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« Lucky Luke » : à la découverte d’une étonnante communauté !

16/11/2024
Par Henri Filippini

En bientôt 80 ans d’aventures, le cow-boy qui tire plus vite que son ombre a côtoyé la plupart des communautés venues d’Europe et d’ailleurs pour peupler l’Amérique. Curieusement, les Allemands ont échappé (ou seulement pour l’anecdote…) à l’imagination fertile des scénaristes de la série. C’est aujourd’hui chose faite avec Jul, lequel expédie son héros au nord du Far West, là où les colons venus d’Allemagne importent le hamburger, le hot-dog, le ketchup, le sapin de Noël… et la bière : le fil rouge de cet épisode riche en trouvailles truculentes…

Après une dure semaine de labeur passée à vaquer à ses occupations quotidiennes — pour le moins mouvementées et épuisantes—, Lucky Luke arrive à New München : la ville où les desperados sont mis en bière… Au grand désespoir de son maire, la ville est quasiment morte : une grève des ouvriers des brasseries — du Colorado au Dakota — empêche l’approvisionnement en précieux breuvage, chassant les visiteurs, paralysant une population majoritairement venue d’Allemagne. À la demande de l’édile,notre cow-boy débarque à Milwaukee : la capitale américaine de la brasserie, dirigée par les barons de la bière que sont Schlitz, Blatz, Miller, Falk… Sans oublier Frederick Martz, qui compte sur Lucky Luke pour mettre un terme à ce mouvement paralysant la production. Ce que Günther Wolf, le chef d’un syndicat radical adepte de Karl Marx, conteste avec véhémence. Il est aidé par son vieil ami l’Apache Aigle à deux têtes (devenu ouvrier et marié à une Allemande), mais aussi — malgré eux — par les Dalton, recrutés par le gouvernement pour remplacer les travailleurs grévistes. Les séquences mouvementées se succèdent à un rythme soutenu, ponctuées de gags désopilants. Fidèle à ses habitudes, Jul introduit la politique par petites doses dans son scénario, un sujet rarement abordé — voire jugé incompatible avec la jeunesse — du temps de Morris. C’est aussi une nouvelle source de gags innovants dont l’auteur de « Silex and the City » ne se prive pas. Achdé, qui anime le personnage depuis plus de 20 ans, est de plus en plus à l’aise avec l’univers graphique de la série. Il crée avec aisance de nouveaux personnages, tout en respectant les fondamentaux hérités de Morris. Ce n’est pas un banal épisode de plus que propose le duo, mais un album original, riche en découvertes, au cours duquel le lecteur ne s’ennuie pas.

Né le 30 juillet 1961 à Lyon, Hervé Darmenton — qui signe Achdé — effectue des études paramédicales tout en dessinant pour des fanzines. C’est à partir de 1993 qu’il propose aux éditions Dargaud « C.R.S. = Détresse » : 12 albums de gags en une planche,réalisés seul, puis avec Raoul Cauvin au scénario. Il publie « Woker » en 1997, « Doc Véto » avec Christian Godard en 2000, puis « Les Damnés de la route » (pour Bamboo) également à partir de 2000. Il est le dessinateur officiel des aventures de Lucky Luke dès 2003, avec divers scénaristes invités, puis avec Jul depuis 2016.

Julien Berjeaut, né le 11 avril 1974 à Maisons-Alfort, étudie à l’École alsacienne, puis à l’École normale supérieure. Agrégé d’histoire, il est enseignant, tout en publiant ses premiers dessins dans La Nouvelle République des Pyrénées sous la signature Jul. Il collabore à Libération, Le Monde, Philosophie magazine, Le Point, Lire, L’Humanité… avant d’aborder la bande dessinée dansL’Écho des savanes, Fluide glacial, Charlie hebdo. Il propose l’album « Il faut tuer José Bové » en 2005 (chez Albin Michel). C’est en 2009 que paraît le premier épisode de « Silex and the City » chez Dargaud, où il publie également « La Planète des sages », « La Faim de l’histoire »… On lui doit aussi l’album « Spirou chez les fous » en 2022, dessiné pour Libon (chez Dupuis).

Et, en 2016, il devient le scénariste officiel des aventures de Lucky Luke (avec l’album « La Terre promise »), dont il livre un nouvel épisode tous les deux ans.

Henri FILIPPINI