Un drame dans les montagnes d’Iran dans une bande dessinée facile à lire et à comprendre…

Exilé dès 2007 hors de son Iran natal pour ses caricatures politiques, Mana Neyestani vit désormais en France. Il a publié cinq bandes dessinées autobiographiques et/ou politiques avant de se lancer — avec « Les Oiseaux de papier » — dans une œuvre de fiction. Ce drame humain poignant est d’un accès facile avec la méthode Falc (Facile à lire et à comprendre). Plus de renseignements sur cette méthode et le message d’un livre riche et émouvant dans cet article.

L’Iran est sous la coupe des mollahs depuis 1979. La République islamique est une dictature qui asservit le peuple persan. Les sanctions internationales ont peu de répercussions sur le plan politique ; en revanche, elles touchent durement le petit peuple, notamment dans les régions périphériques comme les montagnes du Kurdistan iranien. C’est dans un petit village situé en haute altitude que vit Jalal. Ingénieur, mais sans emploi, il est revenu dans la maison de ses aïeux pour s’occuper de sa vieille mère. Pour vivre ou plutôt survivre, il devient un kolbar, c’est-à-dire un contrebandier. Il devra donc — avec un groupe d’hommes — passer deux fois la frontière avec l’Irak voisin et revenir avec un lourd ballot (parfois de 50 kg) sur le dos, par des chemins escarpés de haute montagne, pour le compte de la mafia locale.

Jalal n’a pas le choix. Il a besoin d’argent pour acheter les médicaments indispensables pour atténuer les douleurs de sa mère, très malade, et aussi pour pouvoir s’évader de la prison à ciel ouvert que constitue son vieux village : il entend le quitter, avec Rojan. Les deux jeunes gens sont amoureux, mais, pour vivre ensemble, ils doivent partir pour une ville ou à l’étranger, car le père de Rojan l’a promise à vieil homme riche : celui qui finance le trajet des kolbars. Pendant que les hommes sont dans la montagne à risquer leur vie, Rojan tisse un tapis ; elle espère ainsi gagner de l’argent, fuir avec Jalal et choisir son métier : en un mot devenir libre.

« Les Oiseaux de papier » page 31.

Le travail de kolbar est dangereux. Le moindre faux pas sur un sentier de montagne et c’est la chute mortelle, surtout avec 50 kg sur le dos. Il y a aussi le risque d’avalanches, de poser le pied sur une mine antipersonnelle, de mourir de froid à près de 4 000 m d’altitude, mais le danger le plus grand est de se retrouver face à face avec des gardes-frontières, lesquels ont la gâchette facile.

Pour Jalal et son groupe de contrebandiers solidaires, le retour d’Irak s’annonce très périlleux. Pendant ce temps, Rojan craint pour sa vie si son père apprend sa relation secrète avec le jeune ingénieur désargenté. Le drame couve dans les vallées des monts Zagros.

« Les Oiseaux de papier » page 53.

Né à Téhéran en 1973, Mana Neyestani vit en en exil en France depuis 2011. L’ancien architecte, devenu dessinateur et illustrateur de presse dans son pays d’origine, est l’auteur de bandes dessinées autobiographiques ou de reportages, depuis « Une métamorphose iranienne » jusqu’à « L’Araignée de Masshad » en passant par « Tout va bien ! », « Petit Manuel du parfait réfugié politique » et « Trois heures », toutes publiés aux éditions Çà et là. « Les Oiseaux de papier » est sa première œuvre de fiction. Si le récit s’appuie sur des témoignages provenant de la République islamique, l’auteur a construit un scénario solide, un drame implacable et poignant qui se conclut de manière tragique.

L’explication du titre se trouve à la toute fin d’un album qui dénonce en creux tous les travers de la dictature du pouvoir chiite : de la violence policière omniprésente aux conséquences mortifères d’un patriarcat inchangé depuis des siècles et de l’asservissement d’une population — qui vit sans l’espoir d’améliorer son sort — à l’hypocrisie d’un pouvoir tyrannique et hypocrite qui s’appuie sur un système mafieux pour mieux pérenniser son emprise sur un pays de plus de 90 millions d’habitants.

« Les Oiseaux de papier » page 55.

Le texte de la bande dessinée a été adapté en Falc (Facile à lire et à comprendre). C’est une méthode qui a pour but de traduire un langage classique en un langage simplifié pour être accessible à de jeunes lecteurs, mais aussi aux personnes en situation de handicap intellectuel ou cognitif, aux personnes allophones et aux personnes vieillissantes. Ainsi, en guise de prologue, un texte présente l’histoire, puis les personnages et le contexte et, enfin, donne quelques informations sur les kolbars. Avant le début du récit, on précise comment lire une bande dessinée case par case, en indiquant l’ordre des phylactères.

L’innovation ici réside dans l’adaptation des images et de la narration séquentielle de la BD, grâce à l’ajout de textes narratifs pour accompagner chaque illustration. Voilà une excellente initiative pour que tous les lectorats puissent comprendre ce qu’il se passe à la frontière entre l’Iran et l’Irak, à partir de cette bande dessinée d’une grande profondeur humaine.

Laurent LESSOUS (L@bd)

« Les Oiseaux de papier » par Mana Neyestani

Éditions Çà et là (23,00 €) — EAN : 9782369904199

Parution 4 avril 2025

Le texte de la bande dessinée a été adapté en Falc (Facile à lire et à comprendre).

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