Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Et cette semaine, voici une sélection plutôt basée sur la BD humoristique… Histoire de rire un peu : “ Paris Strass ” par Yoann et Eric Omond, “ Odilon Verjus T.7 : Folies Zeppelin ” par Laurent Verron et Yann, “ La volupté ” par Blutch, “ Tigresse blanche T.3 : L’art du cinquième bonheur” par Didier Conrad et “ Mélodie au crépuscule ” par Renaud Dillies.
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“ Paris Strass ” par Yoann et Eric Omond
Editions AUDIE/Fluide Glacial (9,95 Euros)
Alors que la plupart des éditeurs rivalisent d’imagination pour créer des espaces de création, recruter d’autres lectorats et ouvrir de nouveaux marchés, Fluide Glacial, quant à lui, continue de creuser le sillon de l’humour adulte, genre qui a toujours fait sa spécificité, même avec sa nouvelle collection : «Fluide Glamour». C’est «Paris Strass» qui inaugure ce label sexy, où nombre de pin-up coquines ont rendez-vous pour vous dérider les zygomatiques. Yoann, dessinateur au trait incisif, et Eric Omond, scénariste inspiré (les auteurs de la charmante BD pour enfants «Toto l’ornithorynque») se sont retrouvés, pour notre plus grand plaisir, afin de mettre en scène la dure vie des paparazzis travaillant pour un journal people. Mettre, chaque jour, sa vie en péril pour obtenir la photo cochonne adéquate, pour être au courant des derniers potins sur les divorces et les adultères de la jet-set, ou pour être invités aux derniers cocktails mondains : quel sacerdoce ! Respectant l’esprit du célèbre mensuel d’humour et de dérision, cette série cynique et jubilatoire, gratte, avec sensualité, le vernis d’un monde bien pourri ! A noter que cette collection démarre sur les chapeaux de roues puisque le 2ème ouvrage au programme («Péchés mignons» d’Arthur de Pins, un illustrateur venu de l’animation et dont le style s’apparente à celui de Kiraz) est également savoureux : pré-publiés dans le magazine Max, ces gags irrésistibles s’amusent des déboires d’un jeune homme entouré de jeunes femmes plus sexy les unes que les autres !
“ Odilon Verjus T.7 : Folies Zeppelin ” par Laurent Verron et Yann
Editions Lombard (9,80 Euros)
De toutes les séries scénarisées par le prolifique et talentueux Yann, «Odilon Verjus» est certainement l’une de mes préférées, même si elle reste d’un accès assez difficile, du fait de la présence de nombreux « private-joke» ou références culturelles, peut être pas très évidentes pour un jeune public. Dans cette farce débridée, toujours illustrée brillamment par le style franco-belge, semi-réaliste, du virtuose Laurent Verron (le repreneur de «Boule et Bill»), un dirigeable allemand, en route pour l’Amérique du sud, mais pris en pleine tempête, transporte quelques personnages truculents : Agatha Christie, la fameuse reine du crime, et son biographe officiel Francis River (qui ressemble beaucoup au scénariste et romancier François Rivière, grand spécialiste de la duchesse de la mort), Joséphine Baker, la danseuse et chanteuse que le tout-Paris s’arrache, Frau Hildegarde von Krupp, une riche héritière vouant un culte transi au Führer, et le missionnaire Odilon Verjus, envoyé spécial du Vatican, secondé par l’enthousiaste mais souvent maladroit frère Laurent. Or, une série de meurtres, dont les victimes sont quelques nazis inquiétants et désagréables (dont deux d’entre eux s’appellent Schwarz et Negger, ah, ah, ah !), indispose ces mémorables voyageurs, figures emblématiques des années 1930. Reprenant à leur compte, avec une bonne humeur contagieuse et une mise en scène efficace, l’intrigue des «Dix petits nègres», Yann et Verron s’amusent comme des petits fous, décimant les vilains nazis au rythme d’une étrange comptine.
“ La volupté ” par Blutch
Editions Futuropolis (12,90 Euros)
Un singe s’est échappé et l’armée organise une battue : l’un des chasseurs est secrètement amoureux d’une adolescente. Pendant ce temps-là, à bord d’une grosse voiture roulant à toute allure, un président de Région discute d’une situation de crise : son collaborateur se plaint alors d’un lacet défait et se retrouve seul en pleine campagne… Avec cet ouvrage onirique et cinématographique, où il explore la volupté provoquée par les fantasmes, Blutch s’impose encore comme l’un des dessinateurs les plus doués de sa génération : celle qui a surgi au début des années 1990 et que l’on a qualifiée de «nouvelle BD» ! En noircissant habilement les cases de son récit débridé, avec son crayon époustouflant qui impose un style ample et lâché, Blutch sait faire naître l’émotion et mettre en scène différents sentiments humains contradictoires : du grand art !
“ Tigresse blanche T.3 : L’art du cinquième bonheur” par Didier Conrad
Editions Dargaud (11 Euros)
Alix, petite espionne communiste, l’un des personnages secondaires de la série «Les innomables», a ici le premier rôle : on y découvre son parcours de jeunesse et l’entraînement particulier qu’elle a subie, au sein des services secrets chinois. Ceci la conduira à supprimer les criminels de guerre japonais qui ont officié en Chine. Cependant, le seul qu’elle ne doit pas tuer est celui qui assassina sa mère, en la faisant brûler vive… Cette BD parodique et cynique, sortie, à l’origine, de l’imagination tordue du scénariste Yann, est reprise entièrement, à partir de ce 3ème épisode, par le dessinateur Didier Conrad. Si son pinceau a perdu en noirceur, il gagne en légèreté et en dérision, caricaturant habillement une ambiance «roman d’espionnage à 3 sous» qui oscille entre comédie humaine et aventures exotiques.
“ Mélodie au crépuscule ” par Renaud Dillies
Editions Paquet (15 Euros)
Afin de fêter les 10 ans de leur belle collection «Blandice», les éditions Paquet offrent un recueil d’illustrations pour l’achat de l’un de leurs ouvrages et mettent en avant le talent de l’un de leurs auteurs fétiche : Renaud Dillies. Déjà remarqué pour son «Betty Blues» qui empruntait également nombre de références aux classiques du cinéma et de la chanson, ce dessinateur attachant, au trait fin, humoristique et expressif, revient avec une BD poétique et musicale, en hommage à Django Reinhardt. Trompé par sa promise, un employé de bureau voit tout son monde s’écrouler. Sous l’impulsion d’une rencontre fortuite avec un gitan, laquelle a modifié sa vision de la vie, il quitte son emploi sclérosant et se remet à jouer du violon… Dans chaque page, des compositions esthétiques fort bien pensées se font jour, et l’ensemble se révèle être une partition narrative pour le moins originale et audacieuse. D’ailleurs, le lecteur, partagé entre rires et larmes, ne pourra que se laisser totalement entraîner par le rythme lancinant qui se dégage de cette charmante mélodie graphique très réussie !
Gilles RATIER