Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES N°50 DU 27 SEPTEMBRE 2004
C’est le 50ème «Plus de lectures» sur bdzoom.com ! A raison de 5 BD (en moyenne) par semaine, cela fait 250 ouvrages chroniqués, depuis un peu plus d’un an, par Gilles Ratier. Cette semaine, il vous propose de s’attarder sur : « Face de lune T.5 : L’œuf de l’âme » par François Boucq et Alexandro Jodorowsky aux éditions Casterman, « Le maître de peinture T.2 : L’inexplicable don » par Michel Faure, Makyo et Frédéric Richaud aux éditions Glénat, « Alim le tanneurT.1 : Le secret des eaux » par Virginie Augustin et Wilfried Lupano aux éditions Delcourt, « Fils de l’enfer » par Andrea Accardi et Onofrio Catacchio aux éditions Albin Michel et « Les innommables T.12 : Au sud-ouest de Moscou » par Didier Conrad et Yann aux éditions Dargaud.
« Face de lune T.5 : L’œuf de l’âme » par François Boucq et Alexandro Jodorowsky
Editions Casterman (12,50 Euros)
Décidément, François Boucq est incontournable ces temps-ci ! A peine 10 jours après la mise en vente de la résurrection de «Rock Mastard» au Lombard, le célèbre dessinateur Lillois nous pond «L’œuf de l’âme», cinquième épisode des aventures ésotérico-fantastiques de «Face de lune». Cette série, écrite par le maître de la psychomagie et de la psychogénéalogie qu’est le Chilien exilé en France Alexandro Jodorowsky, a été créée dans les pages de feu le mensuel (A Suivre), de 1991 à 1997, sous la forme de deux longs récits. Rééditée en 4 albums, cette saga axée sur la démesure des grands mythes et du pouvoir de la religion est donc elle aussi relancée, sept ans après la fin provisoire du premier cycle. Graphiquement, c’est toujours aussi superbe (Boucq excelle dans les dessins de cathédrales, entre autres)… Ceux qui n’ont rien compris aux tomes précédents ne trouverons guère ici d’éléments de réponses à leurs questionnements mais ceux qui adhéré à la fusion imaginative des deux artistes et amis seront ravis de cette histoire plus cohérente qu’il n’y paraît à la première lecture.
« Le maître de peinture T.2 : L’inexplicable don » par Michel Faure, Makyo et Frédéric Richaud
Editions Glénat (12,50 Euros)
Il s’agit ici de la suite magistrale du séduisant premier opus où la narration efficace du scénariste Makyo se trouvait déjà renforcée par la rigueur d’un écrivain dont c’était la première incursion en bande dessinée. Manifestement, ici, la complémentarité d’écriture entre les deux hommes est de mise ; quant à Michel Faure, dessinateur réaliste figuratif, il est aussi à l’aise dans la mise en couleur que dans les grandes compositions échevelées. Ce deuxième tome nous replonge dans la Pologne baroque et libertine de l’entre-deux guerre ; nous retrouvons le maître de peinture en pleine névrose depuis qu’il a vu une toile peinte par un jeune homme arrogant qui ne cherchait que la mort, multipliant les duels, avant de rencontrer la compagne et muse du grand peintre. Ce dernier sombre peu à peu dans la folie et s’en prend alors à sa femme qui, pourtant, met tout en œuvre pour l’aider à reprendre confiance en lui en tentant de retrouver ce jeune peintre responsable de la dégradation morale de son époux… Passionnant !
« Alim le tanneurT.1 : Le secret des eaux » par Virginie Augustin et Wilfried Lupano
Editions Delcourt (12,50 Euros)
Encore une série basée sur un univers «fantasy» ! Certes, mais dans «Alim le tanneur», nous sommes transportés dans un monde oriental : cela nous change un peu des monts celtiques infestés de trolls et de hobbits… Par contre, nous avons droit à notre lot de quête, d’initiation, de fanatisme religieux, de lutte des classes, de trahisons et de personnages attachants. Alim est un hors caste considéré comme un sous-homme. Son activité consiste à recycler les corps inertes des sirènes tueuses qui viennent s?échouer sur les plages de la cité impériale. En fait, la plus grande originalité (et la plus grande réussite) de cette intéressante nouvelle série, prévue en quatre tomes, c’est de nous faire découvrir une étonnante nouvelle dessinatrice issue des studios d’animation de chez Disney (elle a travaillé sur «Tarzan», «Hercule», «Witch», «Chasseurs de dragons» et «Corto Maltese», excusez du peu !). Comme ces confrères Nicolas Kéramidas, Juanjo Guarnido, Didier Cassegrain…, elle a été formée à une école où certains aspects du dessin sont plus travaillés qu’ailleurs (rigueur dans les volumes, traitement des matières, exploration des expressions jusque dans le corps du personnage…) et, quand cette base est transposée en BD, cela donne un résultat graphiquement remarquable, et ceci dès le premier essai ! Donc, voici une carrière à suivre de près…
« Fils de l’enfer » par Andrea Accardi et Onofrio Catacchio
Editions Albin Michel (15 Euros)
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, malgré l’omniprésence des mangas, des séries Disney et des fumetti populaires édités par Bonelli, la BD italienne continue à produire des BD de qualité et les dessinateurs transalpins qui méritent le coup d’œil sont légion. Andrea Accardi et son trait à la Mignola est de ceux là. Né en 1968, il s’est formé à l’académie des Beaux-Arts de Bologne et de Florence avant de réaliser, au début des années 1990, divers récits pour Granata Press, Marvel Italia, Universo («E.S.P.»), Mondo Naïf et les éditions Kappa dont ce «Progenie d’inferno» qui date de 1994. En 1609, dans les rues de Prague, des corps de femmes appartenant à la communauté juive sont retrouvés atrocement mutilés. L’enquête est menée par un alchimiste rejeté de la cour car il n’avait pas réussi à transformer le métal en or. Entre superstitions, moyen-âge et surnaturel, cet polar fantastique met au grand jour une histoire d’amour dévastatrice. Cette BD destinée à l’origine à un public peu exigeant trouve quand même une belle place dans la nouvelle collection «Post Mortem» des éditions Albin Michel BD (SEFAM pour les intimes).
« Les innommables T.12 : Au sud-ouest de Moscou » par Didier Conrad et Yann
Editions Dargaud (12,60 Euros)
Cette excellente série culte se poursuit avec une nouvelle dose de rebondissements et d’humour caustique, les auteurs nous jetant en pâture nombre de personnages secondaires excentriques comme cette transsexuelle encombrée par ses plantureuses prothèses mammaires ou cette riche frappa-dingue qui se prend pour Cléopâtre. Notre gros fumeur de cigare au cœur d’or qu’est Mac, l’un des membres du trio vedette, a retrouvé sa petite fille et sa fiancée mais a perdu son copain homosexuel Tony tombé aux mains des nazis. Quant à Tim, le troisième larron toujours flanqué de son cochon nommé Raoul, il continue à croire dur comme fer aux extra-terrestres… Bourrée de références historiques, ce nouvel album au dessin décapant et fort drôle est bien sûr politiquement incorrect ! Notons aussi que le premier tirage est doté d’un mini album à construire reprenant un court récit paru dans le Spirou des années 1980, «Bébert le cancrelat», 14 pages aussi joyeuses qu’iconoclastes !
Gilles RATIER