Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 7 NOVEMBRE 2005
“ Cour royale ” par Jean-Marc Rochette et Martin Veyron aux éditions Albin Michel, “ Cap Horn T.1 : La baie tournée vers l’est ” par Enea Riboldi et Christian Perrissin aux éditions Humanoïdes associés, “ Petites créatures ” par Pentti Otsamo aux éditions Cà et là, “ Capricorne T.10 : Les chinois ” par Andreas aux éditions Lombard et “ Chinaman T.8 : Les pendus” par TaDuc et Serge Le Tendre aux éditions Dupuis.
Après un mois d’octobre plutôt sage au niveau du nombre de parutions, les éditeurs semblent vouloir rattraper le petit retard pris dans leur course à la surproduction. Voici 5 nouveaux albums qui nous paraissent intéressants et qui sont parus en ce début du mois de novembre :
“ Cour royale ” par Jean-Marc Rochette et Martin Veyron
Editions Albin Michel (12,50 Euros)
Multipliant les clins d’œil aux romans et films de cape et d’épée, Martin Veyron, au scénario et aux dialogues (savoureux, les dialogues !), se prend désormais pour Molière ! Dans cette amusante comédie burlesque, l’auteur de «Bernard Lermite» fustige les ambitions, les trahisons et l’hypocrisie qui sont l’apanage des gentilshommes et dames galantes de Versailles, au temps de Louis XIV. Les intrigues se succèdent donc à la Cour du roi Soleil et Maître Trouillon, perruquier de son état, accompagné de sa fille belle comme un ange, doit y réaliser un précieux ouvrage. Or, la naïve donzelle ne va pas tarder à charmer sa majesté et à susciter la jalousie de la favorite. Duels, bagarres, embastillements et naufrages se succèdent alors sur un rythme endiablé…Quiproquos et jeux de mots sont aussi les deux mamelles de cette réjouissante parodie illustrée par un Jean-Marc Rochette, en pleine forme, dont le dessin expressionniste fourmille de détails hilarants.
“ Cap Horn T.1 : La baie tournée vers l’est ” par Enea Riboldi et Christian Perrissin
Editions Humanoïdes associés (12,60 Euros)
Voici une série qui devrait satisfaire tous les amateurs de BD d’aventures classiques ! Tous les ingrédients des récits historiques ou exotiques sont égrainés dans ce premier tome d’exposition où l’on fait connaissance avec d’énigmatiques fugitifs chercheurs d’or, des militaires prussiens à leur poursuite, un capitaine lancé dans un tour du monde à la voile, une expédition ethnographique et d’étranges tribus séculaires, le tout évoluant, à la fin du 19ème siècle, sur un vaste territoire désolé : la Terre de feu ! Or, la Patagonie est le cadre de peu de BD et c’est un élément non négligeable pour expliquer l’intérêt de cette histoire très documentée, écrite de main de maître par Christian Perrissin, lequel devient, peu à peu, un spécialiste des récits maritimes. Chacun des 3 tomes prévus narrera trois intrigues parallèles, axées sur la vie de ces peuples en marge des sociétés dominantes ; mais, en attendant le dénouement, le lecteur sera surtout conquis par le dessin énergétique de l’Italien Enea Riboldi. Ce dernier, passionné de voile, est très connu dans son pays d’origine : il a réalisé de nombreux westerns pour les fumettis et participe régulièrement aux publications des éditions L’Isola Trovata, Acme, Bonelli, etc. En France, on ne connaît de lui que ses BD érotiques comme «Nathanaël», traduites chez Elvifrance, en 1982, ou son «Vol solitaire» (scénario d’Antonio Tettamenti), publié par Dargaud, en 1988.
“ Petites créatures ” par Pentti Otsamo
Editions Cà et là (15 Euros)
A peine nées, les éditions Cà et Là ont déjà quatre curieux petits albums à leur actif. Spécialisées dans l’adaptation de BD étrangères et notamment américaines, elles nous proposent des récits sans paroles («Points de vues» de Peter Kuper), des autobiographies originales («Peine perdue» de Catherine Doherty) ou des nouvelles graphiques («A Strange Day» de Damon Hurd et Tatiana Gill). En attendant un alléchant Andi Watson à paraître incessamment, jusqu’à présent, l’album issu de leur production qui correspond le mieux à nos besoins cartésiens est dû à un auteur finlandais, connu, dans son pays d’origine, pour ses BD humoristiques et ses comics strips. Avec ce premier roman graphique de 59 pages en noir et blanc, lequel bénéficie d’une agréable traduction d’Alain David (le responsable des indispensables éditions Rackham), il nous livre un portrait sans concession d’un couple fragile au bord de l’implosion, du fait d’une grosse imprévue. Le trait est très inspiré par les tenants actuels du renouveau de la BD américaine et canadienne alternative (Seth, Craig Thompson, Andi Watson, Chester Brown, Joe Matt, Dave Cooper…) et le ton général, tout en retenue, est empreint de mélancolie : une découverte narrative qui ne devrait pas vous laisser indifférent !
“ Capricorne T.10 : Les chinois ” par Andreas
Editions Lombard (9,80 Euros)
«Capricorne» est une étrange série où l’on retrouve un astrologue des années 1930 impliqué dans d’étranges évènements et que l’on avait entraperçu dans une autre œuvre d’Andreas : «Rork». Ce thriller fantastique, où se mêle joyeusement sociétés secrètes, savants fous, morts vivants et autres passe-murailles, est parfois un peu difficile d’accès, malgré le dessin gothique, totalement efficace et clair, de son créateur. Après avoir résolu l’énigme des origines d’une entité insaisissable, dans cet album, Capricorne retourne à New York ; mais, sur le chemin, il est accueilli par des coups de fusils tirés par un vieux fermier qui se croit assiégé par des Chinois. Notre héros trouve alors refuge chez une famille d’anciens citadins, établis dans le voisinage. Avec ce premier chapitre d’un nouveau cycle, Andreas semble adopter une narration moins complexe que précédemment et réussi ainsi à nous captiver avec un récit, plus intimiste, mais à l’ambiance toujours aussi inquiétante. Si vous aviez quelque peu décroché de la série, voici l’épisode qui devrait vous réconcilier avec elle !
“ Chinaman T.8 : Les pendus” par TaDuc et Serge Le Tendre
Editions Dupuis (9,80 Euros)
Ce western insolite met en scène un jeune chinois, féru d’arts martiaux, qui s’installe dans un village des Etats-Unis, habité par des prospecteurs d’or, au milieu du XIXème siècle. Il partage sa couche avec la belle institutrice des lieux, ce qui attise jalousies et racisme, autant de la part des blancs que de celle de sa propre race. En tout cas, cela met un terme à son rêve de fonder une famille et notre héros tourne la page, s’occupant à présent de convoyer des chariots de ravitaillement de ville en ville. Il rencontrera un joueur invétéré, bavard et tricheur et affrontera une bande de braqueurs menée par un Jesse James en jupon. Ce huitième album marque donc le coup d’envoi d’un nouveau cycle qui renoue avec les scénarios traditionnels du genre western. Les personnages restent toutefois attachants et le récit, s’il est moins insolite en nous proposant une image plus habituelle de la conquête de l’Ouest, est savoureusement ponctué par des scènes d’action efficaces. Enfin, signalons l’excellent travail effectué par Olivier Ta (alias TaDuc) tant au niveau graphique (son style souple et réaliste allie, de plus en plus, puissance et finesse) qu’au niveau de la colorisation (où il est aidé par Nadine Voillat), laquelle est particulièrement réussie.
Gilles RATIER