cette grave maladie. Hélas, des effets secondaires, dus à son traitement, ont causé sa mort avant la parution de l’album, début 2006, chez un éditeur non spécialisé. La traduction française, elle, est réalisée avec soin par les éditions Cà et là, qui, petit à petit, se font une solide réputation dans le milieu, avec des œuvres venus de différents horizons et pas toujours faciles d’accès ; or, ce petit recueil émouvant et drôle à la fois, lui, est destiné au grand public : il serait dommage que ce dernier passe à côté !
“ Spoon & White T.7 : Manhattan Kaputt ” par Simon Léturgie, Franck Isard et Jean Léturgie
Editions Vents d’Ouest (9,40 Euros)
Pour ce nouvel épisode hilarant de la parodie «non officielle» de «Dirty Harry», Yann a jeté le gant et papa Léturgie se retrouve seul au scénario. Son fiston Simon, quant à lui, laisse de plus en plus de place, sur le plan du dessin, à leur petit camarade de classe Franck Isard, lequel fût leur compagnon d’aventure dans l’entreprise éditoriale de John Eigrutel. Résultat, les dialogues sont toujours aussi percutants, mais peut-être moins référentiels (même si on a, quand même, sa dose d’allusions aux films mettant en scène le flic interprété par Clint Eastwood ou à la fameuse série télévisée «24 heures chronos») ; et le graphisme, s’il reste mouvementé et riche en gags visuels, se «ligneclairise» peut-être davantage. Quoi qu’il en soit, ce 7ème avatar des deux policiers new-yorkais, toujours aussi allumés et flinguant tout sur leur passage (même la morosité !), est à la hauteur des précédents épisodes : nos deux déjantés y rejoignent la cellule antiterroriste de la capitale américaine, afin de déjouer les plans diaboliques d’un terrible maniaque. Comme par hasard, cela va tourner à la catastrophe, avec, comme à l’habitude, une superbe prestation de la dynamique et ambitieuse journaliste Courtney Balconi, dont le duo infernal est toujours aussi amoureux !
Gilles RATIER