Du Congo à l’Arizona !

Tout commence, pour Maryse et Jean-François Charles, par une fascination ancienne liée à un voyage aux États-Unis en 1976 et par l’envie de créer un western. Malheureusement, les éditeurs ne les suivent pas sur cette envie, et ce n’est qu’en 2022 qu’elle renait et se concrétise avec, cependant, la curieuse idée de l’associer à Joseph Conrad et à son célèbre « Au cœur des ténèbres »…

Curieux, parce qu’il s’agit de transposer en Amérique ce qui se passait en Afrique, où un jeune officier de la marine marchande britannique remonte le fleuve Congo pour retrouver un directeur d’un comptoir commercial dont on n’a plus de nouvelles. Dans l’album des Charles, il s’agit, pour le héros, de retrouver carrément son frère, lequel s’est, comme dans Conrad,  » ensauvagé « 

On est en 1870 au Kansas. Arrive un jeune officier plein d’avenir auquel on confie la mission de ramener à la raison (et à la maison !) le colonel Adam Pyle : son frère, un militaire brillant, mais plutôt belliqueux, qui a désormais pris parti pour les Indiens ! Il a pris, lui dit-on, « la tête d’une bande de renégats apaches, des Navajos, et ils sèment la terreur dans les territoires de l’Arizona, de l’Utah et du Nouveau-Mexique » ! Le lieutenant Norman Pyle doit le retrouver coûte que coûte, mais la mission doit rester secrète.

C’est de fait à un grand voyage dans les espaces américains que nous convient les auteurs… Et c’est l’occasion, pour le héros, de découvrir sur le terrain le sort souvent difficile des pionniers, d’une part, ou celui des Indiens et des Noirs, dans un monde où les Blancs racistes maltraitent, sans état d’âme, tous ceux qui ne leur ressemblent pas ; le tout, au fil de rebondissements qui tiennent le lecteur en haleine : lecteur auquel il tarde de rencontrer le frère félon. C’est aussi pour le héros l’occasion de se rappeler son passé avec ce frère beaucoup plus vieux que lui et qui le fascine.

Les « dessin et peinture » de Jean-François Charles, comme il est indiqué en page de titre, servent très efficacement cette aventure aux paysages évidemment mémorables, jusqu’à ces fameux déserts de Monument Valley, « dessin et peinture » auxquels un dossier complémentaire d’explications redonne toute leur place (notamment pour les projets de couverture).

Rappelons que le récit de Conrad (« Au cœur des ténèbres ») a donné lieu à deux adaptations. D’abord, l’exceptionnel « Kongo » paru en 2013 chez Futuropolis avec Christian Perrissin et Tom Tirabosco aux commandes pour mettre en scène cet univers où s’agitent de bons blancs, suants et gras, intrigants et trafiquants… d’ivoire : un monde inhumain où les pires fauves ne sont pas les animaux, mais les potentats blancs. La grande force de cette adaptation tient au dessin de Tirabosco, charbonneux et aux contours adoucis qui rend ses vues à la fois réalistes et impressionnistes. Les pages où Konrad s’enfonce en forêt, seul, ou les vues du bateau voguant entre des berges touffues, construisent un inépuisable livre d’images aussi muettes qu’évocatrices. L’année suivante, en 2014, chez Soleil, Stéphane Miquel et Loïc Godart s’emparent également du titre, dans un récit librement adapté du roman, un récit en trois parties explorant les ressorts de l’âme humaine.

Didier QUELLA-GUYOT

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« Au cœur du désert » par Maryse & Jean-François Charles

Éditions Le Lombard (18,95 €) – EAN : 9782808211598

Parution 14 mars 2025

 

 

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