C’est devenu une tradition depuis quatre ans (1) : tous nos collaborateurs réguliers se donnent le mot, en fin d’année, pour une petite session de rattrapage ! Même s’il est assurément plus porté sur les classiques du 9e art et son patrimoine, BDzoom.com se veut quand même un site assez éclectique : pour preuve cette compilation de quelques albums de bandes dessinées que nous n’avions pas encore, pour diverses raisons, pu mettre en avant, lors de leurs sorties dans le courant de l’année 2024.
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C’est devenu une tradition depuis quatre ans (1) : tous nos collaborateurs réguliers se donnent le mot, en fin d’année, pour une petite session de rattrapage ! Même s’il est assurément plus porté sur les classiques du 9e art et son patrimoine, BDzoom.com se veut quand même un site assez éclectique : pour preuve cette compilation de quelques albums de bandes dessinées que nous n’avions pas encore, pour diverses raisons, pu mettre en avant, lors de leurs sorties dans le courant de l’année 2024.
« Jan Karta, la fin d’un monde T4 : Barcelone 1937 » par Rodolfo Torti et Roberto dal Pra’
Éditions Fordis (24 €) — EAN : 9791095720584
Parution 12Â septembre 2024
Fuyant le bruit des bottes et la fureur des hommes, l’ancien détective privé allemand Jan Karta se réfugie dans une demeure appartenant à son père, en Espagne : un pays au bord de la guerre civile. Témoin involontaire de l’assassinat barbare du poète Federico GarcÃa Lorca par les fascistes locaux, il est contraint d’abandonner Grenade pour Barcelone. Au cours d’un périlleux voyage où il rencontre le photographe-journaliste George Orwell, il devient le spectateur d’une sorte de répétition du second conflit mondial… Ce magistral quatrième tome conclue le premier cycle de passionnantes et efficaces enquêtes, dues aux Italiens Roberto dal Pra’ et Rodolfo Torti, sur fond d’événements historiques. Elles ont été publiées dès 1986 dans le mensuel Pilote, comme nous le rappelle notre collaborateur Philippe Tomblaine dans son dossier documenté en postface : « De la République de Weimar à la Guerre d’Espagne » !
« Jeremiah T41 : Casino céleste » par Hermann
Éditions Dupuis (13,50 €) — EAN : 9782808505147
Parution 4Â octobre 2024
Chargés de livrer un curieux étui, Jeremiah et Kurdy atterrissent dans un hôtel miteux sans clients, au cœur d’une ville en ruine où s’affrontent deux frères psychopathes. Une fois encore, les deux éternels voyageurs vont devoir tenter d’échapper aux bandes hostiles qui grouillent dans le quartier… Bien que le scénario ronronne un peu depuis quelques albums, Hermann (86 ans !) éblouit toujours ses lecteurs par ses mises en pages audacieuses, ses plans cinématographiques saisissants, sa science du mouvement, ses gueules savoureuses… Il est à la fois touchant et réconfortant de constater que ce grand maître de la bande dessinée réaliste poursuit avec la même passion — depuis 1979 — les aventures de ses héros légendaires.
« Dinosaur Bop T8 : Fossiles vivants » par Jean-Marie Arnon
Éditions Inanna (15,90 €) — EAN : 9791097349219
Parution 29Â octobre 2024
Après « Je suis une sorcière », « Spacebaby » et « Megasauria », Jean-Marie Arnon revient à  « Dinosaur Bop ». On y suit les mésaventures picaresques et érotiques de Wanda Statik et de sa fille. En deuil de leur compagnon et père Eddy Bochrane, elles sont recueillies par une tribu de Vegamen new age, dans un monde préhistorique, psychédélique, barge et anachronique. Mais les choses se compliquent quand un Vega s’intéresse bibliquement à la fille de Wanda ! Les deux femmes doivent quitter le clan, poursuivies par leurs ennemis de toujours : les Mudmen. Tout cela au moment où une fusée humaine venant de Mars atterrit sur Terre. Une jolie pagaille savamment orchestrée par Arnon, au style graphique héritier de Jack Kirby, Robert Crumb et Charles Burns ! Avec ce nouvel épisode additionné de deux courts récits, Arnon nous ramène dans un Jurassique teinté de science-fiction et de jolies pin-up, pour un sitcom classe, drôle et enlevé.
« Le Petit Derrière de l’histoire » T3 par Katia Éven
Éditions du Chat (20 €, avec dédicace 80 €) — Sur katiaeven.fr
Marie, une jolie jeune femme potelée, ouverte sous tous rapports (c’est l’autrice qui le dit !), revisite l’histoire depuis la nuit des temps en voyageant de notre époque vers le lit des grands inventeurs, qu’elle stimule dans leurs créations. Grâce à son action sensuelle (très physique, vous l’aurez compris), elle influence, pour notre plus grand bonheur, la destinée du monde. Dans ce nouvel opus, c’est le grand Léonard de Vinci qu’elle côtoie de près… Bref, si la femme est l’avenir de l’homme, comme disait le poète, Marie en est aussi son passé bienheureux. Avec humour et volupté polissonne, Katia Éven nous livre sa vision coquine de l’histoire de l’humanité, à laquelle on adhère sans retenue. Un conseil : n’hésitez pas à goûter à ce « Petit Derrière » bien appétissant.
« Nostromo T1 : Livre premier » par Maël, d’après Joseph Conrad
Éditions Futuropolis (24 €) — EAN : 9782754815857
Parution 21 août 2024
Le pays imaginaire du Costaguana (en Amérique du Sud), au XIXe siècle, est secoué par des tentatives de renversement du régime présidé par Vincente Ribiera. Sulaco, une ville portuaire où se trouve la grande mine d’argent dirigée par Charles Gould, est menacée par les troubles menés par le général Pedro Montero. Les notables font appel à Nostromo : un mystérieux et charismatique aventurier et chef de bande qui a la confiance du peuple. Il sera le dépositaire des lingots d’argent de la mine de Sulaco… « Nostromo » n’ayant jamais été adapté en bande dessinée (non plus qu’au cinéma) en raison de la complexité du roman, Maël crée l’événement. Avec son trait si particulier, le dessinateur-scénariste sait capter l’expressivité des situations. Comme l’auteur du roman, il a entrelacé les scènes et les périodes. D’une lecture très agréable, ses 115 planches à l’encre et en couleurs directes donnent beaucoup à voir, le dossier final historique étant complété d’études graphiques.
« Les Travailleurs de la mer » par Michel Durand, d’après Victor Hugo
Éditions Glénat (35 €) — EAN : 9782344047033
Parution 16Â octobre 2024
Magistral en diable, le vieux routier qu’est Michel Durand nous offre aujourd’hui une adaptation d’un roman de Victor Hugo (« Les Travailleurs de la mer »), datant de 1866. Fruit de plus de quatre ans de travail, l’album — riche de quelque 150 planches — brille par son époustouflante maîtrise visuelle et narrative. Dans cette bande dessinée maritime, Michel Durand use du seul noir, et de son contrepoint blanc, singeant l’esthétique de la gravure dans un esprit à la Bernie Wrightson, jouant aussi avec les vides, dans une mise en case d’une éclatante liberté. Maniériste, son art consommé du clair-obscur répond malicieusement à celui du grand Hugo : fougueux, dans ses encres baroques. Brillant, cet album porte au firmament le qualificatif « graphique » du trop galvaudé roman graphique. Ceux des lecteurs nostalgiques de la ligne éditoriale du label (À suivre) liront, ici, un bijou digne de ses « romans BD » des années 1980.
« L’Escamoteur » par Sébastien Goethals et Philippe Collin
Éditions Futuropolis (26 €) — EAN : 9782754835374
Parution 9Â octobre 2024
Et de trois pour Philippe Collin et Sébastien Goethals ! Après les remarqués « Le Voyage de Marcel Grob » (2018) et « La Patrie des frères Werner » (2020), ces spécialistes du thriller historique nous entraînent sur les pas de l’intrigant Gabriel Chahine, un galeriste d’origine libanaise, proche des mouvements d’extrême gauche. Avec Jean-Marc Rouillan, futur cofondateur d’Action directe, il planifie le vol de « L’Escamoteur » : le chef-d’œuvre pictural de Jérôme Bosch exposé à Saint-Germain-en-Laye. Et si, derrière cette action d’éclat destinée à financer l’ultragauche, se cachait une tentative d’infiltration diligentée par les services de renseignement français ? Tout au long de ses 320 pages, ce one-shot nous remémore une époque partiellement oubliée : la France et l’Europe des années 1970, malmenées par les actions terroristes des radicaux politiques. Sans cautionner ni prendre parti, les auteurs témoignent, en disséquant habilement cet héritage politique complexe et tortueux. Un dossier historique de Fabien Archambault complète cette enquête particulièrement dense.
« Galapagos » par Michal Olbrechts
Éditions La Boîte à  bulles (22 €) — EAN : 9782849535202
Parution 9 octobre 2024
Cette histoire, inspirée de faits réels, est connue sous le nom d’Affaire des Galapagos. En 1929, un médecin (Friedrich Ritter) et sa femme (Dore Strauch) s’installent sur une île inhabitée de l’archipel des Galapagos. Malheureusement pour le médecin — fanatique de Nietzsche et rêvant de « paradis » —, le couple est rejoint en 1932 par une famille (les Wittmer), puis par une baronne excentrique (Eloïse Wehrborn) et ses deux amants. Dès lors, rien ne va plus ! Après avoir voulu fuir la société, cette dernière est revenue agresser Friedrich — avec ses travers, ses jalousies, ses coups bas et ses luttes — dans un huis clos quelquefois insoutenable ; le tout dans une réalisation de très belle tenue, graphique et chromatique (notamment pour les paysages), narrative, tant on ne se sépare pas facilement de ces personnages, piégés ou manipulateurs.
« Présence de corps étrangers » par Shintaro Kago
Éditons IMHO (18 €) — EAN : 9782364811270
Parution 17Â mai 2024
Ce recueil de 170 pages (le troisième à être paru en France, mais le second chronologiquement) appartient à la trilogie d’histoires courtes et invraisemblables de Shintaro Kago. Il est composé de 43 chapitres, prépubliés entre 2012 et 2015 dans différents magazines japonais. Tout comme les deux autres volumes, il présente des histoires indépendantes : certaines se déroulent en une seule page, tandis que d’autres s’étalent sur sept. Oscillant entre grotesque, gore et sexualité — parfois réservées à un public averti —, ces saynètes, dues à ce maître de l’ero guro à  l’imagination sans borne, dévoilent l’absurdité de notre monde en réinterprétant, entre autres, la création de la guillotine ou de l’imprimerie : un mélange surprenant d’humour noir et une perle d’absurdité crue qui sait amuser son lectorat, mais aussi le choquer pour le faire réfléchir ! L’excellente traduction d’Aurélien Estager (et notamment sa maîtrise des mots, parfaitement dans le ton) ajoutant une couche de finesse à l’œuvre.
« Time Under Tension » par M.S. Harkness
Éditions Komics Initiative (25 €) — EAN 9782386030659
Parution 6Â octobre 2024
M.S. Harkness vient d’obtenir son diplôme de fin d’études du Minneapolis College of Art and Design. Ce moment marquant l’amène à se questionner sur un parcours de vie déjà difficile. Issue d’une famille à problèmes — elle et sa sœur ont été abusées par leur père —, et ne roulant pas sur l’or, M.S. Harkness se prostitue occasionnellement et dealeun peu. Elle entame une relation avec un client combattant de MMA (Mixed Martial Arts), mais cette complicité tourne surtout autour de la drogue. Cette existence précaire lui pèse. Ses échappatoires à ce quotidien plombant seront le début d’une reconnaissance artistique et une pratique passionnée de l’haltérophilie. M.S. Harkness mènera alors de front sa carrière de dessinatrice et une formation de coach sportif. Aussi physique à lire qu’il a dû l’être à élaborer pour l’autrice, « Time Under Tension » (traduit par Rosalind Holmes Duffy et Alain Delaplace) témoigne de ce parcours étonnant à travers un graphisme minimaliste, solide, renforcé par une percutante maîtrise du noir et blanc.
« Jean Jambe et le mystère des profondeurs » par Matthias Picard
Éditions 2024 (16,90 €) — EAN : 9782383870999
Parution 4Â octobre 2024
Un personnage filiforme, tout en jambe, s’accroche à un fil pour découvrir des territoires de plus en plus psychédéliques. Jean Jambe quitte ainsi son bateau pour gravir les pentes d’une île mystérieuse et, arrivé au sommet, s’enfonce dans des boyaux dont les parois présentent des textures de plus en plus étranges. Il réveille une meute de chauves-souris ou marche au milieu de gigantesques champignons, avant d’émerger dans un espace vide : ébloui, non par le soleil, mais par la lampe de bureau de son créateur. Cette bande dessinée muette est véritablement hors-norme. Sur des photographies en noir et blanc de ce qu’il a collecté lors de balades (quartz, champignons, coquillages…),Matthias Picard propose une promenade d’une singulière profondeur, magnifiée par la 3D grâce aux lunettes à filtres rouge et bleu fournies avec l’album. Dessiné simplement, Jean Jambe est un passeur qui incite à la réflexion et à la rêverie. On peut aussi considérer la BD comme une ode poétique à la création. Suivez le fil narratif de Jean Jambe, vous ne le regretterez pas.
(1) Vous pouvez retrouver ici les sessions de Et pour quelques albums sortis en 2023 de plus…, 2022 et 2021.