Il y aura bientôt trois ans, juste après le terrible incendie qui ravagea sa maison, Bruno Bouteville — qui, la plupart du temps, signe ses BD du pseudonyme Jaap de Boer ou Jaap tout court — a publié « J’ai embrassé́ une fille » : un bel et émouvant album où il plongeait dans son passé et que, séduits, nous avions chroniqué sur notre site. Il faut dire que son trait rondouillard s’adaptait alors à merveille à son propos nostalgique. (1) Aujourd’hui, il nous offre la version féminine de ce flirt de vacances entre adolescents, qui s’est déroulé en 1974, dans le cadre agréable du marais poitevin : c’est la même histoire, mais racontée cette fois-ci par l’héroïne du premier ouvrage… Humour et tendresse sont de nouveau au rendez-vous !
Lire la suite...Enfin de nouveaux mystères de Paris avec Eugénie …
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La révolution industrielle et les travaux du préfet Hausmann ont profondément transformé le Paris du XIXe siècle. Mais dans cette ville moderne, le crime est toujours présent, même s’il avance masqué. Un assassin terrorise la ville lumière le visage recouvert d’un masque de guignol. Une nouvelle enquête pour la téméraire Eugénie et la confrérie de Vidocq, au cours de laquelle ils ne croiseront rien de moins que le jeune Arsène Lupin et le futur Fantomas.
Paris 1886, le général Boulanger est le ministre le plus en vue du gouvernement. On se moque de ce militaire va-t’en guerre au spectacle de Guignol dans les jardins du Luxembourg.
C’est là que se retrouvent les membres de l’informelle confrérie de Vidocq, composée de la très perspicace Eugénie et de ses amis : Charles, un orphelin sans-abri, Arthur, un apprenti-vitrier brutalisé par son père et Raoul, un nouveau venu énigmatique, ami d’enfance de Charles.
Après avoir discuté avec des adultes amicaux : l’épicier Ferdinand et le marionnettiste Hugues, Eugénie rentre chez elle l’esprit léger. Elle ne s’est pas rendu compte qu’Herbert, l’assistant marionnettiste la suivait pour connaître son adresse.
Une fois rentrée dans sa demeure, Eugénie, que sa mère a abandonné à sa naissance, retrouve sa cousine et le père de celle-ci, son oncle Edmond. Ce policier débonnaire n’a que peu de talent de déduction. Il compte de plus en plus souvent sur les dons d’enquêtrice de sa nièce pour résoudre des affaires compliquées, s’en attribuer les mérites et, progresser ainsi dans sa carrière. Il peut faire rapidement appel à celle qu’il héberge sous son toit quand un criminel affublé d’un masque de guignol assassine ministres et grands patrons dans les rues de la capitale. Il ne laisse aucune trace : la police n’a donc aucune piste sérieuse à suivre.
Dans un premier temps, la confrérie de Vidocq ne peut se concentrer sur cette mystérieuse affaire à cause de tiraillements internes. Raoul veut délivrer un ami de la terrible prison de la petite Roquette. Pour cela, il a besoin d’argent et envisage un cambriolage auquel refuse de participer Eugénie.
Le particulièrement rusé Raoul reçoit l’aide d’un adulte jovial surnommé Jean-sans-peur. Mais l’adolescent et le jeune homme ne jouent pas franc-jeu : Raoul s’appelle en réalité Arsène Lupin et l’adepte des déguisements et des masques se fera bientôt connaître sous le nom de Fantomas.
Déjà le quatrième volume de « Eugénie et les mystères de Paris » : une série bien construite, enlevée, aux nombreux rebondissements surprenants comme dans les meilleurs romans feuilletons du XIXe siècle.
Le titre fait évidemment référence aux dix tomes des « Mystères de Paris » : le roman au phénoménal succès d’Eugène Sue. Le nom de l’héroïne est ainsi un écho au nom du romancier. Chaque volume de la série offre une enquête complète et peut donc se lire indépendamment des autres, même si les personnages grandissent et que l’on en apprend peu à peu davantage sur eux.
Les enquêtes policières bien menées par une pré-adolescente futée se déroulent dans un cadre historique respecté : celui du Paris de la Belle Époque. Un peu à l’écart des beaux quartiers haussmanniens, il peut laisser de nombreux jeunes à la rue, victimes d’une révolution industrielle aux conséquences sociales désastreuses pour le petit peuple. Au fil des pages vous pourrez ainsi reconnaitre les allées du parc Monceau, la Tour Jean-sans-Peur, le parc des Buttes-Chaumont et, pour finir, les tours de Notre-Dame.
Le récit mêle habilement à l’action des références historiques de l’époque, au général Boulanger par exemple, mais aussi de nombreux traits d’humour : « On se lève tous… pour l’aneth » ou « C’est plutôt bien qu’il veuille revoir sa Normandie, l’Arsène ». Bien que destiné à la jeunesse, la bande dessinée n’élude pas des thématiques réalistes graves, comme les enfants battus, le sort réservé aux vagabonds ou l’alcoolisme de certains adultes.
Réalisateur et scénariste de longs-métrages d’animation comme le remarquable « Ballerina », Éric Summer a construit ici une intrigue policière bien structurée, un récit vivant et référencé, mis en images de manière efficace par l’Italienne Miriam Gambino. Son trait précis et classique, avec une colorisation intelligente, donne vie à toutes les populations du Paris de la fin du XIXe siècle, des plus pauvres aux notables ainsi qu’à des personnages cultes de la littérature française de l’époque : le Prince des voleurs, Arsène Lupin, et le Génie du mal, Fantomas.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Eugénie et les mystères de Paris T4 : Le maître du chaos » par Miriam Gambino et Éric Summer
Éditions Vents d’Ouest (14,50 €) – EAN : 9782749310190
Parution 19 février 2025