« Lou Cale » par Warn’s et Raives

Il y a des personnages qui traversent l’espace et des séries qui traversent le temps. Telles certaines comètes éphémères, mais récurrentes, elles reviennent se rappeler à notre mémoire. C’est le cas de « Lou Cale », de Warn’s et Raives, dont le héros photographe sillonne les États-Unis dans les années 40. La série ne compte que cinq épisodes, publiés entre 1987 et 1992, réédités en noir et blanc (deux volumes de la « Collection Styx » en 2004), et que voilà enfin, réunis en couleurs et grand format, pour notre plus grand plaisir. Quelques dessins inédits complètent l’ouvrage (mais il y manque les couvertures initiales).

Qui est Lou Cale, « the famous Lou Cale », comme il aime à se nommer ? Dès « La Poupée brisée », qui se situe à New York, en 1942, on découvre un photographe de presse particulièrement attiré par les faits divers avec cadavres. L’homme d’origine irlandaise, séducteur et bagarreur, est particulièrement têtu. Il ne laisse sa proie (photographiée) qu’après avoir tout compris. Il en est ainsi de cette jeune femme qui s’est défenestrée à Manhattan. Amoureuse dépressive ou prostituée assassinée ? Il lui faut comprendre cette jolie femme venue d’une ferme du fin fond du Middle West, quitte à déranger son ami policier, le lieutenant Lopez, et plus encore la mafia… Dans « Le Cadavre scalpé », il s’agit pour lui cette fois de trouver un meurtrier et de comprendre les mobiles qui le poussent à scalper ses victimes. L’enquête s’oriente d’abord vers les Indiens, les fameux Mohawks qui construisent les buildings, puis vers un universitaire spécialiste des Indiens, O. Means, et le peintre Jackson passionné par l’art indien. Lou Cale se rend ensuite dans la réserve de Saint-Régis au nord de l’état de New York…

Après les Indiens, « Les perles de Siam » évoque les triades vietnamiennes. Sur les lieux d’un incendie, le détective a, en effet, retrouvé un ancien ami, Jean de St Gilneuve et de vieux souvenirs : Paris en 1919, le temps des colonies, Saïgon… Or Jean est victime d’une triade et sera finalement assassiné. Lou protège alors sa jeune femme d’origine asiatique, que Jean a achetée autrefois à son père contre des perles de grande valeur…

Pour changer et quitter à nouveau New York, les auteurs d’ « Étrange fruit » nous emmènent en Arkansas. Pour National Geographic, Lou Cale veut écrire un article sur les fermiers du Sud et les champs de coton. Il découvre un monde où les frontières entre Blancs et Noirs sont encore très fortes : discrimination raciale et règlements et comptes, corruption des autorités… Rien ne manque ! Enfin, last but not least !,  c’est « Le Centaure tatoué ». En 1943, pendant Halloween, sur la plage de Coney Island, on découvre deux cadavres sans tête, l’un masculin, l’autre féminin. Tous deux portent sous l’aisselle un tatouage représentant un centaure. Lou enquête en fréquentant régulièrement la boutique de son ami italien Guido, car Cosa Nostra et Little Italy sont au cÅ“ur du sujet. Le Centaure est en effet l’emblème de la cité de Taormina, en Sicile, où le récit s’achève.

Ceux qui ne connaissent pas la série mais qui sont amateurs de polar à l’américaine et d’histoires glauques, doivent s’empresser de découvrir ce cocktail d’avenues lumineuses et de ruelles glauques, de quartiers industriels et de bars enfumés, de voitures arrondies et de femmes charnues, de métissages ancestraux et de racisme…, à fleur de peau ! Sans oublier le blues et le jazz : dans « Étrange Fruit », Lou assiste à un spectacle de Billie Holiday…

Quant en 1987, Warn’s (ou Warns, ou Éric Warnaut) et Raives créent le personnage de Lou Cale, ils travaillent l’un comme l’autre au dessin et au scénario. Ils ont dès lors continué à travailler à quatre mains, Warn’s réalisant scénario et dessin tandis que Raives s’attache au dessin et aux couleurs ! Ils ont à leur actif de très nombreux titres où sentiments et noirceurs se mêlent, souvent exotiques et voyageurs, comme on les aime… On les retrouve sur leur site commun, « Ébauches » : http://warnautsraives.blogspot.com/, qui rappelle que « depuis leurs débuts, ils n’ont eu de cesse de faire voyager le lecteur autour du monde ; du Congo belge à l’Amérique d’Obama, de l’Allemagne nazie à la Venise libertine du 18e siècle… ».

Alors, bons voyages !

 Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook.

« Lou Cale » par Warn’s et Raives

Éditions Humanoïdes associés (38  €) – ISBN : 978-2-7316 – 2304 – 8

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