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« Les Grandes Batailles navales T23 : Tchesmé » : entre brûlots et galères…

19/11/2024
Par Philippe Tomblaine

Chez Jean-Yves Delitte, la passion et la mer ont pris l’homme depuis bien longtemps ! Avec la série thématique des « Grandes Batailles navales », débutée chez Glénat en 2015 (« Trafalgar »), l’auteur belge – également peintre officiel de la Marine – a su développer ses sujets de prédilection : des hommes et des flottilles perpétuellement malmenés par des guerres, conflits et rivalités politiques embrasant le monde comme les océans… Avec « Tchesmé », c’est la guerre russo-ottomane survenue dans le dernier tiers du XVIII^e siècle qui s’invite à bord. En juillet 1770, deux flottilles s’affrontent en mer Égée. Une immersion dans l’Histoire, alliée aux perspectives, aussi tragiques que romanesques, d’aller explorer définitivement les profondeurs, canonnades obligent…

Né à Bruxelles en octobre 1963, publié dans le magazine Tintin à partir de mai 1985, Jean-Yves Delitte se fait connaître comme auteur complet durant les années 1990, 2000 et 2010 avec diverses séries conjuguant très souvent politique, exotisme, mer, Histoire et grande aventure : citons « Donnington » (1989-1995 ; scénario par Philippe Richelle), « Les Coulisses du pouvoir » (1999-2004 ; scénario : Richelle), « Le Neptune » (2003-2005), « Les Nouveaux Tsars » (2004-2007), « Belem » (2006-2011), « Tânatos » (2007-2011 ; scénario : Didier Convard), « Black Crow » (2009-2015) et « Le Sang des lâches » (2014-2017). Entre 2011 et 2018, avec « U-Boot », Delitte s’attaque aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, à travers le sulfureux sujet de la fuite des dignitaires nazis en Amérique du Sud. Déroulant l’intrigue de ce thriller horrifique sur trois périodes (1945, 1951 en Amazonie et 2059 à Venise), l’auteur ne s’éloigne jamais vraiment de l’univers maritime.

Extraits : p.2 et 8 (Glénat, 2024).

Dans « Les Grandes Batailles navales T23 : Tchesmé », Jean-Yves Delitte raconte et dessine avec forces détails un affrontement maritime russo-ottoman survenu durant l’été 1770 en mer Égée. Une bataille qui n’aurait jamais avoir dû lieu : loin de chercher le conflit, la Russie a été contrainte de prendre les armes, après une déclaration de guerre de la Turquie de Mustafa III ; lequel a considéré comme agression le pillage d’une ville ottomane par des cosaques ukrainiens à la solde de la Russie…

Planche 14 (Glénat, 2024).

Qu’ils soient simple matelot, tel le révolté Piotr, quartier-maitre ou officiers, tel le commandant Elphinstone ou le lieutenant d’artillerie Alexis Gortchakoff, tous les protagonistes sont – avec plus ou moins bonne fortune – pour ainsi dire embarqués… dans le même navire (à moins qu’il ne s’agisse de galère ?). Avec comme mot d’ordre « le choix d’agir avec prouesse et de vaincre ou de faire preuve de maladresse et périr ». Détails des bâtiments de guerre, vocabulaire maritime, dialogues contextuels et suspense pour le moins crédible : rien ne manque ici aux lecteurs pour appréhender les grandes manœuvres de l’Histoire. Même sur la mer où les forces ottomanes apparaissaient bien plus fortes, la victoire semble tendre les bras aux Russes lors de la bataille de Tchesmé (6 et 7 juillet 1770), non loin des rivages de l’île de Chios. Une escadre russe de 13 vaisseaux et quelques brûlots contre une flotte ottomane forte de 24 vaisseaux et 13 galères ! Une bataille titanesque, qui fit plus de 10 500 morts… Histoire(s) et redécouvertes des aléas civilisationnels sont au menu de ce nouvel opus des « Grandes Batailles navales » : chez Jean-Yves Delitte, les atmosphères sont pessimistes et les récits aussi houleux qu’humides, souvent désenchantés… jusque dans les grandes profondeurs et les tréfonds des âmes. Cet album, à l’instar des précédents, est complété d’un dossier documentaire de huit pages (également composé par Jean-Yves Delitte), permettant d’en apprendre plus encore sur les aléas de la guerre russo-turque.