Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Lloyd Singer » T6 par L. Brunschwig et O. Neuray
Dans un premier cycle de trois tomes, réédité en 2010 dans la collection » Grand-Angle « , on avait (re-)découvert un héros aussi attachant qu’inhabituel : Lloyd Singer, alias Makabi, alors simple chef comptable au F.B.I. sachant parler le russe et qui se voyait confier, pour cette raison, une mission périlleuse où Zena était impliquée dans une affaire de traite des blanches…
La femme s’est enfermée dans le mutisme, or son témoignage est capital. Parce qu’il est quelqu’un de sensible et efficace, qu’il déclenche d’emblée l’empathie, Lloyd va tenter d’extraire du cercle vicieux de l’horreur et de la prostitution cette jeune femme trompée par un faux mariage. Il la cache au cœur du quartier juif de New York mais les tueurs de la mafia russe sont sur ses traces. Pour sauver Zena, il doit finalement s’envoler bientôt pour Moscou… Or, astuce scénaristique judicieuse, Lloyd n’est pas l’homme qu’on croît : dans des situations extrêmes, il devient Makabi, expert en arts martiaux et redoutable athlète. Comme à son habitude, Brunschwig construisait une intrigue passionnante, documentée et nourrie d’anecdotes de la vie quotidienne, de la vie de « Little Jerusalem » (et la culture juive) à l’univers familial qui s’agite autour du héros…
Dans un nouveau cycle de trois tomes (réédition du tome 4 et parution de deux tomes inédits en février et juin), on apprend que Lloyd Singer a rejoint le centre de formation de Quantico pour devenir un véritable agent du FBI. A peine arrivé, on lui confie pour mission de faire parler la seule victime laissée en vie par un serial killer particulièrement retors qui défigure ses victimes, toujours de très belles jeunes femmes, avant de les tuer et d’accompagner leurs cadavres d’une poupée musicale. C’est le cas de Patsy Lee Pumpkin, qui en a réchappé mais qui, honteuse de sa soudaine laideur, refuse de se laisser approcher et d’aider l’enquête. L’interrogatoire est compliqué par l’attitude de lloyd dont le « double », Makabi, s’emporte et frappe violemment des collègues. Lloyd se retrouve aux arrêts ! Pourtant, la chanteuse Patsy n’accepte que lui pour discuter et révéler ce qu’elle a peut-être retenu du tueur surnommé « la chanson douce ». C’est effectivement ce qui arrive : un suspect est repéré dans ses souvenirs et Lloyd est envoyé en Oregon pour le trouver !
Le troisième tome de la trilogie est précisément l’occasion d’un voyage étonnant dans un campement de caravanes de gens déclassés dans une Amérique profonde qui adore la musique country, puis du côté de Milwaukee (Wisconsin). La conclusion est inattendue révélant les zones d’ombres et les secrets intimes d’individus qu’on croit blindés par la vie mais qui sont tout fêlures.
Le regard des autres et la beauté intérieure ou extérieure sont au cœur de ce deuxième cycle d’une grande finesse. Avec ces personnages, les voyages sont psychologiques et intimistes, les décors servant de révélateurs comme ce lac final désormais inoubliable… Le dessin assez classique de Neuray est en outre porté par un scénario au découpage très subtil.
Bon voyage.
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
« Lloyd Singer » T6 ( » Seuls au monde « ) par Luc Brunschwig et Olivier Neuray
Éditions Bamboo – collection » Grand Angle » (13,50 €)