Itinérances du bonheur…

La vie est faite d’illusions, de désillusions, de bonheurs et de malheurs, d’ambitions et d’échecs… et de relations familiales plus ou moins compliquées. Celle de l’héroïne n’y échappe pas ! D’autant qu’elle s’occupe souvent de sa grand-mère dont la mémoire vacille, Alzheimer oblige !

L’autrice de l’album s’essaie ici à l’autobiographie. C’est elle qui parle, c’est elle qui rêve (de devenir autrice de BD, notamment), c’est elle qui souffre de voir la santé de sa grand-mère se dégrader, c’est elle qui aime depuis des années un marin quelquefois en mission, c’est elle qui s’interroge sur la vie, sur sa vie, sur le sens qu’elle voudrait donner à cette vie, à la manière de réaliser ses rêves, avec la peur au ventre de savoir que tout peut s’écrouler du jour au lendemain.

La première partie de l’album est consacré à la mamie dont l’esprit s’essouffle, qui ne sait plus qui est qui et qu’il faut surveiller à tout instant. Quand la narratrice décide de prendre un appartement, sa culpabilité est terrible, car, comme ses parents travaillent, sans elle, c’est la maison de retraite. Cette séparation effroyable dont elle se sent responsable la met très mal ! Pourtant, la vie doit reprendre coûte que coûte. Il faut se construire en marge de ce drame. Mais la vie, justement, s’arrête brutalement : COVID oblige ! C’est le moment où l’État impose le confinement, le repli obligatoire, la promiscuité, le doute, d’autant qu’à peine sorti du confinement, son marin part en mission pour plusieurs mois ! Dès lors, comme elle dit, elle « emménage avec une nouvelle personne : le vide ».

L’absence, le silence, le lit vide, une vie amoureuse compromise et la pensée de sa grand-mère qui la hante… Tout va mal. C’est le repli, le mal-être, la peur des autres, de tous les autres, partout ! Reste le dessin pour s’exprimer et, pourquoi pas, raconter cette vie quotidienne et terrifiante à la fois, en attendant que son marin revienne. Mais le retour à la vie de couple sera-t-elle facile ? Rien n’est moins sûr.

Les couleurs délicates de Mathilde Angevin habillent efficacement cette chronique intime sur les difficultés de se construire sans les autres, loin des autres, de ceux qu’on aime, de ceux qui disparaissent. De se construire aussi contre les autres, ceux qui ne vous aident pas, qui ne vous comprennent pas et qui, quelque part, vous empêchent de devenir adulte.

Dans le même esprit de femme qui s’interroge sur sa vie, Rose-André, 24 ans, personnage de l’album « Itinérances » signé Joub. Elle n’est pas seule puisque l’auteur a également interrogé Pierre, 20 ans, étudiant qui s’interroge également beaucoup de la voie qu’il a choisie. Ils n’ont rien en commun – si ce n’est la Guyane et le fait de douter jusqu’à l’épuisement mental – et pourtant leurs chemins se croiseront. Tous deux n’en finissent effectivement pas de se remettre en cause, voire de se laisser aller, puis de se reprendre, de perdre pied amoureusement puis de se projeter professionnellement. On les suit ainsi de 2018 à 2023, de Cayenne à Rennes, puis à Paris, avec, comme dans l’album précédent, le choc du COVID.

Galerie