PLUS DE LECTURES N°62 DU 20 DECEMBRE 2004

Dernière chronique de l’année 2004 et derniers conseils pour vos cadeaux de Noël et du Nouvel An. Ces albums nous ont séduits, n’hésitez pas à y jeter un coup d’oeil : “ Marion Duval T.14 : Chantier interdit ” par Philippe Masson et Yvan Pommaux aux éditions Bayard,“ La flûte enchantée” par Ruben Pellejero et Jorge Zentner aux éditions Theloma, “ Les folles années de l’intégration ” par Larbi Mechkour et Farid Boudjellal aux Editions Tartamudo, “ Ne touchez à rien ” par Frédéric Bézian et Noël Simsolo aux éditions Albin Michel et “ Estelle T.3 : Les rendez-vous de l’exposition ” par Jack Manini et Raymond Maric aux éditions Carabas.

JOYEUSES FETES !

“ Marion Duval T.14 : Chantier interdit ” par Philippe Masson et Yvan Pommaux

Editions Bayard (8,90 Euros)

Dans le milieu de la BD, on ne parle pas assez des albums des éditions Bayard et c’est bien regrettable car ce sont, pour la plupart, des ouvrages très bien réalisés ; et même s’ils sont destinés aux plus jeunes lecteurs, ils peuvent séduire les plus grands à l’instar de la série «Marion Duval» qui mérite d’être mieux connue. Cette dernière a été créée en 1983, pour le magazine Astrapi, par Yvan Pommaux, illustrateur pour enfants réputé qui était alors seul aux commandes. D’une grande clarté narrative, ces aventures sont palpitantes et inattendues : une jeune fille d’une dizaine d’année entraîne régulièrement son père dans des milieux peu exploités en BD. C’est encore le cas ici puisque l’on découvre, entre courses poursuites humoristiques et intrigues sentimentales, les dessous des services des Monuments historiques. Depuis 1998, cette excellente BD (ciblée 8-12 ans) est dessinée par Philippe Masson, lequel s’astreint, avec méticulosité, à respecter le style «ligne clair » d’Yvan Pommaux qui en écrit toujours les scénarios.

“ La flûte enchantée” par Ruben Pellejero et Jorge Zentner

Editions Theloma (28,90 Euros)

Quelle bonne idée ! Dans la lignée du mariage initié par les éditions Nocturne entre jazz et BD, l’équipe de Théloma a réalisé ici un fort bel ouvrage cartonné qui confirme les nombreuses accointances entre musique et 9^ème art. Pour un prix raisonnable, vous disposez de deux CD (c’est le “live” de “La flûte enchantée” sous la direction d’Herbert von Karajan avec l’orchestre symphonique de Vienne), du livret de l’opéra et d’une BD de 24 pages adaptant la célèbre œuvre de Mozart. Cette version illustrée est due aux talents conjugués de deux auteurs de langue espagnole habitués à travailler ensemble depuis plus de 20 ans (“Dieter Lumpen”, “Le silence de Malka” ou “Aromm”) ; elle a été publiée pour la première fois en langue française dans l’hebdomadaire Fripounet (sous la rédaction en chef de Didier Pasamonik), en 1992, et c’est une excellente initiation à l’opéra qui peut aussi devenir un somptueux cadeau de fin d’année !

“ Les folles années de l’intégration ” par Larbi Mechkour et Farid Boudjellal

Editions Tartamudo (15 Euros)

Les éditions Tartamudo sont dirigées par José Jover, lequel marqua les années 80 en dessinant les strips des “Fictionnettes” scénarisés par le regretté André Igwal. Avec leur collection Tebeos (ce qui veut dire BD en espagnol, langue d’origine de Jover), elles privilégient des récits réalisés par des copains dont les racines ont poussé un peu partout. Dans la bande, outre José, on retrouve Farid Boudjellal qui est venu d’Algérie et qui est la référence (avec, entre autres, son excellent “Petit Polio”) de l’intégration maghrébine pour le 9^ème art, Roland Monpierre qui est antillais et qui fût un auteur remarqué chez Futuropolis, et bien sûr Larbi Mechkour qui est un beur de Belleville et qui alterne BD gros nez et peinture pudique. Cet album nous permet de redécouvrir le dernier cité (en compagnie de ses amis) dans des planches réalisées pour divers supports : “Les beurs” avec des scénarios de Farid (réédition de l’album paru chez Albin Michel en 1985 après une pré-publication dans L’Echo des Savanes) et “Aziz Bricolo”, pour les plus jeunes, qui vécu, de 1986 à 1987, dans l’hebdomadaire Pif Gadget ; les gags sont aussi de Farid Boudjellal ou de José Jover. Cette réalisation «remastérisée» (avec les logiciels adéquats) confirme que ces étonnantes BD populaires teintées d’orientalisme à la sauce “Mille et une nuits” n’ont pas vieilli d’un poil et nous fait regretter la quasi absence de Mechkour chez les éditeurs traditionnels de BD.

“ Ne touchez à rien ” par Frédéric Bézian et Noël Simsolo

Editions Albin Michel (19 Euros)

Quel plaisir que de retrouver le trait anguleux, fait de lignes droites cassées et de courbes très tendues, propre à Frédéric Bézian, lequel fut directeur artistique du dessin animé «Belphégor» et l’auteur de nombreux chefs-d’œuvre en BD : «Adam Sarlech» ou «Chien rouge chien noir», pour n’en citer que deux. Signalons qu’avec cette histoire fantastique d’une grande maison élégamment meublée et qui débute à la fin du XIXème siècle, son graphisme nerveux commence à se décontracter quelque peu. Il faut dire que le scénario malicieux de Noël Simsolo (encore un écrivain de polar qui entrevoit avec intérêt les possibilités du 9^ème art) est composé comme une suite d’histoires axées sur les déboires des propriétaires de cette étrange bâtisse, lesquels ne doivent toucher à rien : voilà qui se prête à des innovations facétieuses, tant au niveau du dessin que de la couleur. Espérons que le fait que cet ouvrage sorte si tard dans l’année (risquant d’être noyé dans la pléiade des bonnes BD publiées ces derniers temps) ne le coupera pas d’un succès public mérité.

“ Estelle T.3 : Les rendez-vous de l’exposition ” par Jack Manini et Raymond Maric

Editions Carabas (12,59 Euros)

Même si le ton se veut un peu plus grave pour ce troisième épisode, les aventures enlevées de la jeune et mignonne suffragette sont toujours proches de l’esprit des BD populaires du siècle dernier, celles qui ne se prenaient pas pour plus qu’elles n’étaient. Cela n’empêche pas Jack Manini d’affirmer son graphisme, lequel oscille avec talent entre celui de Loisel et celui d’Hermann (comme ce dernier, il s’essaie d’ailleurs ici, avec bonheur, à la couleur directe). Quant à ce sympathique vieux routier de la BD qu’est Maric, il nous démontre une fois de plus qu’il connaît parfaitement tous les rouages du feuilleton avec cette histoire d’exposition universelle dans le Paris de 1900 où les anarchistes ont décidé de poser une bombe et où la police est sur les dents. Le lecteur assidu appréciera également les nombreux clins d’œil humoristiques aux grands noms du 9^ème art en faisant connaissance avec les anarchistes Hermann, Bardet, Rosy et Dieter, le policier Desberg, le principal Marini, les brigadiers Rodolphe, Vance, Jacobs et Cuzor, l’avenue Arnal, le regretté Pinchon, le bistrotier Marcello, m’ame Rabaté et autres personnages et dénominations pittoresques !

Gilles RATIER

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