Un roman (bio)graphique sur Romy Schneider, cela devait arriver tôt ou tard, et notamment dans la collection 9 1/2 de l’éditeur, dédiée au cinéma… Le choix des auteurs s’est porté sur ses débuts, y compris son enfance — vite évoquée — avec la guerre en fond, et son entrée timide dans le cinéma, jusqu’aux premiers rôles. On croisera naturellement Alain Delon, presqu’inconnu alors que Romy est déjà célèbre après « Sissi » : la relation amoureuse et professionnelle avec le jeune acteur français est fondatrice, essentielle pour les deux. Un album à la mise en images sensible, juste, sans effets appuyés, mais aux couleurs très choisies selon les moments narrés. Un trait doux et bienveillant : connaissant sa fin tragique, ce n’est que justice.
Lire la suite...« Romy Schneider » : les débuts d’une actrice très européenne…
Un roman (bio)graphique sur Romy Schneider, cela devait arriver tôt ou tard, et notamment dans la collection 9 1/2 de l’éditeur, dédiée au cinéma… Le choix des auteurs s’est porté sur ses débuts, y compris son enfance — vite évoquée — avec la guerre en fond, et son entrée timide dans le cinéma, jusqu’aux premiers rôles. On croisera naturellement Alain Delon, presqu’inconnu alors que Romy est déjà célèbre après « Sissi » : la relation amoureuse et professionnelle avec le jeune acteur français est fondatrice, essentielle pour les deux. Un album à la mise en images sensible, juste, sans effets appuyés, mais aux couleurs très choisies selon les moments narrés. Un trait doux et bienveillant : connaissant sa fin tragique, ce n’est que justice.
La fillette de sept ans, qui s’appelle encore Rosemarie, connaît un épisode de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, au printemps 1945, qui la marquera sa vie durant. C’est par sa mère Magda, une actrice connue, que la Romy de 15 ans joue pour la première fois, dans des rôles très secondaires. Le théâtre lui permet d’être adoptée par le cinéma, pour des rôles plus importants. Très rapidement, ce sera « Sissi », en 1955 ! À 17 ans seulement, un tel succès la déstabilise et l’enferme dans un cliché, alors qu’elle ne souhaite qu’une chose : être actrice, pleinement. Elle enchaîne d’autres films, notamment avec Horst Buchholz : un acteur qui deviendra célèbre outre-Rhin. Un mot sur la famille de Romy. Sa mère, Magda, a été, par intérêt ou sincérité, proche du parti nazi, et avait même croisé Hitler à plusieurs reprises. Elle est remariée à un homme d’affaires qui tente de peser sur la carrière de Romy avec une vision… entrepreneuriale et financière !
Mais le chemin de la jeune actrice est bouleversé par la rencontre avec Alain Delon : d’abord sur le tournage du film « Christine » (1). Grâce à lui, elle rencontre Luchino Visconti, et le couple, désormais officialisé par la presse, joue ensemble au théâtre « Dommage qu’elle soit une putain » (2). Au carrefour de l’Allemagne, de la France et de l’Italie, Romy Schneider est née « professionnellement » à la même période que l’Europe politique au début des années 1950. Cette coïncidence, qui s’ajoute à sa carrière dans ces trois pays fondateurs, en fait l’une des premières actrices pleinement « européennes ».
Après les belles biographies en images de Sergio Leone, Lino Ventura, Patrick Dewaere, Alfred Hitchcock, Audrey Hepburn, Orson Welles et bien d’autres, le choix de l’actrice « germano-française », paraît plus que naturel : évident. Comme Dewaere, elle est demeurée une icône — alors qu’elle a disparu en 1982 —, tant elle a marqué l’histoire du cinéma au moins pendant 20 ans. Jusqu’à l’âge de 25 ans, là où s’arrête l’album (hors épilogue en 1968), elle n’est pas encore blessée par la vie. Au contraire, elle apprend vite, fait des choix essentiels, ce que montre ce récit.
Le style de Torregrossa — doux, réaliste, mais limpide — rend compte de ce parcours unique de façon émouvante. La simplicité, souvent touchante (dans le bon sens du terme), et ce trait clair et lisible permettent d’éviter l’écueil d’une biographie trop classique. Le rôle des couleurs est pour beaucoup dans le rendu, lequel n’est pas tourné vers le passé : de larges aplats de plusieurs nuances d’une couleur, chaque fois différente selon les moments et les ambiances. Le changement de couleurs dominantes, franches, identifie les périodes, les états d’esprit, dans une forme très actuelle. Les épisodes de vie quotidienne, en partie imaginés bien entendu, font très vrai, et sont ponctués d’anecdotes véridiques sur les dessous du travail cinématographique : projets avortés, occasions manquées, participations amicales… On en apprend beaucoup (3).
(1) Film de Pierre Gaspard-Huit sur la bonne société et le milieu militaire de Vienne, au début du XXe siècle.
(2) Drame élisabéthain de John Ford (1633) où un frère et une sœur se jurent un amour éternel, incestueux et funeste.
(3) On pourra compléter ce récit avec un CD (sorti ce même mois) qui lui est consacré : « Romy Schneider : un portrait musical », réunissant les musiques de quatre films de Claude Sautet composées par Philippe Sarde.
« Romy Schneider : je ne suis plus Sissi » par Rémi Torregrossa et Stéphane Betbeder
Éditions Glénat (23 €) — EAN : 9782344043660
Parution 13 novembre 2024