Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 12 JANVIER 2009
? O’Boys T.1 : Le Sang du Mississippi ? par Steve Cuzor et Philippe Thirault, ? Je ne mourrai pas gibier ? par Alfred [d'après Guillaume Guéraud] et ? Marilyn la dingue ? par Frédéric Rébéna et Jerome Charyn : trois adaptations de romans particulièrement réussies !
? O’Boys T.1 : Le Sang du Mississippi ? par Steve Cuzor et Philippe Thirault – Editions Dargaud (13,50 Euros)
Les adaptations de romans en bandes dessinées sont devenues légion ces derniers temps et même si ce captivant récit, qui nous replonge dans l’atmosphère glauque des États-Unis des années 1930, ne l’affiche pas officiellement en couverture, il s’agit bien d’une relecture, certes assez libre, du chef-d’œuvre de Mark Twain : « Les Aventures de Huckleberry Finn ». On y retrouve les héros hauts en couleur que sont le jeune blanc Huck Finn, qui vit avec son frère sous la férule de leur teigneux de père alcoolique, et le travailleur noir Charley Williams qui tente, en vain, de gratter sa guitare et de chanter le blues aussi bien que le mythique bluesman Robert Johnson : deux paumés miséreux qui ne rêvent que de quitter cette Amérique ségrégationniste. C’est ainsi qu’ils vont se transformer en vagabonds du rail, en partant pour la Californie ! Si le scénario habile, mais somme toute assez conventionnel, de Philippe Thirault nous promène de rebondissements en coups du sort, c’est surtout le trait tendre et époustouflant, que l’on pourrait situer entre celui de Régis Loisel et celui d’Antonio Parras, de Steve Cuzor (lui-même banjoïste à ses heures) qui nous permet d’entrer tout de suite dans la danse et d’espérer rapidement la suite de cette épopée située dans un contexte historique passionnant !
? Je ne mourrai pas gibier ? par Alfred d’après Guillaume Guéraud – Editions Delcourt (14,95 Euros)
Alfred continue, avec bonheur, de peaufiner la place particulière qu’il a réussi à se créer dans le petit monde la bande dessinée, en une dizaine d’années : que ce soit avec des ouvrages pour la jeunesse originaux (« Octave » avec David Chauvel), le début d’une saga prometteuse (« Le Désespoir du singe » avec Jean-Philippe Peyraud), l’adaptation onirique d’un ouvrage de Roland Topor (« Café Panique ») ou la formidable illustration de la douloureuse tranche de vie d’Olivier Ka (« Pourquoi j’ai tué Pierre »). Avec cette mise en images d’un livre racontant le carnage orchestré par un adolescent, écrit par son ami Guillaume Guéraud, le prolifique et sensible dessinateur poursuit son évolution graphique en se débarrassant des contraintes techniques : il utilise désormais du papier ordinaire et un simple stylo Bic. Mais, une fois de plus, il nous démontre surtout qu’il est un grand narrateur du 9e art qui maîtrise parfaitement l’enchaînement des faits du quotidien qu’il nous expose, à l’instar d’un Davodeau ou d’un Rabaté. En gros, ce beau roman graphique en couleurs (inclus dans la toujours très intéressante collection « Mirages » qui, pour l’occasion, a perdu sa jaquette) s’attarde sur le pourquoi d’un « pétage de plomb ». Nous sommes dans un ces petits villages du Médoc avec ses pesantes habitudes et ses sordides histoires dont on ne parle jamais : les habitants étant divisés en deux camps, l’un exploité dans les vignes du Château Clément et l’autre par la scierie Listrac. Le jour du mariage de son frère, un jeune garçon craque et dégomme les membres de sa famille à la carabine, ainsi que les principaux responsables de cet environnement suffocant et violent dont il n’est pas parvenu à s’échapper… Un fait divers comme on en lit régulièrement dans la presse de province sans y prêter forcément attention, mais que, là, on prend en pleine gueule et auquel on pense encore longtemps après être resté scotché sur la 112ème et ultime page de ce livre inoubliable !
? Marilyn la dingue ? par Frédéric Rébéna et Jerome Charyn – Editions Denoël Graphic (17Euros)
Encore une adaptation, me direz-vous ? Oui, mais celle-ci est due au romancier américain Jerome Charyn qui re-transpose lui-même, en bandes dessinées, sa « Tétralogie Isaac » (publiée aux USA à partir de 1974) en commençant par l’ouvrage le plus connu de ces quatre romans policiers : « Marilyn la dingue ». On y retrouve tous les personnages inoubliables de cette saga new-yorkaise cosmopolite, dense et complexe : le flic juif Isaac Sidel, sa fille Marilyn, son adjoint Zyeux-Bleus… Comme pour ses autres incursions dans le 9ème art (« Les Frères Adamov » ou « White Sonya » avec Jacques de Loustal, « La Femme du magicien » ou « Bouche du diable » avec François Boucq, « Le Croc du serpent » ou « Panna Maria » avec José Muñoz…), Charyn a dû se contenter de tirer un script de son polar et c’est certainement à Frédéric Rébéna (plus connu pour ses illustrations de livres jeunesse que pour ses rares bandes dessinées dans (A Suivre) ou dans Pilote, à la fin des années 1980 et au début des années 1990) qu’a incombé la tâche de le mettre en scène et en images. Mission réussie puisque son trait anguleux et sensuel (qui rappelle, par moments, celui de José Muñoz sur « Alack Sinner ») colle fort bien à l’ambiance lourde et mélancolique, pure yiddish, entretenue par les rapports ambigus entre les différents protagonistes. A noter que Libération a publié cette bande dessinée du 15 juillet au 23 août 2008, mais en noir et blanc, à raison de deux pages quotidiennes. Comme la lecture en un seul bloc semble plus bénéfique à cette première tentative, nous conseillons à ceux qui n’ont pas été convaincus par la parution découpée dans le journal de se replonger dans ce beau livre proposé par Denoël Graphic, en attendant la suite prévue pour bientôt, puisque le talentueux tandem travaille déjà sur l’adaptation graphique de « Zyeux Bleus ».
Gilles RATIER
Ouf!
Merci Gilles Ratier.
F Rebena