Nous évoquions, ici même, il y a une quinzaine de jours, Miss Lil ou plutôt Queen Lil, une Canadienne très surprenante. Sa voisine américaine, Belle Greener, qui devint Belle da Costa Greene (elle vivait elle aussi au début du siècle dernier, puisqu’elle est née en 1883), ne l’est pas moins, et dans un tout autre registre !
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Nous évoquions, ici même, il y a une quinzaine de jours, Miss Lil ou plutôt Queen Lil, une Canadienne très surprenante. Sa voisine américaine, Belle Greener, qui devint Belle da Costa Greene (elle vivait elle aussi au début du siècle dernier, puisqu’elle est née en 1883), ne l’est pas moins, et dans un tout autre registre !
Dans la société américaine, où la ségrégation règne en maîtresse, la couleur de peau est un obstacle infranchissable. Selon les lois Jim Crow qui instauraient « la ségrégation dans les services publics (établissements scolaires, hôpitaux, transports, justice, cimetière, etc.), les lieux de rassemblement (restaurants, cafés, théâtre, salle de concert, salles d’attente, stades, toilettes…) et restreignaient les interactions sociales entre Blancs et gens de couleur au strict minimum », une seule goutte de sang noir faisait tache indélébile (la « one drop rule » est invalidée en 1967, seulement). Belle Greener le sait !
Cette jeune femme intelligente, éclairée, érudite, passionnée par la littérature et les livres – ceux qui sont rares, notamment -, décide de braver le système en taisant ses origines, en les reniant, mais en sachant que la moindre levée du secret identitaire serait pour elle catastrophique. Belle n’a pas d’autre solution : mentir aux Blancs racistes pour profiter de leur société et participer à l’intelligentsia new-yorkaise.
Belle s’invente donc des ancêtres portugais et peut ainsi commencer une carrière de bibliothécaire dans l’université de Princeton jusqu’à gravir les plus hautes marches de son métier où elle excelle, côtoyant des collectionneurs fortunés, devenant peu à peu une femme d’affaires (artistiques !) importante, admirée, mais avec le risque constant de déchoir du piédestal fragile qu’elle a réussi à édifier à propos de ses origines.
Très joliment dessiné et mis en couleurs par Nina Jacqmin, qui a notamment déjà réalisé « La Mystérieuse Affaire d’Agatha Christie » (Vents d’Ouest, 2019) ou « Georges Sand, ma vie à Nohant » (Glénat, 2021), le récit documenté à propos de cette femme atypique et audacieuse est complété de trois pages d’explications sur le sort des métis devenus blancs, au fil des générations : des métis à la « noirceur invisible », au grand dam des ségrégationnistes.
Didier QUELLA-GUYOT
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« Le Secret de Miss Greene » par Nina Jacqmin et Nicolas Antona
Éditions Le Lombard (22, 95 €) – EAN : 9782808214018
Parution 24 janvier 2025