Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 25 AVRIL 2005
Cette semaine, nous vous conseillons : “ Arrivederci Amore T.2 : La fin du match ” par Andrea Mutti et Luca Crovi, d’après Massimo Carlotto, aux éditions Vents d’Ouest, “ Jérôme K. Jérôme Bloche T.18 : Un petit coin de paradis ” par Alain Dodier aux éditions Dupuis, “ Commissaire Raffini T.8 : Les eaux mortes ” par Christian Maucler et Rodolphe aux éditions Albin Michel, “ Alvin Norge T.5 : Quantum ” par Christian Lamquet aux éditions Lombard et “ Gabrielle B. T.1 : Le guerrier aveugle ” par Alain et Dominique Robet aux éditions EP.
“ Arrivederci Amore T.2 : La fin du match ” par Andrea Mutti et Luca Crovi, d’après Massimo Carlotto
Editions Vents d’Ouest (8,99 Euros)
Il s’agit de l’adaptation réussie d’un livre autobiographique de Massimo Carlotto, militant politique italien devenu l’un des représentants les plus intéressants du polar transalpin. Le scénariste, Luca Crovi, a su créer une fin alternative au roman tout en lui restant fidèle, et le dessinateur, Andrea Mutti, utilise avec talent la même technique de couleurs directes que sur son excellent «Break point» (scénario de Saimbert, chez Albin Michel). On peut juger la narration un peu lente (la voix-off est peut-être trop utilisée) et le graphisme un peu trop figé, mais l’ensemble fonctionne parfaitement et colle bien à cette histoire d’un criminel italien d’extrême gauche prêt à tout pour acquérir richesse et respectabilité. Dans cet ultime volet, le «héros» refait sa vie après avoir trahi ses compagnons et après avoir organisé un casse avec un policier ripou. Il ouvre un restaurant dans un endroit idyllique mais ses anciens «amis» reviennent et se rappellent à son bon souvenir…
“ Jérôme K. Jérôme Bloche T.18 : Un petit coin de paradis ” par Alain Dodier
Editions Dupuis (9,50 Euros)
Délaissant avec regret son quartier parisien, le lunatique et sympathique détective citadin «Jérôme K. Jérôme Bloche» accompagne son amie Babette à la campagne, aux pieds des montagnes. Cette dernière part rendre visite à une amie qui a laissé tomber son métier d’hôtesse de l’air pour épouser un éleveur de chèvres. Alors que l’ambiance est euphorique car la jeune femme vient d’accoucher, l’hôpital informe que le bébé a un problème d’incompatibilité rhésus : bref, que l’enfant ne serait pas du mari exubérant de la charmante ex-hôtesse. Comme la belle-mère acariâtre n’est guère accueillante, la situation se tend alors sérieusement. C’est la dix-huitième aventure de notre privé à lunettes et on ne s’en lasse pas ! L’intrigue est complexe, l’humour est toujours présent, les personnages sont biens campés, la narration est efficace… : que demander de plus ? Pour agrémenter le tout, pour l’achat de cet album, les éditions Dupuis offre un CD rom fort bien fait (avec une enquête inédite) où l’on apprend plein de choses sur la série et sur le trop discret Alain Dodier.
“ Commissaire Raffini T.8 : Les eaux mortes ” par Christian Maucler et Rodolphe
Editions Albin Michel (12,50 Euros)
Voilà une série qui, malgré ses évidentes qualités graphiques et narratives, a connu, jusque là, pas mal de déboires éditoriaux. Créée graphiquement en 1980 par Jacques Ferrandez, de larges extraits noirs et blancs furent publiés, à l’origine, dans Télérama (si, si !!!) puis en couleurs dans Métal Hurlant (si, si, si !!!) ! Quatre albums furent publiés aux Humanoïdes associés jusqu’en 1988. Puis, c’est Christian Maucler qui a repris, avec un charme certain, le dessin en 1994, lors d’un album édité par les éphémères éditions Hélyode, lesquelles rééditèrent l’ensemble de la série. Suite au dépôt de bilan de ce dernier éditeur, Claude Lefranc publie le sixième tome en 1997, avant que l’éditeur québécois Les 400 coups propose, enfin, la septième enquête qui avait connu auparavant une première version sous la forme d’un roman chez Neo. En ayant enfin trouvé asile chez Albin Michel, espérons que le commissaire Raffini continuera longtemps à conduire ses enquêtes avec calme et obstination. Avec sa cinquantaine marquée par une paire de bonnes moustaches et quelques rares cheveux, ce membre de la police judiciaire appartient à la vieille école, celle des Maigret ou des Nestor Burma, et permet au scénariste de nous replonger dans les années 50, nostalgie oblige… Cette fois-ci, le commissaire parisien doit passer le week-end dans une paisible bourgade de la province profonde pour attendre que sa vieille traction soit réparée chez le garagiste local. Et voilà que des mômes découvrent le cadavre du garde-chasse dans la rivière… Commérages et rancœurs rurales sont au cœur de l’intrigue ! Une BD pas si classique qu’elle en a l’air grâce à un dessin efficace, agréablement aquarellé, qui dépeint parfaitement lieux insolites et étranges personnages !
“ Alvin Norge T.5 : Quantum ” par Christian Lamquet
Editions Lombard (9,80 Euros)
Créateur d’un virus informatique utilisé contre son gré, Alvin Norge est un ancien «hacker» (as du piratage virtuel) qui se retrouve confronté aux exactions meurtrières d’une cyber-secte dont il est devenu la cible privilégiée. Seulement soutenu par une jeune clandestine biélorusse, aussi frivole que légère, il ne peut se fier qu’aux indications d’un maître des plus hautes technologies, mort dans un accident d’avion, et qui renaît sous la forme d’une entité numérique. Alvin, atteint d’un mal qui déforme son acuité visuelle pour lui donner de curieuses visions, fini par se laisser manipuler par cet excentrique génie ressuscité virtuellement. Manifestement, Christian Lamquet a enfin la série où son savoir-faire trouve toute sa valeur. Ceci n’est que justice quand on sait que cet auteur dessine ou scénarise depuis plus de 25 ans dans les pages des revues Tintin, Spirou ou (A Suivre) ! En cinq albums, il a conçu un thriller futuriste palpitant, qui ne donne aucun signe d’essoufflement, en alliant le fond et la forme : .les dessins, aux traits soignés et dynamiques, sont mêlés à des éléments conçus entièrement sur ordinateur ; les dialogues, eux, sont particulièrement efficaces et ne souffrent pas de l’utilisation fréquente de termes techniques. Dans le style, c’est donc une véritable réussite !
“ Gabrielle B. T.1 : Le guerrier aveugle ” par Alain et Dominique Robet
Editions EP (12,60 Euros)
Voilà une bonne BD d’aventures historiques, fort bien documentée, qui vous fera passer un bon moment de lecture. Certes, la narration peut sembler encore un peu laborieuse et le dessin est quelquefois légèrement approximatif, mais l’important, c’est que le tout soit convaincant et c’est le cas ici ! : le lecteur sera très vite captivé par cette histoire de flibuste au début du XIXème siècle. Une jeune et belle républicaine, devenue remarquable capitaine de vaisseau, tente de venger son père alors que le responsable de ce crime, un mystérieux armateur, lui propose de déjouer un ultime complot royaliste. Mélangeant allégrement histoire maritime, quête initiatique, roman d’espionnage et feuilleton historique, ce récit à tiroirs (prévu en trois tomes) accrochera d’emblée les amateurs de BD classiques et efficaces. Notons que l’album contient des interviews (très illustrées) du couple-auteur, par le journaliste Brieg F. Haslé (également responsable de la préface) : la caution de cet homme de goût est certainement un atout de plus pour convaincre les plus frileux car si ce chroniqueur spécialisé est un inconditionnel amoureux des récits maritimes, il ne s’embarque guère à la légère !
Gilles RATIER