Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 20 JUIN 2005
L’été approche, il fait beau et vous n’avez plus trop envie de lire de BD. Pourtant, en voici cinq qui pourraient bien vous faire changer d’avis : “ Tony Corso T.2 : Prime Time ” par Olivier Berlion aux éditions Dargaud, “ Tatanka T.1 : Morsure ” par Gaël Séjourné et Joël Callède aux éditions Delcourt, “ Les fils de la louve T.1 : La louve de Mars ” par Fernando Pasarin et Patrick Weber aux éditions Le Lombard, “ Oscar T.5 : Chinoiseries ” par Christian Durieux et Denis Lapière aux éditions Dupuis et “ Giacomo C. T.15 : La chanson des guenilles ” par Griffo et Jean Dufaux aux éditions Glénat.
“ Tony Corso T.2 : Prime Time ” par Olivier Berlion
Editions Dargaud (9,45 Euros)
Après avoir conquis la critique et les spécialistes de bandes dessinées avec des ouvrages aussi différents que son excellent “Lie-de-vin” ou les séries “Le cadet des Soupetard” (avec le scénariste Corbeyran) et “Histoires d’en ville”, Olivier Berlion part à l’assaut du grand public avec ce dynamique “Tony Corso”, héros récurrent et régulier. Le premier tome avait provoqué notre sympathie et notre agrément mais ce deuxième opus finit de nous convaincre : c’est de la BD traditionnelle, divertissante et intelligente à la fois. Le héros est un détective privé qui exerce son activité à Saint-Tropez auprès de la Jet Set et dont la devise est “Il faut prendre l’argent là où il est”. Cette fois-ci, c’est le gagnant de l’émission Star de l’été, l’une des nombreuses émissions de télé-réalité et de chanson, qui l’engage, après avoir reçu des menaces de mort. En effet, un maniaque lui a lancé un compte à rebours mortel, mais non dénué d’humour, dont l’échéance est fixée au jour de son dernier prime time, jouant ainsi avec les nerfs de la prétentieuse rock star de pacotille. Dans une ambiance où les principaux protagonistes baignent dans le luxe avec alcool, coke et filles en pagaille, on suit avec grand plaisir cette enquête fort bien rythmée et dont l’intrigue est plus complexe qu’il n’y paraît. Graphiquement, Olivier Berlion n’a jamais été aussi bon et innovant sans, pour autant, utiliser d’effets spectaculaires : un vrai bonheur de lecture !
“ Tatanka T.1 : Morsure ” par Gaël Séjourné et Joël Callède
Editions Delcourt (12,50 Euros)
Bon d’accord, l’argument de la menace d’un virus propagé par des animaux est assez convenu car il a été, de nombreuses fois, déjà utilisé dans les films et téléfilms à l’américaine. Ca tombe bien, Joël Callède, en peu de temps, s’est affirmé comme un scénariste efficace qui mène ses récits en BD comme des thrillers “made in USA” pour le grand ou le petit écran. On lui fait donc confiance pour avoir imaginé une suite machiavélique aussi palpitante que ses autres séries (“Comptine d’Halloween”, “Dans la nuit” ou “Les enchaînés”). Sur “Tantanka”, où sa mise en scène fulgurante et son découpage cinématographique captent d’entrée l’attention du lecteur, il bénéficie aussi du dessin détaillé de Gaël Séjourné, lequel nous la fait de plus en plus “comics”, ce qui convient parfaitement à l’ambiance lourde de la série. Un journaliste infiltre une poignée d’idéalistes qui partent en guerre contre les laboratoires s’adonnant aux expériences sur des animaux captifs. Loin d’être d’inoffensifs boy-scouts écologistes, les membres de l’association Tanaka se révèlent être de dangereux extrémistes. A l’autre bout du pays, un fermier est mordu par un chien enragé, échappé d’un labo, qui contamine bêtes et individus… Laissez-vous tenter, cette BD est un grand thriller, pas manichéen pour un sou !
“ Les fils de la louve T.1 : La louve de Mars ” par Fernando Pasarin et Patrick Weber
Editions Le Lombard (13 Euros)
Le journaliste et romancier Patrick Weber est passionné par la BD et par l’écriture. Il a fait, cette année, une entrée remarquée dans le monde du 9ème art avec la série “Novikov”, publiée dans la nouvelle collection “Dédales” des Humanoïdes associés. Comme il a aussi une formation d’historien de l’art, il est clair que l’Histoire avec un grand H est une autre de ces passions. D’ailleurs, sa nouvelle BD est encore un thriller historique ! Futur archéologue, le jeune Luca Marini accomplit un stage à Rome. Il y succombe bientôt aux avances d’une jolie Romaine. Leur première nuit d’amour le plonge dans un rêve qui le projette en 44 avant notre ère et le mêle à l’assassinat de Jules César… Les troubles politiques qui s’annoncent occupent cependant moins notre héros que l’aguichante fille d’un sénateur qui lui donne l’hospitalité. Toutefois, les mystérieux manèges du père de la belle attisent sa curiosité. L’ayant pris en filature, il découvre que le sénateur est membre d’une société secrète qui honore la Louve, mère nourricière de Rome, en lui sacrifiant des nouveaux-nés. Cet habile cocktail d’enquêtes dans la mythique Rome des Césars et celle d’aujourd’hui est agréablement illustré par le trait réaliste et précis de l’espagnol Fernando Pasarin, lequel s’est formé dans son pays d’origine et dans les petits formats des éditions Semic.
“ Oscar T.5 : Chinoiseries ” par Christian Durieux et Denis Lapière
Editions Dupuis (8,50 Euros)
Les bonnes séries “jeunesse” ne sont pas si nombreuses que ça. Alors quand, en plus, elles sont intelligentes, truculentes et qu’elles abordent des sujets difficiles, elles méritent d’être saluées bien bas. C’est le cas des aventures d’“Oscar”, un petit garçon fabulateur qui est en rébellion contre sa famille d’accueil : il fugue régulièrement pour retrouver ses amis dans un squat du quartier. Grâce à ses mensonges et son imagination débridée, Oscar déjoue tous les dangers de la rue, cette dernière étant un formidable terrain de jeu pour ce petit SDF. Fuyant le policier Mille Gâchettes, notre poulbot rencontre Lin, une petite fille chinoise qu’il aide à échapper à ses poursuivants. Cette dernière était contrainte de travailler clandestinement afin de rembourser le prix du voyage de sa famille en France à la mafia chinoise. Pétrie de bons sentiments, cette série n’en est pas moins irrévérencieuse sous des allures citoyennes éminemment sympathiques. Enfin, il faut apprécier, à sa juste valeur, le dessin souple et vif de Christian Durieux qui contribue également à dynamiser le scénario déjà trépidant et légèrement déjanté de Denis Lapière. Pour mieux faire comprendre les problèmes sensibles de notre société occidentale, l’Education Nationale devrait imposer la lecture d’“Oscar” à toutes nos charmantes petites têtes blondes ou brunes !
“ Giacomo C. T.15 : La chanson des guenilles ” par Griffo et Jean Dufaux
Editions Glénat (12,50 ou 8,99 Euros)
Serait-ce le dernier tome des aventures amoureuses et tragi-comiques de notre Casanova débridé ? En tout cas, la fin de cet album exceptionnel de 54 pages (disponible dans la belle collection “Caractère” ou dans la classique “Vécu”) semble y mettre un point final : voici d’ailleurs l’occasion de se replonger dans les quatorze précédents albums qui nous narrent les frasques de ce séducteur mondain, perpétuellement en quête d’argent, dans une Venise du XVIIIème siècle perdant peu à peu de sa superbe. Cette série qui mêle intrigues de couloir, libertinages et coup de théâtre a été créée, en 1987, pour le magazine Vécu. Elle est solidement documentée et tous les épisodes oscillent habilement entre les différents genres théâtraux : de la comédie à la tragédie, en passant par le vaudeville et la farce. Dans cet ultime ( ?) épisode, le Marquis de San Vere a l’appui du doge pour capturer et mettre fin aux agissements de notre séducteur. La mascotte de ce dernier (une petite souris blanche répondant au doux nom de Mimi) est prise en otage et la tête de Giacomo est mise à prix ! Le scénario de Dufaux est une nouvelle fois fort distrayant et le dessin de Griffo, de plus en plus caricatural, accentue le côté loufoque de la série, laquelle bénéficie de couleurs lumineuses.
Gilles RATIER